Marc Soulier, né le 26 janvier 1959 dans le quartier populaire de la Goutte d’Or à Lyon, baigne dès son plus jeune âge dans la science-fiction (son père est un des plus grands collectionneurs de Science-fiction en Europe). Autodidacte, très sportif de nature, il exerce de multiples métiers, dont celui d’animateur socioculturel pendant 5 ans, avant de se consacrer exclusivement à l’écriture à partir de 1988. Chef de file d’un renouveau de la science-fiction française avec ses cycles de La bohème et l’ivraie (4 tomes ; 1990) et Mytale (3 tomes ; 1991), il connaît le succès public et critique avec Demain une oasis (1992) et L’Histrion (1993).
Fortement influencée par Franck Herbert et Norman Spinrad, son œuvre aborde régulièrement, à travers ses projections futuristes, des problèmes d’actualité : sous-développement, écologie, injustice sociale, génie génétique, manipulation… Si son domaine de prédilection reste le Space Opera (Étoiles mourantes avec Jean-Claude Dunyach en 1999), il mêle à la science-fiction des données d’autres genres, tels que le conte philosophique avec Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé en 1997 ou le policier avec le cycle de Cybione (1992-2004). Il s’essaie aussi au thriller en 2004 avec Transparences et sa suite Résurgences en 2009.
Le roman
« Les résurgences sont des eaux d’infiltration qui remontent à la surface. Comme le fantôme d’Ann X revient dans la vie de Stephen, malgré tous les cadavres qu’il a exhumés pour mettre un terme à sa carrière macabre. Comme le grand-père qu’elle a assassiné se rappelle à la mémoire de Naïs au bout d’une lunette de fusil. Comme les trottoirs et les bancs sur lesquels Michel ne dort plus le ramènent à la rue. Les résurgences sont des eaux souvent troubles qui ne sentent jamais très bon. » (Quatrième de couverture)
Mon avis
Que ce soit d’après l’avis des internautes ou selon mon expérience personnelle, je pense que mieux vaut avoir lu le roman précédent cet opus avant de l’entamer, à savoir Transparences. Petit rappel : Stephen est criminologue à Interpol et exhume un curieux dossier, celui d’Ann X, tueuse implacable qui se révèle avoir plus de mille meurtres à son actif depuis l’âge de douze ans. Le premier tome consiste en une chasse à l’homme complexe, d’où se dévide inévitablement une fascination étrange pour Ann X/Naïs, à l’issue de laquelle des pontes ripoux des services secrets américains qui utilisaient la « griffe » d’Ann X pour maquiller des crimes politiques auront à découdre tant avec l’implacable tueuse (qui arrivera à organiser sa mort officielle de manière crédible) qu’avec le tenace profiler. Dans ce deuxième opus, après un bref résumé des épisodes précédents, sans doute un peu scolaire mais bien amené, on retrouve les personnages principaux poursuivis par les ombres du passé : Stephen est enlevé par un agent secret français qui a découvert la supercherie de la mort d’Ann X et désire capturer la tueuse à des fins personnelles, Naïs est poursuivie par un autre tueur, modèle sniper celui-ci, issue de l’académie de son grand-père…
Si le modèle classique de « on prend les mêmes et on recommence » me faisait un peu peur au début, l’habileté de l’intrigue ont vite eu raison de mes craintes. Certes l’intrigue est beaucoup plus linéaire que celle du premier tome (il faut arrêter le sniper avant les services secrets de divers bords), mais l’auteur va souvent là où on ne s’attend pas, avec une touche politique assez bien à sa place (malgré quelques franchissements de l’écueil de l’actualité ou du coup de gueule). J’ai particulièrement apprécié par exemple toute l’intrigue liée au mouvement SDF initié par Michel qui a des développements très intéressants dépassant largement le cadre initial d’un simple thriller. Certains points en revanche ont été exposé puis presque zappé alors que j’aurais bien voulu une explication ou souhaité un développement intéressant. Notamment le fait que Naïs considère après sa réeducation qu’elle et Ann X sont deux personnes distinctes : c’est très vite passé, on ne sait pas si elle retrouve une mémoire normale ou si cette bipersonnalité entraîne d’autres troubles, on ne connait pas la réaction de Stephen etc.
J’ai aussi trouvé une amélioration quand à l’écriture et les personnages. Ces derniers sont en effet toujours très bien campés, et on assiste à des développements sur la personnalité qui sont très intéressants, notamment dans le rapport de Stephen aux femmes. Il n’est plus cet étalon désinvolte ou ce criminologue moral du premier, mais devient dans un cas un homme un peu perdu, chamboulé par Naïs (la relation avec son ancienne assistante est d’ailleurs très significative) et dans l’autre un psychologue manipulateur, mais prenant le train avec un peu de retard ce qui l’humanise et le crédibilise grandement. Quand à l’écriture, je la trouve plus souple, souvent plus prompte à des envolées, les passages de description et d’action s’harmonisant mieux dans leur succession, et ce malgré un certain manque de style. Et surtout il n’y a plus ce récit à la première personne non assumée (j’entends par là bourré de commentaires personnels, comme si c’était Stephen qui racontait son histoire, sans jamais dire « je ») qui m’avait grandement gêné dans le premier : les remarques triviales et les opinions de l’écrivain nous sont soit épargnées soit correctement diluées.
Comme dans le premier tome en revanche la lecture est entachée par une scène finale que je considère comme ratée : après le passage de la manifestation finale des SDF, d’une puissance rarement vue, à la limite de l’onirique, et fort d’un message à interpréter librement, Ayerdhal nous inflige un dialogue explicatif, certes bien écrit, mais cassant toute la poésie horrifique du reportage. J’ai trouvé dommage qu’il termine son livre par une telle succession de banalités qui privent le lecteur de sa capacité de rêver et réfléchir à son aise. Je le trouve assez fort dans la construction de scènes frappantes à potentiel de réflexion pour qu’il n’ait pas à les disséquer par la suite. Au final donc, une bonne lecture, agréable, prolongeant assez bien Transparences, la surprise en moins, et qui, si elle n’élimine pas tous les défauts du premier, au moins n’en récupère pas d’autres.