Petite soeur, mon amour de Joyce Carol Oates

A 19 ans, Skyler Rampike revient sur un crime sordide qui a bouleversé l’Amérique à la fin des années 90 et fait la une des tabloïds: celui de sa petite sœur Bliss, 6ans, assassinée dans le domicile familial. Une histoire macabre particulièrement médiatisée en raison de la popularité de Bliss, jeune patineuse prodige ayant accumulé les trophées depuis l’âge de 4ans et de l’absence de coupable.

Skyler nous livre l’histoire de sa famille, telle qu’il l’a vécue du haut de ses 10 ans. Fils d’une mère dépressive et d’un père inconstant, il a du mal à trouver sa place dans cette famille où tout tourne autour de sa sœur plus jeune et plus talentueuse que lui. En dépit de ses capacités intellectuelles élevées, il est celui que l’on délaisse, que l’on oublie. Et pourtant, même si la jalousie n’est jamais très loin, c’est avant tout beaucoup de tendresse et d’admiration que le jeune garçon ressent pour sa petite sœur. C’est de cet amour sincère que va naître sa frustration, conséquence directe de son incapacité à protéger l’innocente fillette face au monde cruel et impitoyable de la compétition. Skyler souffre de voir Bliss broyée par la pression et tiraillée entre ses propres craintes et son envie de plaire à ses parents. Mais le meurtre de Bliss va venir bouleverser le fragile équilibre de cette famille américaine complètement névrosée.

Joyce Carol Oates nous livre ici un roman passionnant et inquiétant. Malgré le caractère fictif de « Petite sœur, mon amour », on n’est jamais très loin du fait divers, réel celui-ci, qui a bouleversé la famille Ramsey et avec elle l’Amérique tout entière. J.C. Oates réécrit l’histoire et s’approprie ce drame jusqu’à trouver le coupable qui a manqué à la justice américaine. Mais cette dénonciation du meurtrier n’est pas le but premier du roman, loin de là. A travers cette famille américaine lambda, l’auteur dénonce remarquablement les dérives de la société américaine. L’univers de la compétition, où l’on fait travailler des enfants dès le plus jeune âge de manière intensive, est pointé du doigt. On sent toute l’absurdité et la démesure qui se cachent derrière les tenues affriolantes et le maquillage outrancier dont sont parées des jeunes filles non pubères. Elle critique également les travers de l’automédication et l’abus des médicaments censés guérir tous les maux. De même, avec le personnage de Betsey Rampike, Oates décrit toutes les déviances occasionnées par le fanatisme crédule et aveugle de certains américains.

« Petite sœur, mon amour » est le premier roman que je lis de Oates et  j’ai réellement adoré. L’écriture est intelligente, percutante et rend le sujet abordé particulièrement passionnant ! La forme même de l’écriture, qui n’est pas linéaire, est particulièrement originale. En effet, la lecture est entrecoupée de courts chapitres, de réflexions personnelles du narrateur, de flash-back et parfois d’une typographie manuscrite. Du coup, on ne se lasse jamais  et il y a même une certaine forme d’impatience créée par l’attente d’une nouvelle surprise stylistique. L’auteur fait preuve d’un réel talent pour rendre ses personnages  vivants et crédibles. Elle dépeint à merveille une société complètement superficielle et impitoyable, dans laquelle une mère est prête à sacrifier la jeunesse de son enfant pour réussir socialement. En bref, un roman très réussi, qui donne à réfléchir.

Je tiens par ailleurs à remercier Livraddict et les éditions Points pour s’être associés et m’avoir permis de faire cette belle découverte !

Bal de givre de Fabrice Colin

Titre : Bal de givre à New York
Auteur : Fabrice Colin
Edition Albin Michel
Genre : Jeunesse – YA

Mon Résumé

Suite à un accident, Anna, 17 ans, semble avoir égaré une partie de sa mémoire. Wynter, garçon étrange, beau, immensément riche, terriblement amoureux souhaite l’épouser au plus vite. Mais, un mystérieux inconnu surnommé « le Masque » joue les troublions. Ou sont les parents d’Anna ? Pourquoi ses souvenirs sont-ils si parcellaires ? Que signifient les messages énigmatiques laissés sur les murs de la ville par « le Masque »? Le doute s’installe…. Anna décide de fuir.

Mon avis

Ce livre se relit à l’envers une fois les clés distribuées aux lecteurs.
Toutefois, l’attente est longue et les lecteurs doivent faire preuve de beaucoup de patience. Finalement, Fabrice Colin sait « appâter son gardon » et l’apothéiose qu’il nous prépare, personnellement je ne l’avais pas vu venir de cette façon là! Pouvoir la goûter pleinement se mérite, je vous l’assure!

