Le chien boomerang d’Henri Cueco

La couverture est colorée, originale, attrayante et suggestive.

Le livre se compose de courtes phrases comprenant des accumulations de divers mots se succédant et suggérant des images, un passé, un présent. On découvre ce chien errant et on le suit dans sa vie, son évolution pour enfin découvrir celle, la mère, qui sera sa maîtresse. Disons plutôt qu’ils sont confidents. Un chien, libre, en marge de la société et différent de tous les autres chiens, et pourtant si proche d’une humaine. Le livre est écrit dans un bon français, le langage y est soutenu dans les descriptions, plus familier dans les dialogues,  que ce soit entre des humains ou entre la maîtresse et son chien. Il retranscrit d’ailleurs très bien le milieu de vie dans lequel se situent l’intrigue et les personnages. Beaucoup de sensibilité se dégage. L’animal semble réellement comprendre et communiquer avec la mère. Tous deux se font part de leurs états d’âme avec une réelle simplicité, assez touchante. On peut voir dans certaine phrase l’apparition de l’auteur ex. p.28, entre les parenthèses « (tiens, ça rime) », « (ça rime vraiment) ». Pourtant, ces réflexions reviennent hors parenthèses, et apparaissent directement dans la bouche du personnage qui s’exprime « – Ca rime. ». L’auteur introduit dans son discours un brouillage des voix qui peut perturber le lecteur. L’auteur, qui prend sans doute également la place du narrateur principal (c’est-à-dire hors des dialogues) retranscrit sa probable vie de manière précise, pertinente et personnelle. Il s’exprime d’ailleurs à la première personne et indique ses liens familiaux. Il en vient même à poser des questions rhétoriques pour ensuite y répondre lui-même afin d’interroger et d’impliquer le lecteur dans l’histoire, ce qui n’est pas déplaisant. Dans un certain dialogue entre la mère et le chien, il attribue à « Boomerang » la réplique « – Merci » ce qui met un peu d’humour et d’ironie dans la lecture. La mère répond d’ailleurs, « Tu parles à présent ? », sans en être plus interloquée. Ces dialogues sont donc légers en apparence puisque le ton y est plutôt badin, cependant, si on creuse un peu plus, les réflexions y sont plus profondes, notamment quant au statut de l’animal, ses capacités, voire la possibilité qu’il ait une conscience. On fait connaissance, à travers ce chien, finalement attachant, de toute une famille qui le considère comme une personne à part entière, un père. On découvre également un village, son train-train quotidien… La mort du chien laissera la famille sans voix, en proie au désespoir et au cauchemar, comme quoi un animal peut apporter bien plus qu’un simple « ouaf ouaf », outre les problèmes qu’il peut causer. Le chien, marginal, commença par adopter cette famille pour qu’enfin elle s’y attache elle aussi. Les relations entre hommes et animal sont fortes malgré les plaintes du village et l’amour du chien envers sa famille toujours plus fort, il ne l’aura jamais trahi. C’est une belle histoire, émouvante, pleine de simplicité et de messages.

On trouve dans cet ouvrage deux autres histoires.

« Sa majesté Caramel » met en scène la vie d’un chat cette fois-ci. On a toujours l’impression que l’auteur, à travers le narrateur, nous raconte son passé. Le contexte est un peu déroutant, il est difficile tout d’abord de se familiariser avec les lieux, nouveaux, et le cadre.  La vie de Caramel est interprétée par l’auteur, mais de telle manière qu’on pourrait croire qu’il l’a vécue ou que le chat lui aurait contée.  L’auteur émet des hypothèses quant au passé de Caramel, fait de beaux rapprochements avec l’Égypte en filant la métaphore. Peu à peu, le lecteur peut faire corps avec le chat, c’est à dire qu’il pourrait presque appréhender ses actions, réactions, ressentis. On y découvre d’ailleurs des odeurs, sensations, sentiments et habitudes de chat mâle. Bien qu’à moitié sauvage, la souffrance le contraint à se rapprocher de son « maître ». Tel un humain malade, il ne supporte pas d’être assisté mais n’a pas le choix. Alors qu’on lui apprend qu’il devra se faire euthanasier, il disparaît, un beau jour qu’il profitait du soleil. Sa présence, elle, continuera à hanter les lieux. On peut y interpréter la possibilité d’un sixième sens chez l’animal, d’une part puisqu’il sentit la mort approcher, d’autre part car il continua à veiller sur sa famille, et peut-être à communiquer avec. On imagine l’auteur enfant, dans un cadre paisible, une maison entourée de verdure. Le discours y est soutenu et précis lorsqu’on s’intéresse à la vie de Caramel. Rien n’est laissé au hasard, tout est rapporté de manière fidèle. On s’attache à cette petite boule de poils autant que l’auteur qui reste sans voix face à sa soudaine disparition, qui restera inexpliquée.

Dans les deux histoires précédentes, j’ai beaucoup aimé le rapport entre homme et animal, ainsi que les interventions du vétérinaire, qui apparaît comme la personne capable d’abréger les souffrances, certes par la mort, mais avant tout pour le bien de l’animal. Peu de gens comprennent la possibilité de se décider en faveur d’une euthanasie. Appliquer cette méthode à l’être humain ouvre sur un débat infini, bien discutable, auquel je ne m’attaquerai pas, là n’étant pas mon devoir.

« Ne prends pas tes chaussettes de laine, il y a un changement de train au retour ». Troisième nouvelle, étonnante rien que par son titre absurde et vide de sens au premier abord. On y décèle aucune cohérence ni logique, tout comme l’auteur d’ailleurs qui se voit adresser cette phrase par sa mère. Suit alors sa réflexion à propos de ce conseil, s’il peut être considéré comme tel. Par des associations d’idées, il tente de lui donner un sens, de raisonner comme un philosophe pour trouver ce qui se cache derrière cette injonction. Essayer d’éclairer l’incompris. Narrateur et lecteur se placent tous deux dans la même situation de mal-être, d’incompréhension. En quête de la solution, on émet des hypothèses au rythme de l’auteur qui ouvre de nombreuses portes quant à la signification de cette phrase. Finalement, elle aura marqué son destinataire à vie et une part de mystère sera conservée, ce qui donne tout son charme à cette courte histoire, presque ironique.

Et un grand MERCI aux Editions JBZ&Co pour ce livre qui m’a beaucoup plu et touché. C’est une belle découverte.

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