Arrêtez le massacre! d’Alexis Brocas.

Titre : La mort j’adore ! (Saison 3) : Arrêtez le massacre !
Auteur : Alexis Brocas.
Editions Sarbacane, 2011, 316 pages.

Résumé :

Quoi ?! Encore vous ? Mes turpitudes de lycéenne infernale en deux saisons, ça ne vous a pas suffi ? Faut que vous me pistiez jusqu’à Los Angeles ? Rassurez-vous, pour une ex-démone comme moi et une jolie zombie comme Elo, la Californie et ses fêtes étudiantes, c’est le Paradis.
Avec une petite touche d’enfer, puisqu’en plus de mes cours à la Fac, je reçois les leçons de Saustre. Archidémon de prestige. Saustre m’a baladée dans notre passé le plus lointain et montré notre avenir… flippant. C’est lui qui m’a soufflé cette idée : sauver l’humanité d’elle-même. L’idée la plus débile de ma longue carrière sur Terre.

Avis/commentaire :

C’est une lecture tout simplement jouissive : les deux personnages principaux sont démoniaques mais surtout diablement attachants, et c’est un bonheur de les voir jouer des tours aux humains. Entre les deux meilleures amies, c’est l’amour vache. Leurs caractères bien trempés et leurs pouvoirs bien particuliers donnent lieu à des scènes comiques et à des dialogues savoureux, par exemple lorsque Clémence donne un cours à Elodie : « Elo c’est moi qui donne les cours ici. Alors voilà le programme d’aujourd’hui : tu m’attrapes ce joli couteau de cuisine, tu te tranches le petit doigt, tu chantes Téléphone en boucle, et on voit s’il se recolle ».

Alexis Brocas mène son récit avec talent. Tout comme Clémence se balade dans le temps, il nous raconte les évènements dans le désordre, laissant le puzzle se mettre lentement en place dans nos têtes. Nous avons déjà parlé de la drôlerie de son récit, ajoutons qu’il n’hésite pas à se moquer de lui-même. Il mêle le langage châtié des deux démones avec des passages narratifs très bien réalisés. Les références à la culture des années 90 et 2000 sont multiples. Enfin, il aborde un thème important : l’avenir que les humains réservent à la planète Terre par leur comportement. Additionnons à cela un brin de gore, un peu de philosophie, et une très jolie scène finale, et cela donne un roman à ne pas manquer !

Ah oui, une dernière chose : voir une héroïne qui a des défauts, ça fait du bien !

Invisible de Paul Aster

Invisible, de Paul Auster
, un roman du flou, de l’incertitude, du doute

En 2007, James Freeman, écrivain américain renommé  habitant Brooklin,  reçoit par courrier postal le manuscrit d’un condisciple perdu de vu depuis trente ans, Adam Walker. Celui-ci va mourir d’une leucémie et il travaille sur un récit « qui n’est pas une fiction », écrit-il à Freeman. En effet, il semble vouloir mettre au clair certains épisodes de sa vie qui se sont déroulés pendant l’année 1967. Il se trouve bloqué dans l’écriture de la deuxième partie et demande conseil à son ancien ami.

Freeman accepte de renouer le contact et lui répond. La situation de blocage, selon lui, « provient d’un défaut dans la pensée de l’écrivain – à savoir qu’il ne comprend pas pleinement ce qu’il essaie de dire où, plus subtilement, qu’il aborde son sujet sous un mauvais angle ».

Ce simple conseil permet à Walker de poursuivre son récit,  en l’écrivant  à la deuxième personne, afin de conserver une distance suffisante avec le personnage d’Adam Walker.  Peu après, Freeman reçoit la suite, cette deuxième partie dont nous prenons connaissance avec lui.

Walker se dévoile peu à peu. Personnage torturé par son passé, les évènements qu’il raconte sont à mettre en relation avec une décision fondatrice de sa vie. Il a douze ans. Après la mort accidentelle de son frère et l’internement de sa mère dans un hôpital psychiatrique, il jure, sur la mémoire de son frère, qu’il sera « un type bien » jusqu’à sa mort.

