L’étoile jaune et le croissant de Mohammed Aïssaoui

etoile jaune et le croissantTitre : L’étoile jaune et le croissant
Auteur : Mohammed Aïssaoui
Editions : Folio
Date de parution : 09/01/2014
Pages : 208

Quatrième de couverture :

« Sur les 23 000 Justes parmi les nations », il n’y a pas un seul Arabe et pas un musulman de France ou du Maghreb. Alors, j’ai décidé de chercher. On m’a souvent répété : « Mais les témoins sont morts aujourd’hui. »; J’ai exhumé des archives, écouté des souvenirs, même imprécis, et retrouvé de vraies histoires : comme celle de cette infirmière juive ou celle du père de Philippe Bouvard qui ont échappé à la déportation grâce au fondateur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit. Cet homme a sauvé d’autres vies.
Et l’action du roi Mohammed V au Maroc durant l’Occupation ne lui vaudrait-elle pas aussi le titre de Juste?

 

« Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour. » « J’avais toujours à l’esprit cette phrase d’Elie Wiesel. Je l’ai écrite plusieurs fois, et suis parti en quête de témoins pour ne pas rompre le fil ténu de la mémoire. »
Mohammed Aïssaoui.

Mon avis :

Pourquoi n’y-a-t-il pas d’Arabes parmi ceux que l’on appelle les « Justes parmi la nation »? C’est la question que se pose l’auteur de l’étoile jaune et le croissant, Mohammed Aïssaoui.

Ce livre s’apparente à un carnet de route, de notes, celui qu’on rempli jour après jour au fil de nos découvertes. Ici, le sujet est important, même si la question de départ ne trouve pas forcément de réponse. A travers ses recherches, l’auteur propose des pistes, notamment en ce qui concerne le directeur de la Mosquée de Paris, Si Kaddour Benghabrit. Cet homme aurait en effet eu un rôle important auprès des Juifs en fuite lors de la seconde guerre mondiale. Pas à pas, on découvre des témoignages, des archives, qui attestent (ou non) de ce rôle. Plus largement, l’auteur nous propose ses réflexions autour de la question des relations ambigües entre les Arabes et les Juifs, et sur la mémoire. Celle que l’on conserve bien au chaud au sein de nos archives, mais aussi celle de chacun d’entre nous, qui parfois se perd pour nous laisser sans réponse. La France est un pays où l’on a la chance de bénéficier de nombreuses sources d’informations papiers. Mais en ce qui concerne les témoignages, ils sont souvent plus difficiles à trouver, car pourquoi parler de son histoire si personne ne vous demande de la raconter? Est-ce trop tard maintenant?

Ce sont autant de questions que se pose l’auteur. Et même si certaines ne trouvent pas de réponse, il espère, tout comme la lectrice que je suis, qu’un jour elles seront résolues, et que parmi les 23 000 « Justes parmi la nation » apparaitront des noms d’Arabes ayant œuvré pour la survie de Juifs lors de l’Holocauste. A lire!

Je remercie Livraddict et les éditions Folio-Gallimard pour m’avoir permis de découvrir ce livre.

Le baiser du rasoir de Daniel Polansky

baiser du rasoirLes menaces qui pèsent sur Basse-Fosse sont nombreuses et variées… Les multiples guerres ont déjà ravi leur quota d’hommes, mais nul fléau ne fût plus redoutable et meurtrier que la grande peste qui prit la vie, sans distinction d’âge, de classe sociale ou de sexe, de milliers d’habitants de la cité. Fort heureusement, le bouclier magique créé par le Héron protège de nouveau la population. Jusqu’au jour où une nouvelle menace va poindre dans Basse-Fosse…

Des enfants disparaissent pour être retrouvés plus tard, le corps inanimé, dans de sombres ruelles. Prévôt, un ancien enquêteur au service de la Couronne, destitué de ses fonctions pour une mystérieuse raison, est devenu un dealer craint et respecté et le fournisseur principal de tout Basse-Fosse. Accro lui-même au souffle de farfadet, il va se retrouver mêlé à cette sombre affaire. Son enquête pour retrouver l’assassin va le replonger au cœur d’un sombre passé…

Certes, on ne peut pas dire que l’histoire de l’anti-héros tombé en disgrâce mais dont l’aide s’avère nécessaire pour sauver la situation soit vraiment originale, loin de là… Mais cela n’empêche pas non plus de passer un très bon moment en compagnie de cette gueule cassée qu’est Prévôt ! Daniel Polansky joue au contraire sur la noirceur et l’ambiguïté de son personnage. Les valeurs nobles côtoient les instincts les plus vils et les plus sombres chez cet homme qui a connu la misère, la faim et la violence d’une vie passée dans la rue et c’est justement ce qui le rend intéressant. La soif de justice se mêle au goût du sang, le rendant impitoyable envers ses ennemis.

