Les avis sont partagés sur cette lecture. Néanmoins le roman obtient la jolie note de 8/10. Ce livre fut un coup de cœur pour beaucoup, une déception pour une minorité.
Les divergences portent essentiellement sur les descriptions que l’on a trouvé parfois trop longues, bien que détaillées et documentées, et le fameux secret qui se révèle somme toute décevant car semble ne pas réellement coller à l’histoire. L’on se pose alors la question : ce livre peut-il être classé dans la catégorie « secrets de famille » ? L’attachement de Rose à sa maison est un élément qui fait débat, certains lecteurs se retrouvant dans ce lien fort à un lieu chargé d’histoires, d’autres ne comprenant pas vraiment ce qui peut expliquer le geste de Rose, en symbiose avec cette demeure.
C’est le côté touchant de ce court roman qui a le plus plu, le combat de Rose pour sauver sa maison, sa relation avec Alexandrine, l’histoire d’amour avec Armand sur laquelle repose toute l’histoire et, bien sûr, les descriptions sensibles des quartiers parisiens d’avant Haussmann. Le fait que ce récit appartienne au registre épistolaire a été souligné comme une originalité qui procure un grand plaisir de lecture, bien que certains lecteurs aient eu du mal à se retrouver dans la narration.
Les lecteurs ont évoqué un autre roman de Tatiana de Rosnay, Elle s’appelait Sarah, qui a semblé plus convaincant et recueille de nombreux suffrages. On évoque d’ailleurs quelques ressemblances (la maison, le petit garçon).
Dans le détail :
L’intrigue, construite autour des grands travaux imaginés par le baron Haussmann, nous entraine au cœur des quartiers éventrés, défigurés de la capitale, sous le second empire. Napoléon III, impressionné par la ville de Londres, voulait faire de Paris l’équivalent français. Embellir, assainir, sont les mots d’ordre mais le roman présente le point de vue des habitants d’un quartier parisien menacé de destruction.
On peut se demander si le combat de Rose pour garder sa maison est vain, si elle aurait pu faire basculer les choses. Mais le roman rend compte de la réalité : les travaux étaient inévitables et Paris en avait besoin. L’auteur évoque le Paris des années 1850. On y retrouve les anciens noms de rues et une description fine réalisée à partir de photos d’époque. Le point de vue interne facilite l’immersion du lecteur dans le quartier de Rose et son combat prend forme. C’est aussi le combat de toute une ville, notamment pour lutter contre l’amputation des jardins du Luxembourg ou de certaines églises.
Evidemment on comprend la lutte de Rose, la maison de son défunt époux faisant partie du patrimoine familial mais aussi du patrimoine historique de la ville. Son engagement n’est pas vain même s’il n’a pas convaincu tous les lecteurs, car justifié. Même s’il n’aboutit pas, on admire le courage de l’héroïne. Les travaux sont apparus comme violent à l’époque, on le ressent dans le roman. C’est cet ancrage dans la réalité, dans l’Histoire, qui a plu car permet de se représenter la vie d’un quartier parisien au milieu du X IX°S. Les lecteurs ont été touchés par le fait que, bien que nécessaire, la réhabilitation d’une ville fasse disparaitre ainsi des pans entiers de l’Histoire. On a fait quelques rapprochement avec notre vie actuelle, convaincus que de nos jours le combat des citoyens aurait plus de poids que celui de Rose : autre lieu, autre époque. Cela étant la lutte de Rose a été menée jusqu’au bout et l’on aime à penser que l’article de journal qui clôt le roman a eu un impact sur les esprits.
Certains lecteurs ont regretté que l’on ne s’éloigne pas un peu de Rose , de son vécu personnel, pour s’immerger dans les rues de Paris et retrouver les bouleversements des autres habitants comme l’ont souligné Zola ou Balzac par exemple, en leur temps. Peut-être le roman colle-t-il trop au point de vue de Rose, son attachement à la demeure familiale, son quartier. Mais le sujet du roman n’est-il pas justement ce lien fort. Tatiana de Rosnay a dû s’appuyer sur ces classiques mais son sujet est plus ciblé : la vie d’une personne au milieu du tumulte. Il ne s’agit pas d’un roman historique. Sans doute le but était-il de réveiller le Paris d’antan, de redonner vie à un quartier qui a existé. Le sacrifice de Rose, perçu comme extrême par certains , souligne que c’est aussi une part de la vie des gens qui disparait.
