Eden d’Alain Claret

Merci à Livraddict et aux éditions Robert Laffont de m’avoir permis de découvrir Eden, d’Alain Claret.

Présentation de l’éditeur :

Les hommes du cartel de Sinaola sont entrés dans Paris. Implacables, inhumains, ils viennent s’emparer du marché français de la drogue et récupérer les milliards confiés pour blanchiment à des financiers qui veulent leur faire croire aujourd’hui que leur argent s’est volatilisé. Les hommes mais aussi les femmes : Juana, fille d’un sénateur milliardaire et d’une paysanne indienne illettrée et Madeleine, son amante, son double, une française que Juana a sauvée d’un douloureux suicide. Elles veulent Eden ; l’homme de paille qui investissait cet argent. Tandis que les hommes du cartel mettent la ville à feu et à sang pour installer leurs réseaux et que les Français tétanisés contemplent à la télévision le spectacle effrayant de leurs banlieues dévastées, les deux femmes poursuivent un autre but : se venger du monde dans lequel elles sont nées. Leurs méthodes seront pires que celles des tueurs et des assassins et Eden, incapable de comprendre de quoi est fait son ennemi, sera l’enjeu de ce combat vertigineux que se livrent de toute éternité les hommes et les femmes, l’argent et le pouvoir.

Mon avis :

Eden est ma deuxième expérience avec Alain Claret. La première m’avait laissée pantoise. Si la seconde s’est avérée plus intéressante, j’ai retrouvé dans le roman des aspects qui m’avaiten profondément irritée auparavant. Le style d’Alain Claret est, au mieux, orné, au pire, complètement baroque. J’ai été agacée par un recours que j’ai trouvé compulsif à l’épithète et à la comparaison, qui alourdit considérablement la narration. C’est dommage, car cette fois, j’avais accroché côté trame, appréciant cette ambiance très actuelle et ce portrait contemporain d’une mafia dont les valeurs ne sont plus celles du Parrain, mais du libéralisme économique. Les personnages sont assez convaincants, mais là encore je trouve que l’auteur en fait trop, surtout du côté de Juana, sorte de sorcière aztèque des équations économiques. Encore une fois le trip mystique est au rendez-vous.

Avec Eden, l’auteur n’a pas réussi à me convaincre. Je ne dirais pas que le livre est mauvais, ce n’est pas vrai, néanmoins, je ne parviens pas à adhérer à un style qui me semble passablement ampoulé. Côté polar un peu littéraire, un peu travaillé, je trouve davantage mon compte chez des gens comme Fred Vargas ou Antonin Varenne, ou chez des nordiques comme Gunnar Staalesen. Après deux échecs consécutifs, je ne retournerai pas vers Alain Claret.

La parure byzantine d’Elena Arseneva

Amatrice de romans policiers historiques je me suis lancée dans la lecture des romans d’Elena Arseneva, en commençant par « La parure byzantine » qui vient d’être rééditée en poche chez 10/18.

Ce roman, qui se déroule à Rostov, juste avant le mariage du futur Vladimir Monomaque avec Guita,fille du roi anglais Harold, nous permet de découvrir une Russie à la fois démocratique et véritable carrefour commercial de l’Europe éclairée du XIéme siècle : à Kiev on croise des byzantins, mais aussi des scandinaves et des mongols. Et bien sûr, si l’intrigue policière et nombres de personnages sont des créations de l’auteur, on croise néanmoins quelques personnages historiques au cours d’événements marquants de leur parcours.

Le héros de « la parure byzantine » est le boyard Artem, chef des Droujinniks au service du prince. Il mène ses enquêtes avec l’aide d’un sympathiques duo de garde, Mitko et Vassili, ainsi que du jeune Philippos, un jeune garçon plein de ressources. Le coté bon enfant de ce trio permettant de gommer certains aspects, plutôt rudes, d’Artem qui symbolise parfaitement cette Russie naissante, pleine de promesses mais toujours très rude dans ses moeurs, hérités tant des vikings que des cavaliers des steppes.