J’ai aimé également ce décor médiéval austère et crasseux, où le danger guette à chaque coin de rue. La tension engendrée par les meurtres bouillonne et ne cesse de croître au fur et à mesure que l’enquête avance, s’emparant du lecteur avec une redoutable efficacité… On se promène avec aisance entre les différents cercles de la ville, des plus pauvres aux plus nobles, mais liés tous deux par un même goût pour l’alcool et la drogue. L’écriture de Daniel Polansky est agréable, fluide, presque trop littéraire pour ce décor brut, sale et hostile. Si « Le baiser du rasoir » n’est pas spécialement un coup de cœur, j’ai néanmoins passé un très bon moment de lecture.

Je tiens à remercier les éditions Folio et Livraddict pour ce partenariat.

Samouraï Virtuel de Neal Stephenson

Le-samourai-virtuelSi j’ai accroché au Steampunk grâce à Tim Powers et à ses Voies d’Anubis, c’est bien Neal Stephenson qui m’a converti au Cyberpunk. J’avais pourtant lu – et apprécié – Neuromancien et Mona Lisa s’éclate, tous deux écrits par William Gibson (un pape du genre), mais c’est la séquence d’introduction de Snow Crash, totalement ébouriffante et menée à du 200 à l’heure, qui a provoqué le déclic.

Neal Stephenson réussit dans cet opus à amalgamer deux concepts à la rencontre improbable, l’univers virtuel informatique et la civilisation sumérienne, première à avoir inventé l’écriture. Le point de rencontre de ces deux idées est la notion de virus, aussi bien biologique qu’informatique.

Stephenson n’hésite jamais à prendre le temps d’expliquer en détail les concepts qu’il a imaginés et est doté d’un humour très pince-sans-rire. Ainsi, le personnage principal, Hiro Protagoniste (sic), programmeur réputé, est livreur de pizza pour CosaNostra, la branche commerciale de la Mafia dans le monde réel. Il est aussi l’un des créateurs du Métavers, un gigantesque univers virtuel auquel plusieurs millions de personnes peuvent se connecter.

Un jour, il rencontre Y.T., une jeune kourrière de 15 ans, dont le travail consiste à transporter des colis en planche à roulettes futuriste. Y.T., dont le nom se prononce presque comme « Whitey » (Blanche-Neige), est d’origine aléoutienne.

La mère de Y.T. travaille pour le gouvernement américain. Quand elle s’est engagée à son service, elle lui a donné tous les droits sur sa vie : sa maison est truffée de micros et de caméras espions. Espionnée 24 heures sur 24, elle doit respecter une réglementation kafkaïenne et changeante, et passe régulièrement au détecteur de mensonges. Un exemple truculent de nouvelle réglementation, concernant l’utilisation du papier toilette, est d’ailleurs donné dans le chapitre 37.

Tous deux vont s’attaquer aux trafiquants d’une nouvelle drogue, le Snow Crash, qui commence à faire des ravages, aussi bien dans le monde réel que dans le monde virtuel…

Extraits choisis:

Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des choses qui se passent dans la plupart des églises chrétiennes n’ont absolument rien à voir avec la vraie religion. Les gens intelligents s’en aperçoivent tôt ou tard, et ils en concluent que les cent pour cent tout entiers c’est de la crotte de bique, ce qui explique que l’athéisme, dans l’esprit de la majorité des gens, soit synonyme d’intelligence.

A CosaNostra, il n’y a pas d’esprit de compétition. Ce serait contraire à l’éthique de la Mafia. On ne bosse pas plus dur parce qu’on est en concurrence avec quelqu’un, à l’autre bout de la rue, qui pratique la même opération, on bosse plus dur parce qu’on joue le tout pour le tout. On joue son nom, son honneur, sa famille, sa vie.

Si elle bousille cette mission, ça signifie qu’elle trahit Dieu, qui peut exister ou ne pas exister et qui, de toute manière, est capable de pardonner. Mais la Mafia existe bel et bien, et ses critères d’obéissance sont plus élevés.

