C’est l’histoire d’un fourre-tout qui…
Alors que bon nombre d’ouvrages dédiés à l’héroic-fantasy ou à la SF, par exemple, arborent le plus souvent des titres avec des mots-clés tels que épée, lumière, ténèbres, roi, chroniques, royaume, espace, univers, monde, guerrier, dragon… d’un classicisme sans bornes, d’autres préfèrent tirer leur épingle du jeu : en dépit d’une couverture minimaliste, Laurent Crone propose un titre qui attire immédiatement l’oeil, Les anges vous méprisent et c’est cette caractéristique qui, d’après ce que j’ai pu lire d’autres critiques présentes sur le web, a décidé la plupart à en prendre possession… Nous voilà en proie à un joli coup maketing, me direz-vous, mais l’habit fait-il ici le moine ? Absolument pas.
On pourrait dire que la première chose qui fâche n’est pas simplement la manière pompeuse et aigrie dont l’auteur met en scène son histoire, mais avant tout un souci indéniable de syntaxe : il y a avalanche de tirets, de répétitions, d’alternance « imparfait/passé simple » & « présent/passé composé » et, dans une moindre mesure, de fautes d’orthographe qui cassent tout bonnement le rythme ; et la correction de ce type d’erreurs, par ailleurs, relève davantage du travail de l’éditeur que de l’auteur. A cela s’ajoute une caractéristique ahurissante : l’incapacité de Laurent Crone à ne pas utiliser la vulgarité, puisqu’il ne semble pas pouvoir s’empêcher de faire apparaître au moins deux grossièretés (au minimum, et pas des moindres) par page ; et là où elle peut être raisonnablement utilisée dans les dialogues, lui en « tartine » les descriptions.
Cette vulgarité gratuite non seulement agace (qu’a-t-on besoin d’écrire « glisser ma b*** à l’intérieur d’une fille ») mais fait perdre tout crédit à ses critiques. En effet, Les anges vous méprisent ne propose pas d’intrigue et ne présente que des personnages flous et inconsistants et préfère ainsi se perdre… à mi-chemin entre mémoire universitaire, sans pertinence ni connaissances solides, et satire moderne dans laquelle l’auteur se complaît à « tirer à tout va » sur les travers de la société : société de consommation, apparences & jeunisme, extrémisme, gauchisme, religion, féminisme, vieillesse, sciences, médias.. Laurent Crone se « lâche » et va jusqu’à se moquer du lecteur qui déjà, pourtant, n’a pas grande envie de continuer sa lecture. Il critique pour critiquer, et jamais pour faire avancer la fausse polémique à laquelle il invite ses personnages.
… partirait d’un bon sentiment ?
Pourtant, l’auteur n’a rien d’un idiot et expose quelques théories intéressantes, bien que classiques : « [la classe moyenne] souhaite juste que l’on redistribue les cartes et avoir le meilleur jeu » ; « mais quel individu saint d’esprit […] se soucierait dès le matin de la conjoncture économique ? […] Franchement ? » ; « vous garderez des contacts avec d’autres entités, votre famille, vos amis […], la sécurité sociale qui se croiront en droit d’exiger que vous continuiez (à vivre comme tout le monde) ; le contraire serait perçu […] comme inqualifiable (et) pathologique ». Or, de telles pensées sont toujours faussées par un manque total de subtilité ou l’incapacité de Laurent Crone à ne pas ensuite faire la critique de ce qu’il vient lui-même exposer. A l’écouter, notre monde mériterait le sort que les Incas lui auraient prédit pour 2012 et pire encore.
Les anges vous méprisent navigue donc entre différents mondes, se fondant sur la théorie de la réincarnation. On nous expose les déboires d’un lapin blanc dans un monde rouge et noir, les tribulations d’un ancien nazi dans les couloirs de l’enfer, la sexualité épanouie d’un révolutionnaire néophyte qui découvre un passage vers le paradis rouge (et incroyablement machiste, comme l’ensemble du livre) ou encore la vie d’un vieil homme parqué dans une communauté, en quête d’immortalité, qui refuse l’accès aux jeunes et traite les malades comme des déchets. Les cycles s’enchaînent et l’on a bien du mal à suivre le cheminement, fouillis et accumulant une foule de réflexions qui ne servent jamais l’action ; dans ces conditions, comment « s’évader » ? paramètre qui semble pourtant être le propre d’un roman.
