« C’était au temps où l’on appelait les druides « rêveurs », où les dieux luttaient avec les hommes contre les peines du monde, où les femmes exerçaient le pouvoir dans les tribus, où les guerriers brandissaient leur glaive contre Rome et ses légions. Ban et Breaca sont frère et sœur, enfants de la reine des Icènes. Breaca venge sa mère et fait un songe : des aigles vont s’abattre sur son peuple… Ban est enlevé, puis vendu comme esclave aux Romains. Sans le savoir, il affrontera sa propre sœur dans de sanglantes batailles. Un grand destin attend celle-ci : elle sera Boudicca, la reine qui apportera la victoire à son peuple. Récit au souffle épique, Le Rêve de l’aigle décrit les origines du conflit légendaire de la Bretagne tribale contre l’envahisseur romain : un monde empreint de magie, où les animaux, les paysages deviennent des personnages à part entière, un monde héroïque où les guerriers se battent pour l’honneur autant que pour la victoire. »
Une lecture effectuée dans le cadre du partenariat entre Livraddict et le Livre de Poche que je remercie !
Quel petit Français ne connaît pas Vercingétorix ?
De même, quel petit anglais (et surtout Anglaise !) n’a pas rêvé de Boudicca, la reine des Icènes, qui a osé se dresser devant l’ennemi romain ?
Inconnue des Françaises, son destin a frappé des générations de jeunes Anglaises.
Manda Scott entreprend avec brio de nous conter son histoire.
Le rêve de l’aigle est donc le premier tome, celui qui traite de la jeunesse de et l’initiation de Breaca-Boudicca, ses amitiés, ses amours, ses passions, son initiation au monde magique, ses premiers combats…
Le récit commence en 32 après J.-C. : la petite Breaca perd sa mère et tue pour la première fois un ennemi. Elle qui veut devenir une « rêveuse », c’est-à-dire une druidesse, verra sa vie orientée malgré elle vers le combat, c’est son destin : sa vision lors de son initiation est une vision de combat, au cours des péripéties elle se pose naturellement en leader. Son demi-frère Ban, amoureux des chevaux, est un rêveur. Profondément attachés l’un à l’autre, ils verront le destin les séparer inexorablement, de plus en plus loin…. Ban sera enlevé au cours d’une bataille, et deviendra esclave. Il ruminera sa vengeance contre le traître Ammnios, et, croyant sa famille décimée, grandira du côté des Romains et s’engagera comme auxiliaire dans les armées de Rome….Pendant que Breaca devient la Guerrière de l’île de Mona, l’île sacrée des druides……
Cette histoire m’a vraiment passionnée. L’écriture au rythme vif nous tient en haleine, le récit est très bien construit, rythmé. On est vite absorbé dans cet univers si prenant, si exaltant même, on se prend à envier ces gens qui vivent si près des dieux et de la nature, dans un monde palpitant et secret…un monde de magie, de divination, où les ancêtres viennent aider les vivants, où avoir des visions est chose normale, un monde où les rituels d’honneur marquent la vie des guerriers, un monde qui permet que le Mystique côtoie les gestes de tous les jours, enfin un monde dans lequel la Nature est tellement proche…
Ce monde est si bien narré par Manda Scott que je commence à me demander : quelle est la part du réel ? A mesure que j’étais prise dans la lecture, cette pensée me hantait au point de m’arrêter pour essayer de faire la part des choses entre ce qui relevait des sources historiques et ce qui relevait de la liberté de l’auteure.
Que connaît-on de Boudicca ? Très peu de choses : des phrases laconiques tirées des « Annales » de Tacite, de Dion Cassius dans son « Histoire »…Les descriptions sont forcément partielles, mais surtout partiales : comment accorder foi à des écrits de l’ennemi ? Manda Scott sait seulement qu’elle est une reine Icène, une tribu celte établie à l’est de l’Angleterre, qui se soulèvera contre les armées romaines. Rien d’autre, à part la couleur de ses cheveux, roux…. Manda Scott le dit elle-même : ce récit est pure fiction, elle a inventé toute son enfance et sa jeunesse. Mais qu’en est-il de l’environnement ? Tous les détails de la vie de tous les jours, les rites, vêtements, les cérémonies… le mode de pensée, le religieux, la pensée celte alors ?
Il est difficile de recréer la journée d’une petite fille Icène. Il faut d’abord se départir de tous ces a-priori, légendes et idées préconçues véhiculés par des auteurs anciens, puis s’appuyer sur les recherches récentes. Or la civilisation celte nous est mal connue : la culture orale ne nous est pas parvenue, la religion a été supplantée (mais des sermons datant du Moyen-âge décrivent quelques cultes anciens). Les sources sont minces : vestige, ruines, sépultures…et les écrits romains qui, avant tout, glorifient l’Empire et ses conquêtes, les descriptions sont souvent à charge : les Celtes sont inférieurs en tout point face aux légions romaines, intellectuellement et moralement : brutalité, pratiques sanguinaires, lâcheté, cupidité, désorganisation…Pourtant les Romains reconnaissent la valeur des druides et prêtent à leur doctrine une portée philosophique : c’est dire si la pensée celte est réellement profonde et complexe.
La vie de Boudicca est donc pure fiction. Mais dans un environnement historique précis. L’île de Mona est l’île d’Anglesey, les monnaies frappées dont Manda Scott fait allusion ont bien été trouvées.
Autre contrainte : comment bien connaître la place des femmes, forcément mal comprise des romains pour qui la femme n’est qu’une reproductrice, mais on sait qu’elles participaient aux batailles, on sait qu’il y a des druidesses. Manda Scott décide que les Icènes ont une société matriarcale, les guides spirituels sont des femmes : elle les appelle les Aïeules, et la liberté sexuelle est de mise.
De même les Celtes représentent souvent les animaux, ils tiennent une grande place dans ce roman : chiens, chevaux sont autant que les humains les compagnons des héros. Manda Scott (qui est vétérinaire), leur donne une grande importance dans le rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte, décrivant la quête de l’animal fétiche pendant cette longue épreuve dans la nature.
Ils parlent par énigme, dit César des Celtes.
Je n’ai pas fini de m’enfoncer dans cette civilisation qui a une vision du monde complexe, une réelle philosophie. Il semble que devant chaque décor, chaque motif il y ait du symbolisme, dans chaque légende plusieurs niveaux de compréhension, beaucoup de métaphores, le religieux, le mystique semble régir la vie de tous les jours. Je me rends compte que Manda Scott m’a permis en fait de toucher du doigt la profondeur de cette civilisation, et c’est en partie pour cette raison que ce livre est de ceux que je conseille.
Mais je le conseille vivement pour une autre raison : durant tout le roman la magie opère : je suis transportée par ma lecture, je rêve des bois sacrés de l’île de Mona, je vibre et je pleure avec les héros. Parce que c’est un livre profondément humain, pas seulement une épopée.
La reine celte, tome 1 : le rêve de l’aigle de Manda Scott
(Boudica, Dreaming the eagle )
2003
traduction Valérie Rosier
Le Livre de Poche, 2005