Simetierre, de Stephen King

 

Résumé (4e de couverture) 

Louis Creed, un jeune médecin de Chicago, vient s’installer avec sa famille à Ludlow, charmante petite bourgade du Maine. Leur voisin, le vieux Jud Grandall, les emmène visiter le pittoresque vieux « simetierre » forestier où des générations successives d’enfants de la localité ont enterré leurs animaux familiers. Mais, au-delà de ce « simetierre », tout au fond de la forêt, il en est un second, et c’est un lieu imprégné de magie qui vous enjôle et vous séduit par de mystérieuses et monstrueuses promesses…


Mon avis :

Une lecture un peu particulière, que j’ai faite en ce début d’année. J’ai trouvé ça pas mal, mais …
Ce livre a été écrit en 1982, et avant de lire ce livre, j’ai lu pas mal des autres livres de Stephen King, notamment Sac d’os (1998). Et du coup, je me rends compte que Sac d’os ressemble énormément à Simetierre, pour le côté onirique, l’ambiance … Donc, j’ai eu tout au long du livre un air de déjà vu, pas vraiment plaisant.
De plus, je ne m’attendais pas à une histoire aussi triste, et j’ai un peu regretté à certains moments d’avoir commencé le livre, parce que ce n’est vraiment pas joyeux. Et enfin, le dernier point négatif, c’est la fin, qui pour moi, n’en est pas vraiment une, et j’avoue que je n’aime pas quand les auteurs nous laissent comme ça, en plan.

Ca fait un mois maintenant, que je terminé ce livre, et l’intérêt de donner son avis longtemps après, c’est que ça nous permet de voir l’impression qu’il nous a laissé après coup. Et ici, c’est plutôt négatif dans l’ensemble.
Mais, malgré ces points négatifs, ça se lit quand même, ce n’est pas son meilleur, mais ça reste un bon Stephen King à mon avis.

La maison aux esprits d’Isabel Allende

Maison aux esprits

C’est par le truchement des cahiers personnels de Clara, sa femme, et par son propre travail de mémoire qu’Esteban Trueba, du haut de ses 90 ans, nous conte l’incroyable histoire de sa famille. Quatre générations d’hommes et de femmes au travers desquels va se refléter toute l’histoire d’un pays : le Chili.

Tout commence au début du XXème siècle avec les del Valle, une famille bourgeoise traditionnelle et néanmoins très engagée dans la vie politique de son pays. De l’union de Severo et de Nivea naîtront quinze enfants, dont l’envoûtante Rosa. Sa mort tragique mettra un terme inattendu à ses fiançailles avec Esteban Trueba, alors jeune pionnier parti faire fortune dans les mines. Afin d’oublier son chagrin, celui-ci décide de partir reconquérir les terres léguées par ses ancêtres et suera sang et eau jusqu’à devenir un riche propriétaire terrien et ainsi prétendre à la main de Clara, la sœur cadette de Rosa.  De l’union improbable entre cet homme rude, brutal et caractériel et de cette femme douce, sensible et extralucide naîtront trois enfants.

Si les personnages sont multiples dans cette intrigue extrêmement dense, Esteban et Clara n’en demeurent pas moins les piliers. C’est à travers leur voix que la mémoire ancestrale se perpétue et c’est sur leurs épaules que repose la stabilité de la famille. Si Esteban, en bon conservateur, représente le patriarche, l’ordre et la fermeté, Clara semble quant à elle évoluer dans une toute autre sphère, bien éloignée des préoccupations terrestres… Elle incarne à la fois la bonté, la patience et fait preuve d’un véritable don pour prévoir les malheurs, sans toutefois parvenir à les éviter… C’est peut-être là tout le drame de cette famille qui, en dépit de ses dons, ne sera jamais épargnée par les tragédies…

Avec ce premier roman, Isabel Allende nous offre une saga familiale magistrale, devenue un classique de la littérature chilienne ! Cela faisait longtemps que j’avais envie de découvrir ce texte et, grâce une l’organisation d’une lecture commune, c’est maintenant chose faite et j’en suis ravie ! A travers l’histoire passionnante de cette famille, c’est toute l’histoire du XXème siècle au Chili que l’on découvre avec la montée du communisme, la révolte des pauvres contre la bourgeoisie, jusqu’au coup d’Etat qui plongera tout le pays dans une vague de terreur et d’incertitude. La famille Trueba semble être aux premières loges et assiste impuissante et bien malgré elle à tous ces changements. Elle ne sera épargnée ni par les coups du sort, ni par la souffrance dans un pays en pleine crise politique. Heureusement, l’amour, le courage et l’idéalisme sont là pour apporter une bonne dose de lumière sur un texte qui, sans cela, serait bien sombre. L’extravagance et le mysticisme donnent également droit à des scènes particulièrement hautes en couleurs et apportent une certaine folie et une fraîcheur bienvenue ! Par ailleurs, la plume d’Isabel Allende, à la fois fluide et percutante, ne manque pas d’humour et parvient à désamorcer les tensions dans les moments les plus tragiques. Elle nous fait trembler, rire et pleurer avec le plus grand talent. Difficile de rester insensible devant un récit d’une telle ampleur ! Bref, vous l’aurez compris, c’est un grand coup de cœur !