Les filles ? Des êtres stupides. Des bouches inutiles à nourrir. Les marier ? La dot coûte cher. Mieux vaut les tuer dans l’oeuf.
Les intouchables, les « hors castes » ? Des parasites.
Bons à rien. Arriérés. Condamnés aux basses besognes.
Il faut les fuir à tout prix.
Dans l’Inde de tous les possibles, mais aussi des préjugés tenaces, les routes de deux parias se croisent.
Elle, Isaï, était venue en cachette assister aux funérailles de sa mère. Lui, Murugan, d’un geste respectueux, a replacé une fleur tombée du brancard.
Leur premier dialogue s’est fait en rythme et en musique.
Chanter, jouer, ils en rêvent tous les deux. Ils osent partir.
Leur traversée du pays sera semée d’embûches et de mauvaises rencontres.
Mais Sarasvati, la déesse au luth, veille sur eux.
Mon avis
Née fille dans une famille où seuls les héritiers mâles sont chéris, rien ne lui sera épargné : restée sans nouvelles de son père parti chercher du travail en ville, Isaï sera, après la mort de sa mère, humiliée et rabaissée au rang de servante par sa tante. Trouvant réconfort auprès de Murugan, un jeune intouchable bien décidé à changer sa condition de paria, et partageant son amour pour la musique, la jeune fille se lancera sur les routes d’Inde du Sud dans une quête initiatique qui la mènera de son petit village du Tamil Nadu à Bombay.
Ce roman, destiné à la jeunesse, est intéressant par bien des égards. Malgré une quête identitaire somme toute classique, il permet d’introduire l’Inde auprès d’un public qui en ignore tout, ou presque, et de le familiariser avec une culture et un mode de vie bien différents du sien… Sous l’égide de Sarasvati, la déesse des arts et de la connaissance, c’est la musique et le chant que nous découvrons, sur un mode qui m’a fortement rappelé Le Feu de Shiva de Suzanne Fisher Staples, orienté autour de la danse classique indienne.
Le chemin de Sarasvati est toutefois un roman plus noir, dans la mesure où les rencontres d’Isaï et de Murugan renvoient à certains des aspects les plus sombres de l’Inde : travail des enfants, condition des femmes et des « mal nés », vie dans un bidonville et mendicité auxquels sont contraints ses habitants les plus pauvres,… Le début de l’histoire n’étant déjà pas franchement réjouissant, je regrette quelque peu cette surenchère dans le malheur mais sans doute qu’il fallait matière à rebondissements !
Néanmoins, la force de caractère des deux protagonistes en font des héros charmants, que l’on suit plaisamment tout au long de ce sympathique roman d’aventure où preuve est apportée qu’il ne tient qu’à soi-même de façonner son destin…
Grand Prix de la Société des Gens de Lettres (catégorie Jeunesse) 2010