Merci à Livraddict et à Points pour la belle lecture du livre d’Andreï Makine : Le pays du lieutenant Schreiber.
Présentation de l’éditeur :
Aujourd’hui, son nom est à peine connu. Pourtant, l’ancien lieutenant Jean-Claude Servan-Schreiber, petit fils d’un juif prussien émigré, a servi la France pendant ses heures les plus sombres. Andreï Makine, à travers le récit de leur amitié, de leurs échanges et de leurs combats communs, rend hommage à ce héros oublié de la Seconde Guerre mondiale, pour aider sa parole à vaincre l’oubli.
Mon avis :
Cela vient comme cela, au détour d’une phrase, une petite remarque pas vraiment acerbe, seulement réaliste et un peu désolée : si le récit du lieutenant Jean-Claude Servan-Schreiber ne séduit pas les éditeurs, c’est parce que ceux-ci savent bien qu’il ne rencontrera pas son lectorat. Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas envie de lire ça, c’est les vacances, on préfère ouvrir des livres qui nous font sourire ou rêver, mais pas cela. En plus, la plupart des lecteurs sont des femmes et les femmes n’aiment pas les récits de guerre, alors… Loin de se résigner, Andreï Makine décide de rompre le sort en faisant de l’histoire du lieutenant Schreiber non pas un livre sur la guerre mais un livre contre l’oubli.
C’est la lutte contre l’oubli qui d’un nom, celui d’un soldat sur une photo, qui ouvre et referme la collaboration des deux hommes :
« Pourtant, l’angoisse que j’intercepte dans ses yeux est bien plus profonde que celle que nous ressentons quand un mot nous échappe. Il doit deviner qu’il ne s’agit pas d’un oubli banal, tel que tout le monde peut se le permettre. Tout le monde, sauf lui. Car s’il ne parvenait pas à retrouver le nom de son camarade, celui-ci ne serait jamais que ce contour humain légèrement penché, un inconnu égaré sur un cliché grisâtre, un figurant dans une guerre, elle-même passablement oubliées. Plus de soixante ans après, les survivants de ce juin 40 sont rares. » (p.39)
A plus de 90 ans, la nouvelle guerre du lieutenant Schreiber est celle qu’il mène contre l’oubli et contre l’indifférence.
Le récit d’Andreï Makine entremêle les destins du vieux soldat et celui de son bouquin dont personne ne veut, et on ne peut s’empêcher de noter d’étranges similitudes : l’éditeur qui acceptera de publier l’ouvrage fera œuvre de résistance contre la dictature du marché de l’édition, et c’est finalement le débarquement d’un étranger qui sauvera Schreiber de l’oubli.
Nul doute qu’après la lecture d’un livre aussi bien construit, aussi finement rédigé (comme en témoigne la citation ci-dessus), nul n’oubliera le lieutenant Schreiber pas plus que le pays pour lequel il s’est battu. On se souviendra aussi de retourner, à l’occasion, vers la plume talentueuse d’Andreï Makine.
Merci Léa! Avec ce livre, j’ai découvert la plume d’Andreï Makine et j’ai beaucoup apprécier le talent de cet auteur.
Voilà une très belle chronique, cela me donne vraiment envie de lire ce roman 🙂 !