J’ai beaucoup apprécié ce roman tant pour son enquête policière, bien menée, que pour son cadre historique très intéressant et tout à fait nouveau pour moi.

Éloge de la trahison de Jacques Aboucaya

Résumé :

« Qu’est-ce que la trahison sinon une loyauté à l’envers, et par là d’autant plus intéressante ? Si je pousse aux limites mon introspection, elle me fournit la raison essentielle de cet attrait pour la trahison ressenti depuis ma tendre enfance. Il procède de la défiance quasi instinctive envers le troupeau. De la sympathie spontanée pour celui qui se démarque ? et peu importe la raison qui le meut. Que ferait la police sans les indics ? Quelle politique extérieure digne de ce nom pourrait être conduite sans les espions ? Et sans Judas, pas de trahison donc pas de résurrection. A lui, simple mortel, échoit le rôle de décider de la mort de Dieu. »Dans son dialogue avec un compagnon de voyage, l’auteur nous livre une réflexion drôle et caustique sur la trahison, puisant aux vastes sources de sa culture littéraire et artistique pour entraîner le lecteur dans les méandres de son éloge paradoxal. Un vrai régal !


Mon avis :

Ce livre est intéressant. En 135 pages, l’auteur nous propose un tour d’horizon de la trahison dans différents domaines, politique, histoire, art, sport… et nous la montre comme nous l’avons jamais vu. Néanmoins, j’ai quand même quelques points négatifs à raconter dessus, pas spécialement sur le contenu, loin de là ! Mais plutôt sur la manière dont le sujet est amené.

Tout d’abord, j’ai trouvé le sujet trop rapide, l’auteur débite beaucoup trop d’un coup sans laisser le temps au lecteur de respirer, surtout que parfois faut s’accrocher pour suivre ! Ensuite comme autre problème, je note la forme qui est, de mon point de vue, pas vraiment appropriée à ce genre de sujet. Présenter cette cause sous la forme d’un pseudo roman, enlève beaucoup à ce livre, pour ma part je pense qu’un réel essai -même court- aurait été plus agréable. Sans compter que ça aurait été plus logique au vu de la situation et du déroulement de la scène.

Je sais là n’est pas le principal de ce bouquin, mais le fait que le narrateur soit un dictionnaire d’anecdote, de référence en tout genre, qu’il trouve comme ça au quart de tour réponse à tout, m’a sérieusement exaspéré ! Sans oublier qu’il peut parfois se montrer extrêmement énervant, en effet quand on le lit on a l’impression qu’il veut tellement en dire, qu’il écoute que d’une oreille distraite ce que son interlocuteur raconte, dommage… Mais bon, faut dire qu’on passe dessus assez vite quand même.

Mais outre ces détails et un début assez laborieux, j’ai commencé à plus apprécier le bouquin aux environs de la page 83, et en particulier les chapitres sur l’art, le sport, et la littérature, que j’ai pris grand plaisir à lire, il y’a quand même quelque chose qui me taraude… Dans ces derniers chapitres l’auteur n’en fait-il pas trop ? En ce qui me concerne, j’ai trouvé que si.
Je dois avouer que là où l’auteur voit la trahison, moi je verrais plus une simple, -presque banale- évolution ; évolution de la poésie, évolution de la musique ou encore évolution de la peinture. Certes, pour le narrateur c’est une trahison féconde, un « tuer le père ». Pour moi cependant il n’en est rien. Pourquoi l’évolution serait-elle parricide, donc trahison ? Ça n’a pas de sens. Tout n’est pas lier, même si ça se suit. Beaucoup de choses existent en tant que telle et unique, sans lien avec quoi que ça soit. Beaucoup de choses évoluent, parce que ça doit évoluer, et non parce qu’il faut éclipser le passer. Pourquoi toujours cette obsession de chercher midi à quatorze heures ? Mais là n’est sans doute pas le sujet de ce livre.

