Je n’avais encore rien lu de Curzio Malaparte, c’est alors que Livraddict et Folio(que je remercie vivement tous les deux) me donnèrent l’occasion de faire connaissance avec ce grand écrivain italien, né en Toscane en 1898, mort à Rome en 1957, célèbre entre autres pour son roman « La Peau », qui retrace la libération de l’Italie.
Ce roman a été publié pour la première fois en Italie en 2007 à l’occasion du 50me anniversaire de la mort de Curzio Malaparte.
Nous sommes en 1943, dans l’extrême sud de l’Italie, près du rocher de Scylla, en Calabre, un petit détachement de soldats essuie l’assaut du débarquement allié au lieu de fuir, sous le commandement du lieutenant Cafiero. Agonisant, celui-ci fait promettre à Calusia, son ordonnance, de ramener son corps à sa famille, à Naples. Survivant, il va exécuter sa promesse. Il construit un cercueil de fortune, l’arrime au dos d’un âne abandonné (qu’il nommera Roméo !) et, parti de la Calabre, devant Charybde et Scylla, (qui sont un dangereux tourbillon et un récif célèbres dans le détroit de Messine) tel Ulysse Calusia part pour un long périple, traversant l’Italie à pied jusqu’à Naples. Ce soldat, chasseur alpin, au cœur pur, simple et courageux, fier de ses racines paysannes, va faire de belles rencontres, mais va aussi croiser des profiteurs et des pillards, des personnes méprisables. Or, dans ce monde devenu chaos, Calusia, avec ses principes, ses valeurs morales, ne fait pas l’affaire : Calusia est bon, et comme on dit : trop bon, trop … ! Et l’auteur se raille de son héros tout en ayant une grande tendresse pour lui. Oui il va se faire avoir. Oui il rencontre des gens qu’il va aider de façon désintéressée sans attendre de retour. On espère que son aventure va quand même lui ouvrir les yeux, le déniaiser un peu.
Ce court roman (une centaine de pages) m’a replongé dans les films italiens de mon enfance.
D’un style réaliste, imagé, il alterne farce burlesque et poésie. Curzio Malaparte campe de façon magistrale le décor de l’Italie de la débâcle, ses scènes touchantes ou révoltantes, les personnages méprisants, voleurs, profiteurs, la détresse des réfugiés, et surtout décrit avec une grande tendresse les petites gens.
Beaucoup de femmes jalonnent ce récit, au second plan comme au premier plan : la jeune Concette, la belle et robuste Mariagiulia ensuite, et enfin la mère du lieutenant ; mais aussi les femmes réfugiées, les candidates à la prostitution, les nonnes. Ce sont d’ailleurs les femmes qui aident Calusia à se débarrasser des policiers et le suivent jusqu’au logis du lieutenant, tel un chœur antique. Car c’est bien sûr un voyage initiatique, mais aussi une fable : la vieille Italie, ses institutions et ses valeurs morales dépassées, sont incarnées par le lieutenant momifié dans sa caisse entouré de paille et de charbon.
Beaucoup de plaisir, de l’humour et de la tendresse aussi sont contenus dans moins d’une centaine de pages, aussi je vous recommande chaudement de passer quelques temps avec ce Compagnon.
Le compagnon de voyage
Curzio Malaparte
Folio, 2010
Traduction Carole Cavallera
76 pages