Le quatrième mur de Sorj Chalandon

Voilà le tableau : Antigone était palestinienne et sunnite. Hémon, son fiancé, un Druze du Chouf. Créon, roi de Thèbes et père d’Hémon, un maronite de Gemmayzé. 3 chiites pour jouer les Gardes. La Nourrice, une Chaldéenne et Ismène, sœur d’Antigone, catholique arménienne. Associer ces différentes communautés dans un rêve de paix à Beyrouth, le temps des répétitions et d’une représentation en octobre 1983 était une belle idée de Samuel, le juif grec. Il avait tout prévu, trouvé les acteurs, les lieux, les accords. Puis il est tombé malade et a demandé à son meilleur ami George de le faire à sa place. Mais une fois sur les lieux, George s’est heurté à la guerre. Non pas qu’il l’ignorait mais il la vivait de l’extérieur, en France, à la télé, dans les journaux, comme tous les étrangers. Il a rencontré des membres de chaque peuple, franchit les lignes de miliciens et constaté que chacun se bat pour sa religion, ses idéaux et croit qu’il est le meilleur. Les balles pleuvent, les tireurs sont prostrés à tous les coins, des enfants meurent, la misère est partout.

Ce voyage, loin de le laisser indemne, lui qui a une petite vie bien rangée en France avec Aurore et sa fille Louise, va complètement le bouleverser, et nous aussi. Nous faire réaliser davantage le fossé abyssal entre nos vies tranquilles et celles des habitants de ces pays dévastés au quotidien.

Sorj Chalandon, de sa plume magnifique, nous fait ressentir l’intensité de la guerre comme rarement et m’a fichu une sacrée claque avec ce livre. « Dans le grand silence, même les nourrissons s’affolaient. Leurs mères préféraient le fracas de l’obus à sa menace, et ils le sentaient. »

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