Dans Une chance minuscule, Mary Lohan raconte à la première personne le traumatisme qui l’a contrainte à fuir son fils, l’Argentine et son mari vingt ans plus tôt, quand elle s’appelait encore Marilé Lauría. Alors qu’elle était une blonde trentenaire aux yeux bleus – la cinquantenaire qu’elle est au moment de la narration est désormais brune et a les yeux marron –, elle a eu un terrible accident de voiture avec son fils et un de ses copains. Elle se trouvait devant un passage à niveau défectueux et lorsqu’elle a voulu le contourner, sa voiture a calé sur la voie de chemin de fer.
C’est alors qu’elle a entendu un train arriver. Elle est parvenue à sortir de la voiture avec son fils, mais n’a malheureusement pas pu sauver l’autre enfant. Assaillie par le poids de sa culpabilité et de l’acharnement social, elle s’enfuit, seule, aux États-Unis. Vingt ans plus tard, elle est contrainte de renouer avec son passé pour son travail. Ce qu’elle considère au début comme une épreuve insurmontable se révélera finalement être l’occasion rêvée de demander pardon à son fils.
Cet ouvrage est particulièrement poignant car il traite de la culpabilité et plus précisément, de la culpabilité d’une mère. Marilé est doublement coupable : coupable d’avoir tout d’abord laissé mourir le fils d’une autre mère, puis coupable d’avoir ensuite abandonné son propre fils pour tenter de réparer ce crime dont elle n’est pas réellement responsable. En voulant sauver son fils, elle n’a fait qu’accentuer leurs blessures à tous les deux. Cependant, rester auprès de lui n’aurait pas été possible et son départ précipité lui a permis de mieux retrouver son fils par la suite et de se réconcilier avec sa maternité. Maternité qui avait déjà été mise à mal par sa propre mère, qui ne s’est jamais remise de la perte de son autre enfant. On peut ainsi faire un parallèle avec Juan, l’enfant que Marilé n’est pas parvenue à sauver avant l’arrivée du train.
Ce qui est très intéressant dans ce roman, c’est que le lecteur apprend au fil des pages ce qui s’est passé grâce au fils, Federico, qui, en sa qualité de professeur, doit rédiger un texte personnel dans le cadre d’un partenariat éducatif dont sa mère est l’évaluatrice. Seulement le texte ne se dévoile pas en une seule fois : il y a un paragraphe ; puis deux, dont le premier, qui est repris ; puis une page ; et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’enfin, la parole permette d’évacuer le drame. Ce récit à deux voix est le lieu de la réconciliation mère/fils, du dialogue, où chacun peut exprimer sa peine.