Mais avant cela il faut avaler les trois quarts du livre, supporter cet univers glaçant et insipide. Accepter que les questions s’accumulent.
Anna est une jeune fille désorientée, sans grande consistance. Jacob, son majordome, le personnage que j’ai préféré, n’a pas de bras mais sa télékinésie lui permet de déplacer les objets. Quand à Wynter, son obsession pour le blanc et la glace ne m’a guère inspiré confiance.
Le mystérieux « Masque », ayant une certaine ressemblance avec le vengeur du même genre est en revanche un personnage plus vif et intelligent.

La ville dans laquelle évolue les personnages semble construite d’étrange façon et des murs  entiers de verres s’écroulent.
Les personnages sont enfermés dans cette ville comme Jim Carrey dans le « Truman Show ».

Et puis, l’auteur lance peu à peu des passerelles vers la vérité : la vieille qui lit dans les lignes de la main, le vin-de-songe, le coffre à souvenirs, l’exposition de vieux masques funéraires.

Anna décide de fuir et retrouve le Masque, convaincue qu’il détient des réponses. S’ensuivent courses poursuites, échanges de coups de feu, le livre n’anime enfin, je vous laisse découvrir la suite. Il reste moins de 20 pages.

La chute du livre rattrape les désillusions du début mais franchement, j’ai été assez déçue par l’écriture de Fabrice Colin.

Merci à Franckie qui a organisé cette lecture commune qui m’a permise de lire un premier ouvrage de Fabrice Colin dont j’avais beaucoup entendu parlé.

Ma note 7/10

Maudit Karma de David Safier

Résumé de l’éditeur :

Animatrice de talk-show, Kim Lange est au sommet de sa gloire quand elle est écrasée par une météorite. Dans l’au-delà, elle apprend qu’elle a accumulé beaucoup trop de de mauvais karma au cours de son existence. Non seulement elle a négligé sa fille et trompé son mari, mais elle a rendu la vie impossible à son entourage. Pour sa punition, Kim se réincarne en fourmi. Et le pire reste à venir : de ses minuscules yeux d’insecte, elle voit une autre femme la remplacer auprès de sa famille. Elle doit au plus vite remonter l’échelle des réincarnations. Mais, de fourmi à bipède, le chemin est long et les obstacles nombreux…

Mon avis :

J’ai lu ce livre dans le cadre du challenge de magda31 « choisir la prochaine lecture de sa PAL ». C’est  fleurdusoleil qui m’a choisi « Maudit karma » de David Safier et je l’en remercie car j’ai bien aimé. J’avais besoin d’une petite lecture détente sans prise de tête et avec de l’humour. J’ai retrouvé ce que je cherchais dans ce bouquin.

J’ai apprécié suivre les aventures de Kim Lange, jeune femme qui avant de mourir, ne vivait que pour son travail et qui va découvrir les bonheurs essentiels de la vie à travers plusieurs réincarnations. Ce personnage a juste un caractère que j’ai eu du mal à accepter à certains moments car il faut dire que parfois, elle peut être vraiment égoïste. Sinon, pour les autres protagonistes, je les ai trouvés assez sympathiques même si je n’ai eu de coup de cœur pour aucun d’entre eux.

Le gros point positif de ce livre, c’est l’humour. J’ai beaucoup ri en le lisant. Par exemple, je me surprenais à avoir un grand sourire dans le train. Le moment que j’ai le plus aimé, c’est la remise des prix à laquelle Kim participe au début du livre. C’est excellent ! Fou rire garanti !

En résumé, c’est un chouette bouquin qui fait passer un très agréable moment et qui donne beaucoup de bonne humeur. C’est frais et léger. Je le recommande même si ce n’est pas un coup de cœur pour moi.

Joe

Contractors de Marc Wilhem

Quand Stéphane, ancien militaire devenu contractor – terme politiquement correct pour désigner les mercenaires de notre siècle – est envoyé en mission au Brésil par son employeur il ne se doute pas que son périple va lui faire traverser le globe, se battre dans la jungle, affronter des pirates modernes, être chassé par des commandos pour finalement revenir en France où l’attend une mission puant à plein nez la manipulation politique.
Sur son chemin il croisera un commando de choc brésilien bien décidé à se venger, un ancien flic aigri et corrompu au service de ses maîtres, un jeune journaliste ambitieux et évidemment des dangers mortels auxquels il pensait pourtant être habitué.

