Quatrième de couverture
De 1910 à 2010 et de Prague à Alger en passant par Paris. La traversée du siècle de Joseph Kaplan, médecin juif pragois. De la Bohème et ses guinguettes où l’on croisait des filles qui dansaient divinement le tango en fumant des Bastos, à l’exil dans le djebel, de la peste d’Alger aux désillusions du communisme, voici la vie d’un héros malgré lui, pris dans les tourmentes de l’Histoire. Une vie d’amours et de grandes amitiés, une vie d’espoirs et de rencontres, jusqu’à celle, un jour de 1966, d’un certain Ernesto G., guerrier magnifique et terrassé, échoué au fin fond de la campagne tchèque après sa déroute africaine.
On retrouve ici toute la puissance romanesque de Jean-Michel Guenassia qui, après Le Club des incorrigibles optimistes, nous entraine dans la délicate nostalgie des hommes ballottés par l’Histoire, les hommes qui tombent et qui font de cette chute même et de leur désenchantement une oeuvre d’art.
La vie rêvée d?Ernesto G. a reçu le Prix du Roman Historique des lecteurs de Levallois 2012.
Ma lecture
J’allais chercher UN livre défini, avec la ferme intention de ne pas me laisser happer par les ensorcèlements d’une librairie. Vraiment, CE livre recommandé ne me tentait pas, je l’ai pris, soupesé, étudié. Je l’ai reposé et je me suis enfuie avec La vie rêvée d’Ernesto G. dont l’achat était le cadet de mes soucis.
Bien sûr j’avais vu que le tout-au-fait en parlait. Bien sûr l’image était belle, ses couleurs aussi et elle comportait un « moyen-de-forme ». Bien sûr l’ébauche de nom propre était évocatrice. Bien sûr l’emballage précisait « Un grand roman du désenchantement par l’auteur du Club des Incorrigibles optimistes. » Tous ces indices tentant qui m’auraient poussé par esprit de contradiction à ne pas m’en approcher.
Ce fut peut-être un peu de ça, peut-être du besoin inavoué d’être déçue, de céder à un énième caprice en temps de pseudo-disette, à un instinct ou au hasard. Ptet, ptet pas, comme chante le seul écrivain valable depuis Victor Hugo.
J’y ai trouvé un peu de tout ça et tout autre chose.
Une envie de t’écrire à toi et une foutue émotion fainéante.
La même sensation que quand je vois un film et que je refuse obstinément de m’exprimer à son sujet. Je n’ai pas envie de répondre au « t’as aimé ? » réducteur, juste d’en exploiter les réminiscences, d’explorer mes ressentis fragiles, de les gonfler de raison ou de laisser l’empirisme subjectif les admettre. Pas de polluer avec mes mots ou pire ! ceux des autres.
Ca se voit non ? Pas la moindre pollution verbeuse à l’horizon !
Une déception
J’avais décidé d’être déçue et c’est avec ce bel état d’esprit que j’ai vaillamment parcouru les 354 dont je m’attendais à ce qu’elles ne fassent que précéder la rencontre. Ta photo-marque-page serpentait entre les pages avec paresse mais sans aménité, et nos regards se promenaient. En apparence sans rien attendre, sans juger. Affichant une décontraction qui n’avait d’égal que mes dispositions à pester contre le premier badaud qui m’en donnerait l’occasion.
Je n’ai pas senti le souffle de la formidable épopée vantée. Je n’ai pas été emportée dans le flot du siècle. J’ai lu comme le proragoniste (Joseph K.) vivait sa vie. Comme n’importe qui.
Mais aucun faux pas. Jean-Michel GUENASSIA funambule entre l’écueil d’en faire trop ou pas assez. L’écriture est sobre mais jamais dénudée, elle se fait oublier sur plus de cinq centaines de pages. Les personnages périplent au travers du siècle et des lieux. Chacun prend de la place comme si sa réalité implosait de la page alors qu’il n’est en rien le personnage principal, qui se fait si discret parfois. On s’attache, malgré le côté Harry Potter (et là c’est MOI l’élu, et là JE rencontre un mythe, et là JE parle toutes les langues et sauve les petits enfants d’Afrique), et la vie les rattrape toujours à temps pour apporter son lot de désillusions et naufrager (oui aujourd’hui j’aime les verbes) l’état de grâce. Il en est de même de l’histoire « vraie », il en est de même des ébauches d’envolées romantiques ou lyriques de cette ?uvre. Peut-être que ceux qui attendront autre chose qu’une déception seront déçue de ce manque d’ambition ; j’ai été touchée par sa justesse (bon, il aurait pu se battre en Espagne, ce con *mauvaise foi off*).
Un spoil, mais je ne résiste pas, fallait pas lire jusqu’au bout cette fois
« Je recommande au voyageur sensible, s’il va à Alger, d’aller déjeuner au restaurant Padovani qui est une sorte de dancing sur pilotis au bord de la mer où la vie est toujours facile… »
L’Eté, Albert Camus
Voilà la citation qui clôt l’ouvrage. Evidemment la référence à Camus, et par ce biais, m’a rendue toute chose et vous vous sentirez sans doute très peu concernés !
Disons qu’il reste à sentir l’empreinte de toute la littérature du siècle, et pas seulement le poids de son histoire, dans le romanesque discret -ou désuet- de l’écriture de Jean-Michel Guenassia.