Mali, ô Mali d’Erik Orsenna

Mali, ô MaliMali, ô Mali
Erik Orsenna
Editions Stock, 2014 (403 pages)

*4e de couverture*

Voulez-vous les dernières nouvelles du Mali ? Madame Bâ Marguerite se propose de vous y emmener.
Cette dame, qui n’est pas humble de nature, se prend pour une Grande Royale, une Jeanne d’Arc africaine. Elle veut libérer son pays des djihadistes et c’est son petit-fils, ex-footballeur devenu griot, qui raconte sa campagne de libération mi-glorieuse, mi-désespérée.
Sur les pas de ce duo, vous rencontrerez les femmes échappées de justesse aux horreurs de la charia. Vous découvrirez l’économie très puissante et très illégale dont vit grassement le Sahara. Vous ferez connaissance avec des petits capitaines, soldats d’opérettes, terrorisés par les combats.

Vous tomberez sous le charme de leurs épouses prédatrices, frénétiques de la Visa Premier. Vous remonterez le fleuve Niger en évitant toutes sortes de périls. Vous verrez comment et pourquoi bandits et djihadistes s’entendent comme larrons en foire. Vous saluerez des musiciens et des tisserands, inlassables créateurs des liens qui fabriquent un pays. Vous atteindrez juste à temps Tombouctou pour assister à l’arrivée des Français… Surtout vous plongerez dans la réalité du Mali, sa vaillance, sa noblesse.
Mali, ô Mali ! Comment ne pas comprendre que ta fragilité est la nôtre ?

*Mon avis*

La curiosité est un vilain défaut… n’importe quoi. C’est un excellent motif pour découvrir un livre qu’on n’aurait pas forcément choisi chez le libraire. Merci donc à Livr@ddict et aux Éditions Stock pour cette occasion de partir en voyage en Afrique avec l’inénarrable madame Marguerite Bâ, née Dyumasi, veuve d’un cheminot et institutrice à la retraite installée depuis quelques années à Villiers-le-Bel, qui se sent subitement appelée à retourner dans son pays pour le sauver. À situation critique, intervention d’urgence. N’écoutant que ses voix, la voilà qui s’envole pour Bamako, destination Tombouctou, bien décidée à y arriver avant l’armée française.

Et me voilà embarquée avec elle au pays des contradictions. Selon l’humeur du jour, j’en retiens, au-delà de la malice d’une madame Bâ magicienne, toute la poésie de cette femme qui fait redécouvrir le Mali à son neveu : les couleurs, le voyage au rythme du fleuve Niger, sa lutte vaillante mais vaine contre l’immensité du Sahara, les liens familiaux toujours étroits, les petites débrouillardises du quotidien, la musique…

Malheureusement, impossible d’ignorer l’autre facette du récit, beaucoup trop réelle à mon goût : la corruption endémique, la désorganisation d’un État entier, la main de fer des extrémistes, la circulation des armes et de la drogue en toute impunité pendant que les livres doivent se cacher, les gesticulations politiques, la peur et le fatalisme. Et puis, dans une pirouette, les frasques de l’intraitable madame Bâ m’obligent à rire, histoire d’alléger l’atmosphère.

« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance », a dit Abraham Lincoln. Sous le masque de la comédie et du conte, Erik Orsenna rend hommage à tout un continent parce qu’il faut garder l’espoir. Et je ne regrette pas d’avoir cédé à la curiosité, finalement.

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