En résumé c’est un livre qui ouvre un bon sujet de réflexion, qui m’a fait voir la trahison comme je ne l’avais jamais vu, mais hélas la forme et la rapidité ne conviennent pas. Je remercie cependant les éditions Rocher et Livraddict pour ce partenariat, car ça reste, malgré tout un livre à découvrir.

Bonne lecture.

Florel.

Compte rendu de la discussion sur Les Piliers de la terre de Ken Follett

Introduction

Le bilan de lecture est unanime : Les Piliers de la terre est un livre incontournable. Pourtant on reconnait souvent être passé à côté de ce roman, l’avoir dans sa PAL depuis longtemps mais avoir été rebuté par l’épaisseur du volume. Enfin les craintes portaient sur les détails techniques liés à la construction de la cathédrale et que l’on pensait rédhibitoires. Il n’en fut rien puisque les lecteurs qui ont participé à cette discussion accordent une moyenne de 8.5/10 à ce roman que l’on qualifie volontiers de haletant, visuel, bien écrit ou riche en rebondissements.

Qu’en est-il dans le détail ?

De l’avis général l’intrigue a captivée car s’appuie sur des complots, guerre de succession, rebondissements liés à la construction de la cathédrale ou au conflit qui oppose les deux familles, Hamleigh et Shiring. Les intrigues secondaires n’ont pas semblées superflues mais tout aussi bien menées que l’histoire principale. Au contraire, les lecteurs ont trouvé intéressant de bénéficier de savoirs historiques comme la vie au XII°S, les techniques et innovations liées à la construction, la vie des moines dans les prieurés ou les relations de pouvoir entre l’Eglise et l’Etat. La thématique des bâtisseurs de cathédrale a paru innovante et originale, là où d’autres romans choisissent de placer l’intrigue principale dans le milieu de la noblesse. Le fait de suivre la vie de différentes classes sociales et de pouvoir ainsi mettre en confrontation deux mondes a plu ,car permet de faire ressortir de façon plus criante l’injustice.

Parmi les points négatifs évoqués, la présentation du roman en un seul volume a gêné quelques lecteurs. Effectivement, ceux qui ont découvert le roman en deux volumes ont trouvé la lecture plus digeste. Les nombreuses machinations ont lassé quelques personnes pour qui  il n’en aurait pas fallu davantage. Le roman étant très visuel, les scènes violentes ont parfois été difficile à lire, les détails sanglants ou haineux, bien qu’appropriés, ont ému et troublé. Petits regrets : on n’aborde pas dans ce récit l’art des poètes, qui aurait pu être développé à travers la figure du père de Jack, troubadour. En outre, ce dernier est le grand absent du roman. On regrette que le départ de Jack sur les traces de son père, de sa famille, n’ait pas donné lieu à de plus amples descriptions de sa vie en France, sa personnalité.

Intrigue et personnages :

Les portraits des personnages sont traités de façon très manichéenne dans ce roman. Cela a dérangé quelques lecteurs mais passionné les autres qui ont vu en cela une représentation de ce que l’on pouvait rencontrer au Moyen âge. Ainsi parmi les personnages les plus attachants, Jack arrive en tête suivi de près par Aliena. Ce couple qui prendra toute sa place dans la seconde partie du récit a littéralement envoûté les lecteurs par le charisme des deux personnages, leur courage face à l’adversité et l’ingéniosité dont ils font preuve. Les lecteurs ont particulièrement aimé la course d’Aliena à travers la France et l’Espagne pour retrouver son amour. On a vu là un beau témoignage, un dépassement de soi.  Aliena, femme forte, a surpris par sa capacité à rebondir, à se renouveler et reste LA femme du roman.