« Tu étais seul dans la salle de bain, tu t’en souviens, seul dans la salle de bain en train d’essayer de ne pas pleurer, et par bien tu entendais honnête, bon et généreux, tu voulais dire que jamais tu ne te moquerais de personne, que jamais  tu ne te sentirais supérieur à personne, que jamais tu ne chercherais la bagarre. Tu avais douze ans. »

Paul Auster déroule ici un des thèmes du roman : comment une décision, prise à l’âge de douze ans, peut-elle  influencer, et même conditionner le reste de l’existence ?  Pourquoi, au nom de quel impératif moral, un individu va-t-il décider de rester fidèle à lui-même, à travers les aléas de la vie, en ne reniant jamais ce choix initial ?  Et comment peut-il surmonter  le sentiment de  culpabilité, qui va inévitablement surgir  lorsqu’il se découvrira incapable de tenir cet engagement d’enfant ? Car Walker est rongé par deux évènements qui ont troublé le cours de la vingtième année de sa vie. Le premier événement est une relation incestueuse  passionnée avec sa sœur Gwyn, l’autre sa lâcheté face à un meurtre qu’il n’a pas dénoncé suffisamment tôt, selon lui.

Walker a prévu de raconter ces épisodes de sa vie en cette année 1967 en trois parties, qu’il intitule « printemps », « été », « automne ». Pour chacune de ces trois parties, Auster joue avec les techniques du romancier, et son personnage Adam Walker, décide de les rédiger respectivement à la première personne du singulier pour la première, la deuxième personne du singulier pour la deuxième, la troisième personne du singulier pour la troisième.
Pour cette dernière partie, il est tellement affaibli qu’il ne laisse à Freeman que de simples notes en style télégraphique, qui serviront de support à l’écrivain pour terminer le récit à sa place.
Les pages sur l’inceste sont au cœur du roman : où est la vérité d’un être dans un récit ? nous dit Paul Auster. L’inceste entre Adam et Gwyn s’est-il réellement déroulé comme Adam le prétend ou bien, comme Gwyn l’affirme, n’est-il qu’un fantasme de Walker ? Quelle part véritable d’Adam Walker a été dévoilée à travers le récit adressé à Freeman ? Et de ce qui constitue l’être du personnage d’Adam Walker, quelle est la partie qui va rester à jamais invisible au lecteur ?

Personnage central du récit d’Adam Walker, Rudolf Born devient aussi le personnage essentiel du roman de Paul Auster. Born, auteur du meurtre qui a marqué d’une empreinte indélébile la vie d’Adam Walker, est un homme à la personnalité mystérieuse. Walker le juge séduisant, violent, intelligent, mais quand d’autres personnages (Hélène, Cécile) portent un regard sur lui, il devient insaisissable et se pose en véritable personnage de roman,  un roman du flou, de l’incertitude, du doute. Qu’est-ce qui est vrai, faux, possible, crédible chez lui ? Il est la créature de l’auteur, que celui-ci manipule et tord selon son désir. Il est  aussi, dans le même temps,  l’ambiguïté du réel que reflète le roman, un réel dans lequel chacun garde  sa part d’ombre pour les autres et parfois pour lui-même.  A la fin du livre, Born se propose d’ailleurs de faire de sa propre vie un roman et de lui-même un personnage de roman. Le serpent, alors,  se mord la queue.

La scène finale est magnifique. Cécile, universitaire chargée d’étudier des manuscrits d’écrivains français, celle dont Born voulait épouser la mère trente ans plus tôt, quitte l’île dans laquelle celui-ci s’est réfugié, déroutée par le personnage de Born, soulagée de s’éloigner de lui.
Elle descend de la montage et entend, dans le lointain, des sonorités étranges qu’elle ne peut interpréter : l’essentiel est invisible à ses yeux. Et puis, il y a un dévoilement, une trouée, la vérité des sonorités lui apparaît brusquement : des hommes cassent des cailloux avec leur marteau et produisent ainsi cette étrange musique, qu’elle ne pourra jamais oublier. La métaphore est transparente : le roman, nous dit Paul Auster,  permet lui aussi un dévoilement du réel, il peut créer une déchirure dans la réalité opaque du monde et   rendre ainsi apparent ce qui était jusqu’alors « invisible ».


