Chemins de poussière rouge de Ma Jian

Chemin poussire rougeChemins de poussière rouge de Ma Jian.
Traduction par Jean-Jacques Bretou.

Poche : 452 pages
Éditeur : Éditions de l’Aube (12 janvier 2006)
Langue : Français
ISBN-10: 2752601964. ISBN-13: 978-2752601964

Présentation de l’éditeur

Chemins de poussière rouge est le regard sans concession, délivré de tout tabou, d’un Chinois de l’intérieur devenu étranger à son propre pays. Le récit d’une odyssée de trois ans à travers un pays aux multiples facettes que Ma Jian a décidé d’entreprendre à la suite des persécutions d’une autorité répressive et hypocrite. Dans cet étonnant " road novel ", nous découvrons, au gré de la quête intérieure de l’auteur, une Chine profonde – celle qui va des vastes plaines de l’extrême Ouest jusqu’au Tibet, en passant par les côtes du Sud. L’écriture, tout comme l’œil du photographe, est précise, propre à nous faire saisir les choses et les êtres dans le détail, sans pour autant cesser d’être généreuse et élégante – comme le sont l’homme et le poète. Loué par Gao Xingjian, prix Nobel de littérature, Chemins de poussière rouge a reçu le Thomas Cook Travel Book of the Year en 2002, ainsi que ces très belles mentions dans la presse anglo-saxonne lors de sa publication.

Mon commentaire.

Deng Xiaoping lors du 20 ème Congrès national du peuple prononce un discours édifiant sur la lutte idéologique contre la pollution spirituelle qui est  « … la destructrice même de toute moralité et une violation de nos lois pénales… la pollution spirituelle encourage la passivité, le laxisme, la désunion, corrompt l’esprit et diminue la volonté. Elle conduit à se méfier du socialisme, du communisme et de la direction du parti communisme… »

En septembre 1981 Hu Yaobang fit un discours qui déstabilisa les artistes et intellectuels du pays : il y proclama les dangers d’un « libéralisme bourgeois »

Ma Jian, auteur, peintre, photographe vit à B?ij?ng. Dans son appartement sis au 53 passage Nanxiao, il reçoit beaucoup d’artistes. Surveillé, emprisonné, il était allé trop loin dans sa prise de liberté d’expression : il dut faire son autocritique et devient cible désignée sous le couvert de la campagne « contre la pollution spirituelle », lancée en septembre 1983 par Hu Qiaomu. Contrairement à ce que l’on pense, cette campagne n’était pas tout à fait une remise en cause des progrès réalisés depuis 1978. Elle se voulait centrer dans le rééquilibrage politique qui penchait depuis en faveur des forces conservatrices.

Condamné à rentrer dans le rang, Ma Jian décide de fuir « en avant ». Au vue de son budget limité, il se retrouve vagabond sur les routes de son pays immense, avec dans la poche quelques adresses d’amis à visiter.

Ce livre relate le parcours d’un « vagabond céleste » pendant les trois ans que dura son périple.
Il y eut une quête spirituelle : il prononce ses vœux bouddhistes laïques tout en continuant à se poser des questions ; une quête sur soi : se connaître soi-même avant de découvrir les autres puis les épreuves aidant il prit acte de ses limites physiques ; une quête découverte d’un autre ailleurs et l’ouverture aux personnes semblant vivre sur une autre planète ; une quête journalistique, photographique et reportage écrit, parsemée ça et là de curiosités touristiques. Son parcours se transforme peu à peu en travail  d’ethnologue avide de noter les moindres détails d’une peuplade ou d’une autre encore marquées par des us et coutumes ancestrales.

Son travail de journaliste lui facilite la prise de notes minutieuses, bien que la dimension artistique de son regard apporte une sensibilité d’humaniste parfois contemplatif, souvent admiratif, au final simplement philosophique.
Cherche-t-il la foi, ou bien un sentiment de sécurité ?
Devenu vagabond déraciné, est-ce Bouddha qui guide son chemin ?
Ouvert à toutes les réponses, il s’abandonne aux marques du  destin qui jalonnent sa route. Jusqu’au jour où, au Tibet, la lassitude prenne le dessus et naisse en lui le besoin viscérale de retrouver ses repères citadins.

Quelques notes :
« Les gens passent leur temps à se battre les uns contre les autres alors que le véritable ennemi est le temps lui-même. »
Ma Jian présente un peu de sa philosophie de vie à Ai Xin, une amie croisée en cours de route. Elle lui demande :
— Qu’est-ce que tu recherches ?
— Je veux voir mon pays, en connaître chaque rivière, chaque montagne. Je veux voir des gens différents, connaître des manières de vivre différentes.
— Pourquoi voyages-tu ?
— La Chine est un trou noir, je veux plonger dedans. Je ne sais pas où je vais, je sais juste que je devais partir. Tout ce que j’étais, je le porte en moi ; tout ce que je serai m’attend sur la route que je veux prendre. Je veux penser debout, être en cavale perpétuelle. Plus jamais je ne supporterai de passer ma vie enfermé dans une pièce.
— Tu veux changer ce pays ?
— Je veux juste le connaître, le voir de mes propres yeux…

Pas de comparaison possible entre Kerouac et Ma Jian.  Le seul point de convergence provient de cette volonté commune des deux écrivains à vouloir parcourir leur pays respectif.
Question écriture, je trouve que Ma Jian jongle avec les mots, les idées, les réflexions sur sa quête perpétuelle d’un autre ailleurs.
À B?ij?ng son professeur d’art lui dit : « …que la peinture peut-être dangereuse particulièrement celle représentant des personnages. Il vaut mieux produire des paysages… L’écriture est moins risqué pour moi. Je peux me cacher dans un labyrinthe de mots, parmi les détails de la vie des gens »
Est-ce cette forme de retenue qui donne l’impression que « les auteurs de romans chinois contemporains ont un niveau culturel proche de zéro, qu’ils écrivent mal, ils sont lâches et n’ont aucun courage… » dixit Wolfgang Kubin, professeur d’études chinoises à l’université de Bonn ?

Il me semble, sans vouloir détenir la vérité, que les écrivains vivant en Chine ne sont toujours pas libres de ce qu’ils produisent.
Il faut vraiment que les auteurs vivent à l’étranger pour se libérer des contraintes politiques.

J’imagine qu’il est trop tard pour recommander ce roman qui paraît déjà vieux. De mon côté, et dans l’état modeste de mes connaissances du pays, c’est le livre que je retiens et que je propose aux jeunes qui désirent s’immerger dans une civilisation bien éloignée de la nôtre.

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