Manhattan, début 2001. Trois jeunes trentenaires, amis depuis l’université, se retrouvent déchirés entre leurs rêves et les exigences du réel : Marina, apprentie journaliste, écrasée par son père Murray, qui règne en maître sur l’intelligentsia new-yorkaise ; Danielle, en quête de l’âme sœur et de reconnaissance professionnelle ; Julius, pigiste gay et sans le sou, n’aspirant qu’à se ranger sans pouvoir s’y résoudre. Leurs rapports se compliquent dangereusement avec l’arrivée du séduisant Ludovic et surtout avec celle de Bootie, vingt ans, idéaliste et provincial, dont l’éducation reste à faire. Cette double irruption déclenche une série de rapports de force et de chassés-croisés sentimentaux, un jeu de séduction et de faux-semblants à l’issue duquel les masques vont tomber. Et Murray, » l’empereur « , entraînera dans sa chute tous ces grands enfants, dans une comédie de l’innocence perdue qui culminera un certain 11 septembre. Par son jeu virtuose sur les points de vue, son habileté à relier chaque trajectoire individuelle à la trame de l’Histoire, Claire Messud nous offre un portrait aussi féroce que réjouissant d’une métropole narcissique, et recrée toute une époque, si proche et déjà si lointaine.
Mon avis :
Etrange impression. C’est en effet une étrange impression que m’a laissé la lecture de ce livre signé Claire Messud, mêlée d’ennui et d’envie d’aller au bout, de savoir ce qu’il adviendrait de nos héros après le 11 septembre.
Je dois avouer que j’ai choisi de lire ce livre pour son époque et son cadre, séduite par l’idée que l’auteur plante son décor peu de temps avant la chute des tours et nous fasse vivre cet évènement en quasi direct. L’histoire de trentenaires un peu paumés me plaisait aussi, les histoires sentimentales et professionnelles paraissant aux premiers abords des plus sympathiques.
La lecture de ce roman n’a cependant pas répondu à mes attentes. D’une part, l’histoire souffre de certaines longueurs qui ralentissent inutilement son déroulement. J’ai toujours l’impression dans ce genre de cas, que l’auteur est payé au mot plus qu’à la qualité de l’écriture. Si celle-ci est bien présente, rien ne justifie cependant les 594 pages de mon édition bibliothèque. D’autre part, j’ai eu énormément de difficultés à m’attacher aux personnages principaux. Si dans un premier temps, celui de Danielle, jeune productrice célibataire, en quête d’amour et de reconnaissance peut remplir le rôle d’élément d’identification, ses questionnements et ses choix l’en éloignent plus tard. Les personnages se caractérisent par un narcissisme assez troublant et finalement plus qu’agaçant. Ils ne cessent, tout au long de l’histoire, de se remettre en question, de s’épancher sur leurs problèmes tout en évoluant dans un univers doré. Certes le propos de l’auteur tend à démontrer que le 11 septembre fait figure de cataclysme remettant en cause l’ordre établi et obligeant les new-yorkais à « redescendre sur Terre », mais il arrive bien trop tard pour véritablement passionner le lecteur. En outre, toujours s’agissant des personnages, l’éventail des protagonistes paraît inégal. Si la personnalité de certains ne manque pas de subtilité (le personnage de Murray par exemple se révèle tout en complexité tout comme celui de son épouse, Annabel, plus secondaire et moins décrit), ce trait n’est toutefois pas systématique, l’auteur faisant appel à des clichés désespérants (Julius, le jeune gay qui cherche l’amour à long terme mais ne peut s’empêcher de rêver à la débauche ou encore Marina, fille de Murray, pauvre petite fille riche cherchant tour à tour à user de l’aura de son père et de s’en défaire).
Au final, Les enfants de l’empereur est un livre bien écrit, plaisant tout au long de la lecture mais qui a terme, laisse un sentiment d’inaboutissement, comme si l’auteur n’avait pu aller au bout de son propos et s’était laissée happer par la valse des sentiments de ses personnages.