Les personnages :
Le personnage de Rose a beaucoup touché les lecteurs. On l’explique par son courage, sa force morale mais aussi par son âge avancé. Sans son fils et son mari elle semble n’avoir plus rien à perdre. La perte de sa maison, vécue comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, explique son geste. Son combat, sa décision qui peuvent sembler fous, prennent sens au cours du récit, des lettres, des révélations. Certains lecteurs se sont reconnus en elle et ont apprécié cette proximité. Le terme « héroïne tragique » a été employé pour la qualifier. C’est justement ce qui a déplu à d’autres personnes qui n’ont pu entrer en contact avec ce personnage hors normes. On lui a reproché de vivre dans le passé sans pouvoir se projeter vers un avenir. Pour d’autres lecteurs c’est au contraire ce lien fort avec le passé qui fait de Rose un témoin et l’a rendue plus humaine.
On est étonné que le secret de Rose n’ait pu être révélé avant à son époux. Cet aspect du roman a déçu mais n’a pas terni l’image que le lecteur se fait de Rose. Au contraire, il justifie son geste final.
Le couple Rose/Armand a beaucoup touché le lecteur même si l’on aurait aimé en savoir plus sur cet homme. Cela renforce le geste de Rose qui n’a plus de « proche » au sens fort du terme et ne pense qu’à rejoindre les siens. La distance par rapport à sa fille Violette a été comprise comme facteur décisif bien que le manque d’amour maternel ait pu heurter. On n’aurait pas imaginé que Rose refasse sa vie, s’invente une nouvelle vie, après les descriptions de son attachement à son quartier, son époux et sa belle-mère. Il ne faut pas non plus oublier que les deux hommes de sa vie sont décédés ici.
D’autres personnages ont retenu l’attention des lecteurs :
Alexandrine , probablement la fille que Rose aurait aimé avoir, est un personnage énigmatique, mystérieux que l’on a eu du mal à cerner mais dont le geste final en dit long sur son affection pour Rose. Deux possibilités ont été évoquées pour expliquer son geste qui a surpris : elle voulait rejoindre Rose en qui elle a vu une mère / elle voulait convaincre Rose de sortir de sa maison et peut-être vivre avec elle.
Le libraire, M Zamaretti, qui a initié Rose à la littérature et par lequel on rencontre Flaubert par exemple, a plu. Ce personnage ne passe pas inaperçu dans le roman.
Enfin Gilbert, personnage en marge, soutien indéfectible de Rose, est un personnage touchant que l’on aurait là encore aimé connaitre davantage.
Il n’y a ni gagnants ni perdants dans cette histoire, chacun ayant réagi selon ses convictions : accepter de partir pour se reconstruire une vie, se battre puis céder ou aller jusqu’au bout. L’article final inscrit Rose et Alexandrine dans l’Histoire.
Quelques mots sur le style : que l’on connaisse ou non Tatiana de Rosnay on a apprécié le registre épistolaire. L‘enchevêtrement de lettres crée un réseau qui permet de comprendre les liens intimes qui unissaient les personnages. Ce style crée une proximité. Cette originalité du roman a été reconnue comme ce qui en fait l’intérêt car les lettres révèlent la nostalgie, les souffrances et en disent long sur l’héroïne.
En outre les changements de point de vue selon qui rédige la lettre apportent un second souffle au roman qui aurait u paraitre monotone. Certains passages sont ainsi plus émouvants que d’autres. On a cité la correspondance entre Armand et Rose, puis entre Rose et sa belle-mère.
Un joli roman donc qui a été diversement compris selon ce que l’on y recherchait : un lien avec l’Histoire, un secret de famille ou un récit de vie…
Compte-rendu écrit par : unchocolatdansmonroman