Merci à Livraddict et à Folio pour la lecture de Un homme effacé d’Alexandre Postel
Présentation : Damien North est professeur de philosophie dans une université cossue. Veuf, il mène une vie triste et solitaire. Mais un jour, il est embarqué par la police qui l’accuse d’avoir téléchargé sur son ordinateur des images provenant d’un réseau pédophile… L’affaire fait grand bruit, d’autant que Damien est le petit-fils d’Axel North, figure politique historique. L’inculpé a beau se savoir innocent, chacun se souvient d’un geste, d’une parole qui, interprétés à la lumière de la terrible accusation, deviennent autant de preuves à charge. Même une banale photo de sa nièce, unique enfant de son entourage, ouvre un gouffre d’horribles suppositions. Le terrible engrenage commence tout juste à se mettre en marche. Alexandre Postel décrit avec acuité la farce des conventions sociales, les masques affables sous lesquels se cachent le pouvoir, la jalousie ou le désir de nuire – et les dérives inquiétantes d’une société fascinée par les images.
Mon avis : Un homme effacé est le récit d’une chute. Damien North, professeur de philosophie compétent mais discret, passe de sa chaire universitaire à la garde-à-vue, puis à l’univers carcéral. Il transite par l’expérimentation psychiatrique avant de s’engager dans la voie d’un impossible retour à la normale. Malmené par la police et par l’opinion, Damien va progressivement perdre le nord et le sens de son identité. En effet, petit à petit, les circonstances vont lui prendre tout ce qui lui permet de se définir. C’est de son droit au respect de la personne que le prive le commissaire qui recourt à des procédés d’intimidation et de manipulation lors de son interrogatoire. Son travail lui est ensuite enlevé par une décision de justice l’empêchant d’être en contact avec des mineurs. Les soupçons de son frère, Joseph, lui volent son statut dans la famille. Enfin, l’avocat qui lui conseille de plaider coupable lui retire son innocence, seul fil qui le raccordait encore à une existence lui appartenant en propre. A partir de ce moment, il est identifiable à tout autre détenu de la prison dans laquelle il échoue, y compris aux véritables monstres, pour finir par n’être plus qu’un ensemble de signaux physiques dans le processus d’expérimentation auquel il accepte de participer. Passif, Damien North ? Empêché, plutôt, par l’obstination du monde à refuser de reconnaître ses droits en tant qu’individu.
Certains se rebelleraient mais lui ne peut le faire, la faute, peut-être, à ce préjudice originel dont il fut la victime jamais reconnue… Drame d’une rage impuissante, d’une injustice répétée, Un homme effacé est la démonstration brillante de la facilité et de la candeur avec laquelle il est possible de déchoir de son humanité l’individu déstabilisé dans le seul but de maintenir l’illusion de sa propre valeur.
Ce roman n’est pas un thriller mais un roman psychologique qui n’hésite pas à exposer au grand jour les conséquences dramatiques de notre indifférence à l’autre. Le livre n’est pas trépidant, il est bouleversant.
Ce livre me fait penser à L’Etranger de Camus
Tu trouves? Meursault est toutefois moins passif que Damien North, qui subit l’opprobre en rentrant la tête dans épaules et en espérant que ça passe. Je ne vois pas le personnage de Meursault comme une victime, mais plutôt comme un homme un peu désorienté.