Etre sans cœur… Ne pas avoir de cœur… Ce sont les reproches récurrents qui vont être adressés par les lecteurs du monde entier en découvrant le personnage de la Reine du Pays des Merveilles. C’est un jugement tristement ironique envers celle que l’on nomme Queen of hearts (*la reine de cœur en français).
D’où lui vient sa dureté, sa cruauté, son caractère irascible ? La reine a –t-elle toujours été ainsi ? Quels vilains tours la vie a-t-elle bien pu lui jouer pour qu’elle devienne cette souveraine, célèbre pour la peur qu’elle inspire à ses sujets ?
Ce sont autant de questions auxquelles Marissa Meyer tente de répondre dans sa nouvelle œuvre de fiction, réinventant avec brio l’univers de Lewis Carroll. Dans cette préquelle aux aventures d’Alice, on découvre le quotidien d’une jeune femme qui projette, comme tant d’autres jeunes personnes volontaires, d’accomplir des projets que ses parents ne soutiennent pas. La reine lorsqu’elle était jeune femme n’est autre que Cath, ou plutôt Lady Pinkerton. Catherine, dont le grand malheur est d’être fille de marquis. A cause de son statut, elle subit une pression bien plus importante que les autres filles de son âge. Bien plus importante qu’elle ne l’aurait voulu.
Cath est pleine d’énergie, de joie de vivre. Elle a la tête qui fourmille de rêves et de projets. En effet, elle est mue par une saine ambition : celle d’ouvrir sa propre pâtisserie. Car elle a un don : elle réalise de merveilleux gâteaux, qui sont connus pour être les meilleurs du royaume. Ses créations sont toutes délicieuses, qu’il s’agisse de scones, de tartes au citron, de gâteau à la citrouille… Les descriptions de ses prouesses culinaires ont de quoi faire saliver.
Mais les obstacles ne vont pas tarder à surgir au sein de sa destinée : au début du récit, Cath va très vite comprendre que le roi lui-même a jeté son dévolu sur elle, ce qui constitue à ses yeux un fardeau des plus déplaisants. Cath n’a aucun désir de devenir reine, même si sa mère est à l’opposé totalement exaltée par cette perspective. Du point de vue de ses parents, on ne peut rêver meilleur parti que le roi, bien évidemment ; ni meilleur avenir. En acceptant ce rôle, leur fille serait mise en sécurité financère jusqu’à la fin de ses jours. Son avenir serait assuré, et de la plus efficace des façons.
Mais comment peut-on refuser sa main à un roi ?
Cette question va devenir la problématique de la vie de la jeune femme, totalement perdue dans des enjeux politiques dont elle n’a cure et désespérée de se voir réduite au rang de bel objet, ardemment convoité par un puissant.
En plus de contrarier ses désirs professionnels (car une reine ne veut décemment pas être pâtissière !), la perspective de s’unir au roi va lui devenir d’autant plus insupportable que son cœur va vibrer pour un jeune homme dont elle va faire la connaissance lors d’une fête donnée au château …
Pour faire court, j’ai adoré ce roman. Il a été un voyage magique et délicieux à mes yeux.
Cath est exceptionnelle, son personnage est d’une intensité rare pour une héroïne de roman. Le conflit qui prend place dans sa vie la confronte à un vrai choix cornélien. Et dans son malheur, Cath va se débattre avec force et dignité. J’ai aussi adoré Jest, si patient et dévoué. Je crois que c’est la première fois qu’une romance ne m’énerve absolument pas !
Marissa Meyer s’illustre dans son désormais célèbre sens du spectacle : par exemple, on croirait réellement voir le Jabberwock devant soi, tant elle le décrit avec talent. Le dernier tiers du livre est tout simplement excellent : on a le sentiment qu’un nouveau conte est créé, l’enchaînement des scènes est juste majestueux.
Pudding and pie, he was going to die. Le passage dans le labyrinthe est un vrai régal de mystère et de frayeur, la malédiction qui se resserre autour des personnages est fascinante et terrifiante. La violence des évènements malmène le lecteur de façon étrangement inattendue, puisque pourtant on devrait se répéter que la fin est depuis le début toute tracée ! Lady Pinkerton, nouveau personnage tragique, va être tant suppliciée dans son âme qu’elle en sera métamorphosée.
Et chaque lecteur sera également stupéfait de voir le puzzle se faire, se défaire, se remettre en place pour tisser le canevas funeste de la vie de la Reine de Cœur. Enjoy.
Bonjour,
J’ai beaucoup apprécié ta chronique ; tu donnes vraiment envie de découvrir ce roman. J’aime beaucoup l’idée de revisiter les contes. De cette romancière, j’ai déjà lu les trois premiers tomes des « Chroniques lunaires » ; une lecture mi figue-mi raisin.
A bientôt.