J’ai eu la chance de lire en avant-première Les garçons de l’été[, livre reçu en partenariat ; pour cela je remercie de tout cœur les éditions Folio ! J’ai tellement adoré ce livre que je pense le recommander et l’offrir à un maximum de personnes ! Ce qui avait attiré mon attention était, sur le quatrième de couverture, la mention « du Stephen King, le lyrisme en plus ». Une promesse des plus alléchantes ; mais malgré cela, je ne m’attendais pas à recevoir une telle claque. L’écriture est incroyable, l’histoire est démente, les personnages hypnotiques. C’était parfait.
J’attendais pourtant beaucoup de cette lecture, ayant appris un peu par hasard que Rebecca Lighieri était un pseudonyme d’Emmanuelle Bayamack-Tam, que je tenais déjà en très haute estime après avoir lu Je viens. Mais cette fois, elle frappe encore plus fort. A la qualité d’écriture s’ajoute une histoire terrible, dramatique au dernier degré (croyez-moi, je suis une habituée).
On ne peut qu’être subjugué par ce roman, qui touche à mes yeux à la grâce, à la virtuosité d’écriture la plus écrasante, au grandiose. Pour ceux qui ont lu Jours barbares, vous retrouverez dans cette œuvre de fiction l’univers du surf et ses codes, ses lieux, son vocabulaire. Là où William Finnegan évoquait les dangers de noyade pour ne finalement retenir que l’ivresse ressentie debout sur la vague, il n’y a ici aucun affect pour enjoliver la réalité, ni pour la rendre plus glamour. Un blessé ou un mort sera décrit dans toute sa réalité brute, violente, sordide.
Et puis, craindre d’être dévoré par un requin, c’est quand même bien plus atroce que la menace d’une mauvaise vague, qui reste au demeurant bien plus gérable, dans le sens où on peut éventuellement l’anticiper, même l’encaisser… Sans oublier que la peur du requin, c’est une terreur pure, enracinée dans nos esprits aussi fort que dans la culture populaire, depuis que Les dents de la mer a été porté à l’écran –oui, avant, c’était un roman seulement, mais je m’éloigne du sujet.
Ici, le thème de la dévoration n’est pas l’essentiel – quoique ? Dans un sens métaphorique peut-être ?. L’être le plus dangereux, le plus taré, le plus terrifiant, n’est pas automatiquement celui qui est doté des dents les plus acérées.
La déconstruction de la famille idéale incarnée au début du récit par les Chastaing est d’une intelligence et d’une férocité redoutables. Lentement mais sûrement, la famille de rêve se déconstruit. On gratte sous le vernis et pour certains, ce qui se cache en-dessous est juste abject. La réinvention d’un grand thème biblique – que je ne nommerai point pour garder la surprise intacte- est traitée avec une grande intelligence, une grande acuité, et surtout une grande cruauté.
Le destin tragique d’un personnage en particulier –dont une fois encore, je m’abstiendrai de révéler le nom- m’a brisé le cœur. Je n’ai rien vu venir, je ne pouvais pas le croire ; je me suis sentie aussi triste que si j’avais personnellement été trahie par l’auteur ! A partir du moment de climax où l’horreur se répand pour tout contaminer, j’ai eu l’impression de passer le reste de ma lecture hébétée, ou plutôt hypnotisée ; en tous cas, complètement sous le choc.
Les travers humains les plus répugnants sont pointés du doigt : l’égoïsme, la lâcheté, la mauvaise foi, le sadisme ; jusqu’à l’indicible, jusqu’à la haine la plus totale, la plus déliée, la plus mortifère.
Il était par moments déstabilisant de pouvoir comprendre aussi bien le raisonnement du personnage le plus monstrueux, notamment lors de sa critique acide de l’éducation qu’il a reçue, aussi bien venant de la famille que de l’école, voire de la société. Après tout, l’apprentissage d’un système de valeurs basé sur la récompense ou la réprimande forme les esprits d’une certaine manière, ne nous poussant pas à l’empathie mais plutôt à l’amour de soi en illimité, envers et contre tout. Prendre goût à l’esprit de concurrence peut mener aux sommets les plus démentiels…
La référence à Stephen King dans la dernière partie du livre m’a paru également très plaisante, bien amenée et bien effrayante à sa façon ! Je suis certaine que le maître de l’horreur serait totalement séduit par ce magnifique roman, s’il avait la chance d’en lire une traduction dans la langue de Shakespeare !
C’est un énorme coup de cœur. Planter le décor dans un environnement paradisiaque et instaurer la terreur, c’était un défi de taille, et Rebecca Lighieri l’a relevé haut la main. Je recommanderais la lecture de ce roman sans hésiter. C’est un vrai page-turner, un roman glaçant, et bien plus encore. Sérieusement, il a hanté mes nuits. Un grand merci également à l’auteur, dont le talent continue à me surprendre à chaque nouvelle lecture. C’est un travail époustouflant. J’ai déjà hâte de lire son prochain roman. Bravo.