Nouvelle République, planète plutôt arriérée et en tout cas coincée côté culture pour ce XXVe siècle, subit l’invasion du Festival.
Le Festival est une société galactiquement itinérante post-Singularité. Elle fait pleuvoir sur Nouvelle République une nuée de téléphones qui ne disent qu’une chose : « Bonjour. Tu veux bien nous distraire ? »
De la réponse dépend la récompense. Ainsi, des armes.
Il n’en faut pas plus pour déclencher la Révolution. Et pour conduire les autorités à imaginer pour la vaincre de remonter le temps.
Et risquer l’anéantissement de cette partie de la Galaxie, car l’Eschaton déteste qu’on touche à son histoire.
C’est qui, l’Eschaton ?
Charles Stross est le plus prometteur et le plus déjanté des nouveaux venus sur la scène de la science-fiction.
Crépuscule d’acier a manqué de peu le prix Hugo 2004.
Mon avis :
Terre du futur, Singularité, exploration galactique, plus une mystérieuse divinité (forcément) un peu susceptible dont le nom ne peut avoir été choisi au hasard, voilà le cocktail idéal pour faire mordre à l’hameçon une fan de S-F « classique » comme moi. Tous mes remerciements donc au Livre de Poche et à Livr@ddict pour m’avoir permis de replonger dans une vieille passion que ne demandait qu’à se rallumer.
Dès les premiers chapitres, me voilà retombée en adolescence, quand j’ai découvert les délices de la S-F version Asimov et consorts. Ma madeleine de Proust à moi, c’est Fondation. Je n’ai pas été déçue par ce voyage-ci. J’y ai retrouvé tous les éléments qui me plaisent dans le genre : inventions technologiques, progrès scientifique, voyages lointains, formes de vie étranges côtoyant un univers qui semble si familier, aux parallèles pas du tout fortuits avec des situations présentes ou passées de notre petite planète bleue.
Charles Stross m’a entraînée dans une société féodale aux accents prusso-soviétiques confrontée à la modernité symbolisée par des téléphones portables tombés du ciel : la communication à l’état pur dans un monde verrouillé par le gouvernement. Quand on craint l’information comme la peste, comment réagir face à un attaquant qui tire à coups de liberté d’expression ? Quand on vit depuis des générations dans cette crainte entretenue de l’information, comment réagir face à une si vertigineuse proposition ?
On y rencontre Martin Springfield, ingénieur-espion au mystérieux patron prénommé Herman, ainsi que Rachel Mansour, sorte de James Bond en jupons ultra-performante représentant l’ONU. Protagonistes d’un jeu de faux-semblants où rien ni personne n’est vraiment ce qu’il paraît, ils mènent une farandole de personnages pas si secondaires : militaires obtus ou retors, révolutionnaires désabusés, intelligences dématérialisées, observateurs extra-terrestres à l’apparence animale… Au fil des pages, les différents brins apparemment disparates finissent par tisser un motif cohérent, chaque pièce du puzzle trouve sa place et la boucle est bouclée lorsqu’enfin tous les acteurs ont dévoilé leur véritable identité. L’image d’ensemble, façon Escher, regorge de clins d’œil, de doubles sens, de fausses pistes et d’indices cachés pour former un véritable kaléidoscope dont chaque élément est *presque* réaliste. Mon amour des mots et de leur manipulation a été comblé.
J’ai aussi aimé, sous le vernis de pur divertissement, la fable technico-politique, l’interrogation discrète sur quelques principes fondamentaux de nos civilisations. Pas de réflexion philosophique barbante, mais une subtile démonstration par l’absurde de l’inévitable retour de balancier qui frappe une société extrémiste. Question d’actualité s’il en est que la place de la communication dans la définition de l’humanité.
Cette réflexion, intégrée dans les conversations entre représentants des différents mondes, ne fait jamais perdre le fil de l’histoire même si l’ouvrage est plutôt touffu, et se conclut sur la promesse d’une nouvelle aventure. C’est donc avec une certaine anticipation que j’ajoute la suite de Crépuscule d’acier, Aube d’acier, à ma wish-list, tout simplement pour découvrir dans quelle partie de l’univers et dans quelles péripéties l’auteur aura jeté Martin et Rachel.
Crépuscule d’acier (Singularity Sky)
Charles Stross
Traduit de l’anglais par Xavier Spinat
535 pages – Livre de Poche (n°27070), 2008