La captive de l’hiver de Serge Brussolo

Tout d’abord, un grand merci à Livraddict et aux éditions Le livre de poche de m’avoir permis de recevoir ce livre pour mon premier partenariat!

Commençons par le commencement: je dois avouer que pour moi le début fut difficile. J’ai trouvé que l’aventure commençait très lentement, je me suis quelques peu ennuyée, et me suis même surprise à avoir peur de devoir lire 300 pages à un tel rythme.

Mais j’en fus pour mes frais: passé un certain moment, plutôt court finalement, j’ai fini par me laisser porter avec joie par les (més)aventures de cette jeune et jolie Marion! En effet, une fois notre Française arrivée au « pays des vikings », on est plongé au coeur de la vie d’une tribue aux coutumes barbares, aux croyances ancestrales, pour qui le déshonneur suprème consiste à mourir vieux, et non sur le champ de bataille.

Marion se retrouve au coeur de mille péripéties, est le sujet de complots et de vengeances (alors qu’elle vient de France et ne connaît personne!!), est prise pour une sorcière, frôle la mort à maintes reprises mais s’en réchappe toujours. J’ai adoré vibrer avec ce petit bout de femme.

En apprendre sur cette « culture viking », qui j’avoue m’était totalement étrangère, ça m’a énormément plu. L’auteur a très bien su nous emmener découvrir ce pays de glace, on se surprend à avoir froid avec les personnages. On ne m’avait pas menti, Brussolo est bien un formidable conteur. Je le préfère en tout cas bien mieux dans ce genre de récit que dans le thriller (j’ai en effet lu dernièrement La fille aux cheveux rouges, thriller qui m’avait bien moins enthousiasmée).

Bref,  malgré un début difficile, La captive de l’hiver est … captivant  ( :-p ) .  Seul bémol: il appelle une suite qui n’est pas sortie et n’est apparemment pas prévue.

La Caverne de Marina et Sergueï Diatchenko

Résumé

La Caverne : un lieu mystérieux, inquiétant et fascinant. Un monde de rêve qui ressemble étrangement au nôtre. Un univers parallèle où, comme dans la vie réelle, prédateurs et victimes s’affrontent. Jusqu’à la mort. Le roman de Marina et Sergueï Diatchenko, chef-d’œuvre du fantastique russe, véritable phénomène d’édition dans les pays de l’Est, nous confronte, au fil d’une intrigue vertigineuse, à des questions essentielles sur la violence, l’amour et la nature humaine.

Avis

Je tiens tout d’abord à remercier les Editions Le Livre de Poche et Livraddict pour m’avoir permis de découvrir ce livre.

L’histoire est très originale : le jour, toute forme de violence est proscrite et les hommes vivent dans une paix totale. En revanche, la nuit, les rêves de chacun le conduisent dans la Caverne, lieu où se déroulent des scènes de chasse extrêmement violentes. Sous forme de daine, de stark ou de skroll, chacun doit alors lutter pour sa survie et encourt le risque de ne pas se réveiller le matin. Tout le système est remis en question lorsque Pavla, jeune assistante le jour et daine la nuit, reconnaît durant la journée son prédateur nocturne, Kovitch, un grand metteur en scène de pièces de théâtre.
Le récit est fluide, bien construit et se lit facilement, alternant le récit de la vie diurne et les scènes nocturnes dans la Caverne.

