Nous sommes en 1908, en France, quand celui que nous appelons le garçon, 14 ans, perd sa mère. La seule personne qu’il connaissait alors qu’ils vivaient tous deux cloîtrés dans une cabane, coupés du monde. Il ne parle pas et il en sera ainsi jusqu’à sa mort. Le garçon entrevoit la vie petit à petit au fil de ses rencontres auprès de fermiers, de Brabek l’ogre des Carpates, d’une femme, Emma (qui lui apprend tout). Il connaît aussi la guerre après laquelle il ne sera plus jamais pareil.
Le garçon accomplit un véritable parcours initiatique durant lequel il découvre l’amour, la poésie, la musique, le plaisir charnel (longuement détaillé !) et s’émerveille tout simplement à chaque fois comme ici pour la musique : « le son, le plaisir. Quand le garçon avait entendu ce chant issu du pavillon il en avait été transporté. Oh ! les vannes qui s’ouvraient, les flots, les vagues qui pénétraient son cœur, la houle qui à la fois le submergeait et le berçait. Tumulte et douceur. C’était la voix de sa mère, le rare et précieux filet de paroles qu’elle laissait soudain s’écouler devant la cabane et dont il s’abreuvait avant que le vent l’emportât vers d’autres sphères. C’étaient les paraboles crépusculaires que Joseph dévidait parfois à la table du souper en manière de bénédicité. Tout cela s’accordait, s’harmonisait, par une mystérieuse alchimie sonore, et le faisait littéralement chavirer. »
Ce récit épique, magnifiquement raconté, nous transporte littéralement hors de l’espace et du temps et nous fait prendre conscience, à travers l’émerveillement, du monde qui nous entoure. Marcus Malte parvient en même temps à y glisser des superstitions, des chimères, des données historiques et des critiques de la société pour compléter ce portrait universel. La plupart des mots qu’il utilise nécessite l’usage d’un dictionnaire, ce qui n’enlève rien au plaisir de lecture, bien au contraire ; il y aurait des bribes de récits entiers à recopier tant la langue est magnifiée. Un vrai ovni littéraire.