Outre le fait que l’auteur n’hésite pas à conseiller l’usage de neuroleptiques afin de ne pas se confronter au réel, c’est le dernier tiers du livre qui se révèle le plus intéressant. En effet, pour la première fois, l’auteur tente d’associer ses critiques personnelles à la vie de son personnage, le vieillard est alors au coeur d’un conflit de générations, d’une concurrence jusque dans la mort. Mais là encore, au final, cela ne constitue qu’un prétexte pour dénoncer les travers de notre société et, dès lors, Laurent Crone se rend aussi malsain et vulgaire que ses personnages : son dernier personnage, à plus de 80 ans, clôt le livre en proposant à sa petite-fille de lui faire l’amour après que tous deux, dans une foule appuyée par la police, aient opéré un carnage au fusil dans une école primaire.
Conclusion
Malsain, « bordélique » (comme dirait l’auteur), répétitif et la plupart du temps ennuyeux, Les anges vous méprisent est un ouvrage qui, en se voulant choquant, tourne rapidement au grotesque. Le plus ridicule étant qu’à force de faire la critique de tout ce qui existe, ce sont finalement les « vrais riches » (le fameux 1% de la population mondiale), les mieux servis par cette fameuse société, qui en sortent indemnes ; « pour changer », me direz-vous ?
monsieur,
mon fils (très certainement un macho sexiste puisque cet ouvrage lui a plu) m’a prêté ce livre il y a peu, et j’ai énormément apprécié sa lecture.
Ce texte étant complexe, j’étais curieux de connaître l’accueil que lui ferait les blogueurs de centrales, car en tant qu’ancien enseignant évoluant dans le milieu littéraire, je suis au fait du « background » culturel ainsi que de l’acuité littéraires de ces-dits blogueurs de centrales. Je ne fus donc pas surpris de constater que ces malheureux blogueurs, à votre exception près (des instituteurs, charpentiers ou esthéticiennes acceptant de donner leur avis sur un livre pour le recevoir gratuitement) ne comprenaient pas ce qu’ils lisaient mais avaient au moins l’honnêteté de le dire, ce qui n’est pas votre cas.
Il y a bien un fil conducteur, mais ne le saisissant pas, vous le niez. Trop habitué aux livres où le narrateur est le porte parole de l’auteur, vous ne saisissez pas le concept de narrateur symptôme (présent par exemple, chez Mauriac ou Dostoievski, que l’auteur cite à travers Kirilov) et imputez donc les contradictions des personnages à l’auteur, ainsi que des considérations qu’il n’a peut-être pas forcément: il est dans ce genre d’ouvrage, difficile de faire le trie. Un bon lecteur aurait d’ailleurs imputé la grâce faite à la classe dominante qui a bâtie le monde ou les protagonistes évoluent et souffrent, à la sociologie de l’aliénation, ou stratégie de domination, que l’auteur tente ici de dénoncer en exposant ses stratagèmes les plus efficaces: dépression,isolement, horizontalisation des luttes, appel aux peurs et désirs reptiliens…
Enfin, en tant qu’ancien universitaire, j’ai trouvé ce livre sans imprécisions notables et remarquablement bien écrit. Je vais vous faire une confidence: Céline aussi employait des gros mots lorsqu’il faisait parler des ouvriers ou des petits commerçant de banlieue.
Mon conseil: contentez-vous de faire des comptes rendu de romans « populaires » que vous trouverez « excellents », voire « culte », car à l’image de votre génération, vous réagissez très négativement à ce qui vous échappe, demande un effort, ne cherchez pas à creuser, à approfondir vos connaissances lorsque quelque chose vous échappe manifestement: comment croire en effet qu’un éditeur qui a le catalogue des forges de vulcain, j’ai par la suite vérifié, publierait un livre intellectuellement indigent ou imprécis, et dépourvu de sens et d’idée directrice.
Si vous êtes le lecteur de demain, je ne suis pas mécontent d’être trop âgé pour assister à l’essor de la nouvelle génération de critiques littéraires en ligne.
Respectueusement,
un de ces vieux cons grincheux qui possèdent encore le bagage intellectuel qui nous distingue de l’homme de la préhistoire.
Tout à fait d’accord avec ce qui a été dit. Je n’en ai lu que 150 pages environ (en me forçant depuis la page 58) tant j’ai détesté lire des grossièretés à toutes les pages!!!!
Ce que j’ai surtout retenu de ce livre, c’est la racisme, la vulgarité excessive, la grossièreté… cela m’a trop dérangé dans la lecture et même une fois le livre refermé…