J’ai cependant trouvé dommage que  les personnages de la Caverne ne soient pas suffisamment détaillés, et j’ai eu du mal à me représenter la daine ou le stark.
J’ai également eu du mal à m’attacher aux personnages principaux : j’ai trouvé Pavla extrêmement passive, subissant les évènements sans réellement chercher à lutter, cette passivité la rendant assez agaçante à mes yeux. J’aurais aimé voir une héroïne plus forte et combattive. Le personnage de Kovitch, rempli de haine, colérique, n’attire quant à lui aucune sympathie.

J’ai en revanche beaucoup aimé l’univers du théâtre, omniprésent tout au long du livre. La description des pièces jouées, les répétitions, le jeu des acteurs amènent de la poésie dans le livre.

Villa des hommes de Denis Guedj

Lecture dans le cadre du partenariat avec  Livraddict et les éditions Points : http://www.lecerclepoints.com/

Présentation de l’éditeur :

En 1917, Hans Singer, vieux mathématicien de renom, entre à l’hôpital psychiatrique. Il partage sa cellule avec Matthias Dutour, un jeune soldat français, conducteur de locomotive et anarchiste convaincu. Tout les oppose, pourtant ils échangent sur leurs vies, Leurs secrets, leurs folies. Jour après jour, Les deux désespérés tissent les liens d’une improbable et indéfectible amitié.

Mon avis :

Tout d’abord je remerice LIVRADDICT et les éditions POINTS pour ce partenariat. Ce livre a été une belle découverte.

Hans SINGER est conduit à l’hôpital psychiatrique par son cocher, accompagné de son fils. Nous sommes en 1917, en pleine guerre mondiale.

Monsieur SINGER ne parle pas, pas un mot, replié sur lui-même. Il est mathématicien, fou de mathématiques…. Ou bien les mathématiques l’ont-elles rendu fou ?

En temps de guerre, les hôpitaux, même psychiatriques, sont surpeuplés et c’est ainsi que Monsieur SINGER va avoir comme compagnon de chambre Monsieur Matthias DUTOUR, soldat français rapatrié du front. Bien heureusement, M. SINGER parle la langue de Molière et va, subitement, libérer ses pensées. Et là commence un espèce de huis-clos.

Ces deux hommes vont se raconter beaucoup de choses. L’un va apprendre des notions de mathématiques à l’autre et s’émerveillera de la facilité de compréhension du second.

Matthias va lâcher quelques bribes de son passé et va revoir un soldat allemand qu’il avait croisé au front.

Les deux compères se lient d’amitié, vivent de belles choses et surtout se font leur propre psychanalyse jusqu’au moment, inévitable de la séparation….

Tout d’abord, quand j’ai réceptionné le livre et vu la couverture de près je me suis dis que la lecture allait être fastidieuse.
En lisant les premières lignes on se rend vite compte que c’est un language « classique », la syntaxe et le vocabulaire sont recherchés. Rappelez-vous les livres que vous étiez obligés de lire au collège et qui n’étaient pas vraiment à votre portée…

Mais, très vite, on se laisse happer par les deux personnages principaux.

On imagine très bien Monsieur SINGER, grand mathématicien, comme un savant fou qui se laisse uniquement porter par sa passion pour cette matière et le soldat qui se sent sur une autre planète.

Le récit présente quelques lenteurs mais qui sont nécessaires pour imprégner le lecteur de l’atmosphère de ce huis-clos.

Les deux protagonistes tissent un lien qui aurait été fort improbable dans des circonstances normales. En effet, beaucoup de choses les séparent : l’instruction, le niveau social et la nationalité.

Le lecteur passe par plusieurs sentiments : la tristesse, le désespoir et l’humour.

J’ai beaucoup apprécié lire ce livre qui ne fait pourtant pas parti de mes « genres » préférés. Malgré un début mitigé, je n’ai plus pu le lâcher jusqu’au dénouement final où, là encore, deux sentiments se mêlent : la joie d’une vie retrouvée pour l’un et la tristesse d’une voie sans issue pour l’autre.

Bonne lecture et bonne découverte.

Parution : 2010
Editions : Points
Pages : 312