Compte rendu du Book Club de Juillet 2012 : Le Coeur Cousu de Carole Martinez

Avec son premier roman, Carole Martinez signe une belle réussite : la note moyenne est en effet de quasiment  9/10.
Pour un grand nombre, Le cœur cousu est considéré comme un vrai de coup de cœur ; pour d’autres, une minorité, il est au contraire une déception.
Même si ce roman a été accueilli principalement positivement, les avis restent tranchés sur certains évènements de l’histoire, considérés comme plus ou moins utiles et intéressants.

Venons-en d’abord aux raisons de cette réussite : une écriture poétique et délicate, proche des contes (autant dans la narration que dans l’aspect magique et enchanteur de l’histoire) ; une histoire émouvante, à la fois tendre et cruelle, dont aucun personnage ne laisse indifférent (soit parce qu’il est touchant et attachant, soit parce qu’il est détestable) ; la place donnée à la magie et au mystère par la présence d’une boîte qui se transmet de génération en génération, donnant à chaque femme de la famille un don qui lui sera propre. C’est cette boîte qui donne l’explication au titre du roman, puisque Frasquita, qui est l’héroïne du récit (bien que ce soit sa fille, Soledad, qui en soit la narratrice), met pour la première fois à profit son don afin de coudre un cœur à la Vierge Bleue, clou de la procession qui a lieu dans son village tous les ans.

Venons-en enfin à ce qui a été considéré comme moins bien réussi par une grande majorité : c’est un roman qui peut manquer parfois de dynamisme, ce qui ressent dans la deuxième partie, avec les épisodes de l’ogre et de la révolution. Ce manque de dynamisme est encore plus prégnant en raison d’une quasi-absence de dialogues et d’une écriture poétique parfois difficile à comprendre.

L’intrigue :
L’intrigue repose sur une narratrice particulière puisque Soledad raconte l’histoire de sa mère, et en cela elle reste très en retrait, ce qui a pu être problématique pour certains, qui auraient voulu en savoir plus sur elle, au contraire bienvenu pour d’autres, puisqu’elle est la passeuse de l’histoire de Frasquita et parce qu’elle porte un nom révélateur de son destin.
Comme indiqué précédemment, l’intrigue en elle-même, bien que construite intelligemment, connaît parfois des lenteurs. Mais ces lenteurs sont facilement balayées par l’atmosphère créée tout au long du récit : nous sommes plutôt face à un roman d’ambiance qu’à un roman d’action.
Ambiance estivale de mise bien sûr, avec l’omniprésence de cette saison dans les personnages (Clara la fille de lumière notamment), dans les lieux (l’Espagne et sa chaleur, ses déserts, son dépaysement) et dans la couleur rouge, véritable métaphore filée qui débute par ce rapprochement saisonnier. Ambiance magique aussi, qui n’a pas été évidente pour tout le monde au départ (beaucoup de surprise quant à sa présence), mais qui s’imbrique en fin de compte tout à fait naturellement à l’histoire de Frasquita et de ses enfants. Je trouve qu’Amanite en parle très bien dans ce paragraphe : « Quant à la magie, elle fait toute la force de l’histoire. On a le sentiment  de remonter à la source ancestrale des femmes, de leur force. Comme si la modernité, la technique, l’industrie, étaient des affaires d’hommes, tandis que les femmes sont désignées gardiennes de la magie, des mystères et de la sacralité des gestes. D’un côté le visible et son orgueil, de l’autre l’invisible et ses secrets. »

Les personnages :
Dans l’ensemble, les sentiments ont été quasi les mêmes pour tous les personnages : Frasquita et ses enfants ont tous une « authenticité et une personnalité attachantes » (je cite ici Ayma). La mère a bien sûr été très appréciée, même si beaucoup ont regretté qu’elle soit éclipsée par ses enfants au fil du récit. Les enfants, surtout Clara, ont été trouvés très touchants, puisqu’ils ont chacun un don propre, et donc une histoire hors du commun, plus ou moins bouleversante. C’est d’ailleurs ce qui les rend vraiment intéressants, puisqu’ils sont à la fois stéréotypés (dans la lignée des contes) et originaux.
Un autre personnage fait l’unanimité ou presque, c’est José, le mari de Frasquita et père des enfants, parce qu’il est méprisable et antipathique : il est égoïste, faible et obsessionnel. Les hommes n’ont en fait pas le beau rôle dans ce roman, c’est aussi le cas de l’ogre et, d’une certaine façon, de l’homme aux oliveraies, même s’il a un côté mystérieux malgré tout touchant, au contraire des deux autres.

Le style de l’auteur :
C’est le style de Carole Martinez qui a été le plus apprécié et qui donne au Cœur cousu tout son intérêt. Ce style est encore plus impressionnant lorsque l’on sait que c’est ici son premier roman.
L’écriture poétique est omniprésente, faisant du récit un bijou de métaphores, dont la plus récurrente est celle du rouge, ayant trouvé plusieurs explications : cette couleur est d’abord celle de la vie qui fait devenir femme (par les règles) et qui permet de transmettre la boîte au fil des générations ; c’est aussi l’Espagne, ses couleurs et sa chaleur ; c’est enfin la violence du monde où vivent Frasquita et ses enfants (les accouchements, les combats de coqs, la révolution, l’ogre…). Cette écriture poétique est parfaitement adaptée au récit, tout en magie et en sensibilité.
A cette écriture s’ajoute en plus un découpage pertinent en trois parties et en petits chapitres qui, bien qu’inégaux, sont idéaux pour le rythme du récit et le rapprochement fait avec le genre du conte.

Un très beau conte, poétique, touchant et délicat, qui donne vie à l’été d’une manière plutôt surprenante ! 

 

Compte-rendu écrit par : EmmaDorian

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