Titre : La Dame en blanc
Auteur : W.Wilkie Collins
Edition Phébus
Genre : ThrillerParution :année 1860, époque ? Angleterre victorienne[/b]
Résumé:
Walter Hartright, professeur de dessin, porte secours une nuit à une mystérieuse « dame en blanc » qui apparait soudainement à sa suite sur une route déserte. La jeune femme terrifiée lui tient des propos confus mais au cours de cet échange, il apprend avec stupeur qu’elle connait une demeure du Cumberland , « Limmeridge House », où il doit justement se rendre le lendemain afin d’y enseigner l’aquarelle pendant quelques mois à deux jeunes filles de bonne famille.
Mon commentaire :
Nous avons affaire ici à un scénario diabolique, palpitant feuilleton qui maintient le suspense jusqu’aux dernières pages.
L’auteur choisi de relater les faits au moyen du témoignage successif des différents protagonistes. Il s’agit de reconstituer l’enchainement des circonstances qui ont participées à un certain « évènement » dont le lecteur ne sait rien pendant longtemps mais qui se dévoile peu à peu au fil de ces témoignages.
C’est sans doute cette particularité du récit qui en fait un grand roman à suspense car elle recrée l’ambiance d’une enquête policière, voire de la salle d’un tribunal où se succèderaient tour à tour les témoins.
Les témoignages sont écrits et revêtent diverses formes : du simple rapport de circonstance, en passant par des échanges épistolaires jusqu’ aux extraits de journaux intimes.
Les personnages se répartissent en différentes catégories rapidement bien identifiables grâce aux descriptions savoureuses : les savants (médecins, avocats, professeurs), les innocents (cocher, servantes, jardinier, vieilles nourrices), les diaboliques.
Le personnage de la dame en blanc semble détenir la clé. Mais, bien que certaines réponses émergent face aux questions que le lecteur se pose : Qui sont les protagonistes? Que s’est-il passé? Quand cela a-t-il eu lieu? Où ont-ils commis leur forfait? Comment sont ils parvenus à leur fin? Pourquoi l’ont-ils fait ?, ce n’est qu’à la fin du roman que le secret s’éclaircit totalement. Personnellement, je n’ai pas cherché à bâtir des hypothèses en fonction des indices laissés par l’auteur.
L’ambiance du livre est tout de suite poignante grâce à la description des lieux et m’a d’ailleurs beaucoup rappelé le livre « Jane Eyre » de Charlotte Brontë (1847). Ce qui me rassure c’est que je ne suis pas la seule apparemment à avoir ce sentiment. Le manoir de Blackwater Park est inquiétant car, outre son nom sinistre, il est très ancien. Le corps du bâtiment date du XIVe, ses ailes latérales de l’époque élisabéthaine (XVIe) et de George II (XVIIIe ). Certaines galeries sont « sinistres et sombres », de «hideux » portraits de famille y sont accrochés. L’une des ailes du château non refaite est « presque en ruine », il vaut mieux éviter de la visiter tant elle est « obscure et humide ». Même l’horloge devient « sévère et fantomatique ». De plus, certaines scènes se déroulent dans ou à proximité d’un cimetière. La description du lac est glaçante. Ses eaux y sont noires, un « brouillard blanchâtre » y plane et un silence « tragique » l’entoure, « pas un oiseau ne chante, même les grenouilles se taisent ». Brrr, J’en ai encore des frissons…
Dans une moindre mesure, le rythme soutenu et inquiétant du scénario m’a rappelé également le « Comte de Monté Cristo » d’Alexandre Dumas (1844) car il y est question d’un honneur perdu à reconquérir. Je ne vais pas plus loin afin de ne pas spoiler.
Parmi les personnages, le truculent et charismatique Comte Fosco est bien trop obséquieux et aimable pour être sincère, il en devient sournois. Ses envolées lyriques et sa haute estime de lui-même en font un personnage insupportable. La dernière scène qu’il nous joue est exceptionnelle. J’ai retenu ci-dessous un court passage qui le résume:
« Il portait ses soixante ans comme s’il en eût vingt de moins. Le chapeau un peu sur l’oreille, il marchait allègrement en faisant tournoyer son énorme canne et en chantonnant; de temps en temps il jetait un œil protecteur vers les maisons et les jardins qu’il dépassait. Eût on dit à un étranger de passage que tout le voisinage lui appartenait, il n’en eût pas été autrement surpris. A peine regardait-il, en revanche, les passants qu’il croisait, excepté les nurses et les enfants, auxquels il envoyait un paternel sourire. (…) Le comte s’arrêta devant une pâtisserie, sans doute pour y passer une commande ; il entra et ressortit aussitôt, un gâteau à la main. Non loin de là, un Italien jouait de l’orgue de barbarie et un pauvre petit singe tout maigre attendait tristement, assis sur l’instrument. Le comte s’arrêta, mordit une fois dans le gâteau, puis tendit le reste au singe. « Tenez, mon petit homme, fit-il, vous paraissez affamé ! Au nom de l’humanité, je vous donne à déjeuner ! » Alors le joueur d’orgue demanda au généreux passant l’aumône d’un penny; le comte haussa les épaules en signe de mépris et poursuivit son chemin. » – p 499 de mon édition, extrait du chapitre IV de la troisième époque.
Le livre d’Hector Malot « Sans famille » est paru en 1878 bien après la publication de ce livre, et pourtant cette scène rappelle curieusement le personnage de Vitalis le joueur d’orgue et son petit singe Joli-cœur? Les personnages comme lui devaient probablement être courants à l’époque.
Pour conclure, ce livre bénéficie d’une intrigue en or, un scénario construit avec minutie. Au delà des 70 premières pages où j’ai failli stopper ma lecture, j’ai été littéralement happée par le mystère de l’intrigue et j’ai cherché à assouvir ma curiosité. Cela s’appelle le suspense.
Je conseille cette lecture aux amateurs de suspense et de récits du XIXe. J’ai passé un excellent moment de lecture grâce à Stellade qui est à l’origine de cette lecture commune et que je remercie ici chaleureusement.