Ellen est apparue étrange au départ, difficile à cerner entre femme et sorcière, image qu’elle peaufine jusqu’au bout, puis sympathique aux yeux des lecteurs,peut-être parce que dès le départ elle est affiliée à Tom, le bâtisseur que tout le monde a apprécié malgré son côté un peu laxiste. On a regretté qu’elle ne soit pas plus présente dans la seconde partie. Tom l’optimiste est représentatif d’une époque aussi se montre-t-il plus généreux envers son ainé, un peu trop oublieux du décès de sa femme, mais il reste extrêmement sympathique au point que sa mort, brutale, a surpris. Quelques lecteurs regrettent les circonstances presque banales de sa mort et auraient sans doute souhaité un destin plus approprié au grand bonhomme qu’il était. Le couple Tom/Ellen a plu par son côté hétéroclite notamment.

On a parfois rapproché Ellen et Aliena, deux femmes fortes. L’adjectif féministe est revenu à plusieurs reprises bien qu’anachronique. Du même coup les lecteurs ont apprécié de découvrir dans ce roman toutes les attitudes féminines possibles, de la femme soumise, à la femme forte et déterminée. Le comportement des hommes à leur égard a été dénoncé, ce qui explique sans doute l’engouement général pour Jack, doux et attentionné.

Le prieur Philip est sans doute le personnage pour lequel les avis sont le plus partagés : tantôt trop orgueilleux et égoïste, il peut être perçu comme généreux et fiable. Le plus surprenant dans ces lectures reste que ce personnage  soit pour les uns un pilier du roman, un lien, l’homme autour duquel tourne l’intrigue et qui rassemble, pour les autres un personnage secondaire sans réel intérêt et auquel on ne s’attache pas. Peut-être cela est-il dû à sa fonction, un peu ingrate, qui le rend peu sympathique parfois. Il occupe en effet un poste difficile de négociateur entre l’Eglise, le peuple et l’Etat. On a apprécié qu’il se remette en question et fasse avancer les choses, même si ce point fait débat car les solutions semblent tomber toutes prêtes par moments. On a regretté son intransigeance et quelques lecteurs se sont demandé pourquoi un tel acharnement à vouloir que Jack intègre les ordres. Sans doute pensait-il alors à sa succession.

Nul doute que le personnage qui apporte au roman toute sa valeur est William. Les lecteurs des Piliers de la terre l’ont détesté (le terme revient souvent) à un point tel que l’on ne trouve pas son pareil dans la littérature ! Limité intellectuellement, William n’a pas les capacités de comprendre dans le détail ce qui se trame autour de lui, notamment avec Waleran. On ne lui trouve pas d’excuse et pourtant, quelques lecteurs évoquent son passé, la pitié que l’on a pu ressentir pour lui au début alors qu’il courtisait Aliéna. Que serait-il devenu s’il l’avait épousée ? La question reste en suspens car évoquer ce personnage déclenche encore au moment de la discussion des propos révoltés…hihi. Est-il seulement capable d’amour ?  Globalement la famille Hamleigh, ses manigances, cette mère acariâtre au physique effrayant, ont suscité le dégoût. Aussi la mort de William était –elle attendue et souhaitée. On s’accorde à dire quelle fut à la hauteur ! Dans tous les cas ce personnage participe au fait que l’on entre vraiment dans l’histoire et qu’on la vit.
Sans qu’il arrive à la cheville de William, Alfred a surpris par son comportement jaloux, violent et ne recueille aucun suffrage positif. La protection de Tom ne l’a pas rendu sympathique, bien au contraire. Les lecteurs ont d’ailleurs apprécié le fait que ce soit Jack qui succède à Tom .

Restent Richard et Marthe, deux personnages que l’on a du mal à cerner ou à comprendre. Martha, jeune femme effacée, aurait sans doute mérité un autre destin dans le roman. Peu présente, elle est reléguée aux tâches ménagères et représente la femme soumise, attentive ou dans l’attente par rapport à l’homme qu’elle sert sans se mettre en avant. Petit regret de lecteur donc.

