Martial Kermeur a volontairement poussé à la mer Antoine Lazenec, promoteur immobilier véreux. Arrêté par la police, l’ouvrier breton explique au juge depuis le commencement les raisons qui l’ont poussé au meurtre. On est tenté de penser que les confessions d’un criminel face à un juge pourraient être ennuyeuses et superflues mais il n’en est rien ; l’auteur parvient à nous agripper dès le début par ce récit qui retrace ses infortunes et où l’on sent la tension monter et l’étau se resserrer autour de l’accusé. Nous n’osons pas nous arrêter, à peine interrompus par quelques interpellations du juge.
Kermeur s’est d’abord fait licencier et indemniser de 400 000 francs. Il a tout investi dans les projets mirobolants de Lazenec qui n’ont jamais abouti. Il faut ajouter à cela bien d’autres malheurs qui se sont accumulés – divorce, garde de son fils, espoirs vains … – et sont beaucoup trop lourds à porter pour un seul homme. D’autant plus que Kermeur n’est pas le seul à s’être fait avoir et a souhaité par cet acte rendre justice à tous. Hormis la justice morale dont il est question ici, ce roman traite aussi de l’importance capitale pour un père de l’image qu’il renvoie à son fils : « un fils n’est pas programmé pour avoir pitié de vous ». Tanguy Viel, dans la peau de Kermeur use d’expressions tellement imagées et justes qu’on ne peut qu’adhérer à son désarroi et son impuissance.
Entre un roman noir et une peinture sociale, l’auteur réalise un véritable tour de force avec ce roman qui m’a pris aux tripes et où l’on sent l’injustice s’acharner et gagner en intensité. J’ai trouvé la fin jouissive et le roman profondément humain.