Acculé par son tempérament suicidaire, l’auteur passe en revue les possibilités offertes au commun des mortels pour mettre un terme à son existence. Une arme de poing s’avère être le meilleur compromis. Pourtant, sa lâcheté, sa peur, l’aiguillent vers une alternative renvoyant à plus tard son passage à l’acte. Naissance d’un objectif donnant sens à sa survie : trouver un cobaye suffisamment coupable de faits atroces. Fort de sa puissance à l’allure de grand justicier devant l’éternel, il choisit une victime qui permettrait à son avis, de réparer les actes odieux dont il l’a jugé coupable en son âme et conscience et lui infliger la peine de mort.
Hubert Selby Junior pose le problème du droit de choisir la manière de mourir, lorsque la vie ressemble à une torture, soit physique, soit psychologique.
Waiting period, c’est déprimant à souhait. Il passe en revue la religion, la société, les femmes, les hommes, cherchant à décortiquer les causes responsables de cet état de déprime avancée.
« Être ou ne pas être », cette décision repose entre ses mains. Il veut rester maître de sa survie, car à ce niveau de dépression c’est bien de survie dont il est question. Tout est remis en cause, le rythme quotidien, la nécessite de s’alimenter, de se laver, de vivre en société.
De l’enfermement de la solitude, ne peuvent germer que ce besoin d’en finir au plus vite. Certains sont dotés de la rage de vivre, lui cultive celle de mourir.
La déprime provoque grande souffrance ayant comme ultime porte de sortie le suicide.
C’est malheureusement une issue tragique dont il ne faut pas nier la force de conviction qu’elle peut engendrer auprès des personnes fragiles et surtout abandonnées à leur propre sort. L’humain possède le droit de vie et de mort envers tout être vivant sur terre aussi bien qu’envers lui-même.
Le style.
L’utilisation de phrases courtes, ultra courtes composées parfois de deux ou trois mots, voire un seul, accélère la cadence de lecture, rend plus sèche l’émotion qui pourrait suinter d’entre les petits points de ponctuation. Cela n’engendre toutefois qu’une absence d’émotion et provoque, à mon niveau, un insupportable hachurage. Des rondelles de mots alignées sur une planche à découper à la manière de rondelles de charcuterie trop sèches pour être appétissantes. Cette suite d’idées à la fois intuitives et désordonnées ressemble aux centaines de pages ouvertes sur le web jusqu’au blocage du moteur de recherche que possède mon pauvre petit cerveau. Déroutantes, ces successions d’images transcrites atterrissent à tour de rôle telles des mouches non invitées dans le potage de l’auteur, à moins que cela ne traduise les circonvolutions des synapses de son cerveau au service du roman, un peu à la manière des surréalistes pratiquant l’écriture automatique, mais en moins performant.
Le héros de l’histoire, épithète permettant de le distinguer du commun des mortels, surfe sur l’internet passant d’une page à l’autre, mais rend l’exercice fade, laborieux, inintéressant.
J’ai le sentiment d’être exclu de son long monologue dans lequel il introduit quelques rares personnages sortis de ses obsessions dont j’ai du mal à croire qu’elles fussent un jour l’objet d’un quelconque combat légitime. Elles traduiraient à mon sens, la dénonciation de faits anciens pour lesquels il garde rancœur et amertume.
Au début, j’aurais aimé croire que la technique employée par l’auteur permettrait d’entrer à l’intérieur du personnage. Au bout du compte, cette figure de style le revêt d’une superficialité qui autorise tout juste à en ébaucher une esquisse à la manière d’un auteur de bandes dessinées hachurant une silhouette par petits coups de crayons hâtifs et incisifs, jusqu’à ce que le lecteur découvre qu’il s’agit d’un individu immobile avec le canon de son arme de poing enfoncé dans sa bouche.
Si la notoriété d’un auteur l’autorise à produire toutes sortes d’écrits, cela n’empêche pas les lecteurs de rejeter ou pas ses œuvres.
À mon humble avis, l’expérience Waiting Period aurait pu rester dans un tiroir, sans pour autant nuire au travail reconnu et incontestable d’Hubert Selby Junior.