Résumé :
New-York , fin XIX ème, Piambo est peintre.
Ce peintre est à un tournant de sa vie : une relation amoureuse qui dure mais dans laquelle il n’ose pas s’engager formellement ; une carrière qui l’amène parmi le (beau) monde.
Mais cette carrière si elle lui apporte une certaine reconnaissance et l’accès à la haute société est trompeuse : Le succès n’est du qu’à des compromissions qui l’ont détourné de sa personnalité artistique pour l’amener vers le portrait. Le portrait de personnages riches qui ne le reçoivent parmi eux que comme un artisan doué. Et même dans ses portraits, Piambo ne peut mettre son âme : il peint ce que le commanditaire attend et non ce qu’il ressent. Il est pourtant un peintre des âmes très clairvoyant lui ont dit ses maîtres, mais il peint ce que ses clients attendent et non l’hypocrisie d’une société toute en apparences voilant la rapacité.
Survient alors cette commande originale : moyennant une grosse somme , il doit faire le portrait de Madame Charbuque, mais cette inconnue doit le rester. Il ne pourra la découvrir qu’au travers de ses confidences, alors qu’elle demeurera cachée derrière un paravent. Ce défi lui semble tout d’abord un moyen de revenir à sa véritable vocation d’artiste : trouver la personne véritable derrière son image et la coucher sur la toile. Tout cela s’avèrera bien plus perfide et dangereux que prévu.
Mon avis :
J’ai aimé :
On pense bien sur au portrait de Dorian Gray mais ici c’est le peintre qui risque de se perdre dans sa toile et non pas le sujet. Cette paternité est d’ailleurs bien reconnue puisque que ce roman est cité dans le livre. Le livre décrit donc les affres de la création, ces doutes qui assaillent l’artiste.
Le doute le taraude, mais comme nous tous « j’y pense et puis j’oublie, c’est la vie c’est la vie… ». Ses trahisons envers l’art et les artistes ne le tourmentent que le temps d’un de ses fréquents excès de boisson. La plupart du temps, il ne ressent que « l’odeur de l’autosatisfaction, un relent pénétrant de muscade et de moisissure » (p.22).
Ce début de livre laisse entrevoir un livre assez psychologique ; les états d’âme de Piambo sont bien décrits. Les alternances de scènes entre les beaux salons remplis d’argent et de fiel et les rues sombres et humides où vacillent les ivrognes sont assez marquantes.
Rapidement le sujet bascule sur la commande et sur la véritable personnalité de Madame Charbuque.
Le livre manque alors ce que j’en attendais : une réflexion sur l’image des personnes, sur le fait que nous ne nous construisons que par le regard des autres.
La difficulté à créer une image d’une invisible pour en faire le portrait me paraissait un sujet en or. L’auteur s’engage sur ce chemin pendant quelques chapitres : on y voit (de très près) Mme Charbuque se construire sous l’œil de son père. La voie prise par l’auteur est finalement autre : tout se concentre sur les péripéties d’une enquête étrange sur Madame Charbuque . Et là l’auteur semble plus à l’aise dans l’action et la description des bas-fonds : on s’y voit comme dans Gangs of New York.
Cité aussi dans ce livre Edgar A.Poe dont on retrouve par moment l’ambiance mystérieuse et l’attrait pour le fantastique. La « patte de singe » est d’ailleurs une référence non dissimulée au » Double assassinat dans la rue Morgue ».
Je n’ai pas aimé :
Un style un peu alambiqué avec des phrases très longues et parfois bizarrement construites. Sans doute est-ce un peu lié à la traduction mais des restes d’anglicismes accrochent vraiment au moment de la lecture ( notamment dans l’emploi des possessifs). Si cela est particulièrement difficile dans la partie psychologique, ce défaut s’amenuise lors de l’enquête pour faire place à un style plus percutant et fluide.
La farce de la vie du Père de Madame Charuque : si les relations entre le père et la fille sont des plus intéressantes, toute l’histoire qui l’entoure est navrante.
Madame Charbuque qui semble susciter toutes les passions ne m’a absolument pas séduit. Cette soit disant sybille hiératique m’a paru bien vugaire.
Ma note : 12,5/20
C’est finalement tout ce mélange de sujets qui fait l’attrait de ce livre : tantôt psychologique, classique, fantastique, farce ou thriller, l’auteur nous surprend par ses virevoltes au point que l’on se demande parfois, « mais qu’est qu’il nous fait, là ? »
Mais c’est aussi ce mélange qui laisse a la fin du livre un parfum d’insatisfaction : tout a été effleuré mais non approfondi.
Une lecture agréable et assez prenante.
Le portrait de Madame Charbuque de Jeffrey Ford
Editions Le Livre de Poche
2008, 350 pages