Mon avis :

Ce thème des Contractors ou mercenaires était nouveau pour moi. J’ai bien vu quelques films sur le sujet mais la partie romance est souvent très voire trop présente. Je ne connaissais pas non plus cet auteur. Ce sont ces raisons qui m’ont poussée à participer à ce partenariat.
L’écriture est aisée, les phrases sont bien tournées. L’histoire est très bien écrite. Au départ, on nage un peu entre tous les personnages. Mais très vite le fil conducteur se créé et les protagonistes s’imbriquent les uns les autres. Les faits que l’on pensait indépendants prennent de l’ampleur et se recoupent jusqu’à former une trame unique.

Le 4ème de couverture est super, il donne vraiment envie de se plonger dans cette lecture. L’histoire est intéressante mais reste, à mon sens, trop survolée. Malheureusement je m’attendais à autre chose surtout à un roman plus poussé dans l’intrigue et dans les faits de lutte dans la clandestinité. Je pense que l’histoire et le style d’écriture de cet auteur aurait permis un roman plus abouti sur ces mercenaires et leur « travail ».

Tout au long du roman, j’ai bien ressenti la corruption au sein des milieux politiques et policiers. Après une succession de scandales politiques, le gagnant n’est finalement pas celui vers lequel la logique nous entraîne. Et pourtant, au début du roman j’y crois, je me dis que pour une fois la vie politique va basculer et puis non et cela ne m’a même pas surprise. Même la corruption policière ne me laisse pas songeuse. J’y vois malheureusement une réalité au quotidien, et ce que se soit en France ou à l’étranger.

Les personnages sont intéressants, et divers. La description des Contractors est réalisée avec réalisme. On imagine bien Stéphane et ses acolytes. On arrive même à comprendre le peu d’âme que certains ont. Ils font un job ! Stéphane attire la sympathie, surtout à la fin de l’histoire. Les autres aussi mais dans une moindre mesure car ils restent « professionnels ».
Le journaliste Samir, débutant dans le métier, avec son côté naïf m’a laissé sceptique. On lui donne des tuyaux. Il fonce, il est heureux ! Il se retrouve adulé, félicité. Mais comment ne pas penser que son contact le manipule ? Comment être aussi dépourvu de réflexion à la fin de l’histoire ?

Pour finir, je ne connaissais pas les éditions Scrinéo. Il est vrai que le cahier documentaire réalisé par un spécialiste est une excellente idée. Il permet d’appréhender de manière plus claire mais aussi plus crédible le roman. En effet, il nous permet de franchir la limite entre fiction et réalité. Ce cahier nous explique le monde des SMP (Sociétés Militaires Privées) qui se développent un peu partout dans le monde, et non pas seulement dans des pays comme le Brésil où la corruption est légion. Ces sociétés jouent un rôle au quotidien dans des conflits majeurs, dans la défense d’intérêts plus ou moins légaux. Il est vrai que se sujet est passionnant. Il y a énormément à dire. Je pense que je vais essayer d’aller plus loin dans ce thème.

En conclusion, ce roman, même s’il m’a laissée sur ma faim, est très intéressant. Je rejoins « Joyeux-drille » sur le fait qu’il est d’un genre différent des thrillers habituels qui permet de faire réfléchir le lecteur.

L’auteur :

Né en 1973 en Argentine, Marc Wilhem a passé son enfance et son adolescence entre la France et l’Amérique du Sud. Il vit aujourd’hui à Paris où il est capitaine à la Brigade de Répression du Banditisme. Contractors est son quatrième roman. Le cahier documentaire, rédigé par Jacques Massey, journaliste spécialisé défense, renseignement et sécurité, analyse le sujet des SMP, thème sensible au cœur de l’actualité (projet de loi prévu en octobre).

Ma note :
7/10

Rheines Gold d’Andrea Schacht

Andrea Schacht
Rheines Gold
Ed. Blanvalet
2005, broché, 512 pages

Beaucoup de livres anglais se fraient un chemin vers l’édition française, moins de livres en allemand. Pourtant, il existe aussi outre-Rhin des auteurs formidables et des romans savoureux qui mériteraient bien une version française. J’ai eu un vrai coup de cœur pour Andrea Schacht, découverte un peu par hasard lors que je cherchais à améliorer ma maîtrise de la langue allemande en dénichant des lectures correspondant à mes goûts. Passionnée (entre autres) de polars et de romans historiques, j’ai trouvé grâce à cette auteure prolifique une motivation supplémentaire pour m’entraîner à lire en V.O. Même si les lecteurs germanophones ne sont pas majoritaires sur L@, je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager l’un de ses romans, en remerciant Samlor pour m’avoir donné le petit coup de pouce qu’il fallait pour faire sortir ce petit bijou de ma PAL où il attendait un peu désespérément que je prenne le temps de my plonger.

4e de couverture

Cologne, an 101 après Jésus-Christ
La jeune veuve Rufina gère les thermes romains de la Colonia depuis la mort de son époux. Lorsqu’un matin, elle découvre que l’eau ne remplit pas les bassins, elle se rue comme une furie chez l’architecte Silvian. Mais il s’avère rapidement que c’est un cadavre qui obstruait la canalisation. Et Rufina reconnaît la victime ! Alors qu’elle commence à poser des questions, elle se retrouve vite au centre d’un tourbillon mêlant puissances obscures, trafics d’or et sombres intrigues…

Résumé

Aurelia Rufina vit sur les rives du Rhin dans la colonie romaine qui deviendra Cologne, dans la province de Basse-Germanie.
Jeune Romaine au caractère aussi flamboyant que sa chevelure, elle gère seule les thermes municipaux. Son mari, volontiers décrit comme un bon à rien futile et guère intelligent par son entourage, a disparu pendant l’hiver, probablement tué par des loups affamés. Au printemps, l’activité bat de l’aile, son beau-père la presse de se remarier ; seule la présence de ses enfants et le solide soutien moral de sa cousine Fulcinia l’empêchent de sombrer. La découverte d’un cadavre dans la conduite d’adduction d’eau qui alimente la ville l’amène à se persuader que son époux n’est pas mort accidentellement mais qu’on a voulu le supprimer. Pour en avoir le cœur net, elle se met à enquêter et découvre l’écheveau complexe des relations entre colonisateur romain et tribus germaniques autochtones autour d’une ressource locale très convoitée, l’or charrié par les rivières jusqu’au Rhin.
Sa curiosité et sa vivacité d’esprit sont des armes à double tranchant : d’un côté, elles la placent en mauvaise posture face aux enjeux politiques, de l’autre elles lui permettent d’échapper à un enlèvement et à quelques tentatives de meurtres, de dévoiler la face cachée d’un candidat aux plus hautes fonctions et d’élucider le mystère de la disparition de son mari.

Mon impression

L’auteur profite des aventures de l’héroïne et des personnages qu’elle côtoie pour décrire la vie à Cologne durant l’époque romaine, les us et coutumes des Romains, ceux des tribus germaniques et leurs relations – ce qui m’a permis d’avaler un petit cours d’histoire sans m’en rendre compte, absorbée que j’étais par l’intrigue. Celle-ci tourne autour de la présence d’or dans la région, de son exploitation et de son importance pour les hommes, la convoitise qu’elle éveille et les dégâts collatéraux qui s’ensuivent. L’enquête « policière » progresse peu à peu, les différents protagonistes se dévoilent au fil des chapitres et on peut assembler les pièces du puzzle pratiquement en même temps que l’héroïne. Les premiers chapitres peuvent sembler un peu hermétiques, mais ils aiguisent la curiosité et donnent la satisfaction de se dire « j’avais deviné » lorsque vient le moment de la révélation.
Comme dans la majorité des romans historiques d’Andrea Schacht, le personnage central est une femme. Dans l’ensemble, il y a un bon équilibre entre les personnages féminins et masculins qui donne un univers très vivant et réaliste. Même si les personnages secondaires sont un peu nombreux et qu’il est parfois facile de s’y perdre dans tous ces noms romains à rallonge (heureusement qu’il y a une liste complète des personnages au début), j’ai apprécié les caractères souvent nuancés des protagonistes, avec des « gentils » qui ont leurs défauts et des « méchants » parfois embarqués dans des situations qui les dépassent. J’ai particulièrement aimé le personnage de Fulcinia maior, la cousine d’Aurelia Rufina, au premier abord vieille fille timide et réservée, qui se révèle progressivement d’une dignité et d’une force morale inébranlables puisées dans son passé de vestale. Elle compense la fougue d’Aurelia, prompte à s’enflammer comme à désespérer.

En conclusion, c’est un très beau portrait historique doublé d’une enquête à rebondissements qui ne peut que passionner les amateurs du genre ! Le nombre de pages peut sembler élevé, mais c’est la forme originale du livre, étroite et toute en hauteur, qui donne ce résultat. En fait, je l’ai lu très vite !

35146pour le Challenge Polars historiques de samlor 77318