L’attitude de Richard laisse perplexe mais l’on en veut presque à Aliena de s’être ainsi laissée mener par le destin de son frère, ses projets glorieux, au point de s’oublier et de rejeter l’amour pour un temps. On avait hâte qu’il se prenne en main, lui si attentiste. Cela a permis d’aborder l’aspect patriarcal de la société moyenâgeuse et, toute chose replacée dans son contexte, on reconnait que les femmes tiennent déjà une large place dans le roman.

Se pose alors la question : la cathédrale peut-elle être considérée comme un personnage à part entière de cette saga ? Pour certains lecteurs tout tourne autour de la construction de la cathédrale et sans elle pas d’intrigue, pas d’histoire. Pour d’autres il ne s’agit que d’un support propre à relater la vie au XII°S et à mettre en avant un fond historique sur lequel viennent se greffer plusieurs intrigues, plusieurs destins. Perçue comme un lien, elle est associée à Philip, à Jack, à Tom. Elle permet aussi de découvrir une confrérie, les maîtres maçons, la solidarité mais aussi la rudesse qui l’anime.

Pour ce qui est de l’histoire elle-même, les relations de pouvoir ont beaucoup intéressé les lecteurs de ce roman. Rien n’est jamais acquis, chaque parti essaie de tirer la couverture à lui et le peuple fait les frais de ces conflits, complots, guerres de succession. On s’est ému pour ces petites gens, affamés, affaiblis, à la merci d’un comte despotique ou d’intempéries, toujours sur le fil du rasoir.

Le péché d’orgueil qui avait été retenu comme déterminant dans ce roman a permis de souligner le fait que, alors que l’on croyait Philip orgueilleux, ce défaut peut finalement être attribué à d’autres personnages, notamment la famille Hamleigh.

Le style de l’auteur :

La majorité des lecteurs ne connaissait pas Ken Follett avant de lire ce roman mais souhaite vivement découvrir d’autres écrits, historiques, policiers ou SF puisqu’il apparait comme un touche à tout. Quant à lire la suite, Un Monde sans fin, il convient de laisser passer un certain temps selon l’avis de tous.

Ceux qui le connaissaient pour d’autres écrits parlent de sa plume envoutante propre à placer le lecteur au cœur de l’œuvre pour lui faire vivre l‘histoire. Ont été cités : La Marque de Winfield, Le Scandale de Modigliani, L’Arme à l’œil, Le Réseau Corneille.
Ken Follett est reconnu comme un des maîtres du suspens. Ici encore il nous surprend par des rebondissements adaptés, une intrigue prenante et des personnages attachants. Tout est justement dosé et le travail d’historien qui lui permet des descriptions techniques détaillées ne donne pas dans la lourdeur. Le lecteur est tenu en haleine et l’on avoue que les quelques mille pages qui composent ce volume sont très digestes.

L’alternance entre dialogues et récit donne du souffle au roman. Mais le point fort reste le côté très visuel de ce roman qui donne littéralement à voir ce qu’il raconte. A ce sujet, les scènes violentes, par la façon dont elles sont rapportées, participent à l’exaspération du lecteur qui peut donc aimer ou haïr les personnages.

Conclusion :

Les Piliers de la terre est un roman qui se vit et ne peut laisser indifférent. On a apprécié le travail d’historien qui fait de ce récit une fresque historique passionnante. La force de l’auteur est d’avoir pris appui sur un fond historique et de l’avoir romancé afin de s’adapter à tous. On ne peut que conseiller cette lecture.

Ecrit par : unchocolatdansmonroman

Le passé continu de Neel Mukherjee

Je remercie les éditions JC Lattès et Livraddict de m’avoir permis de découvrir Le passé continu, de Neel Mukherjee.

Présentation de l’éditeur :

Ritwik Gosh, 22 ans, ayant quitté sa ville natale de Calcutta après la mort de sa mère, décide de s’établir en Angleterre dans les années 1990 avec l’espoir de repartir à zéro. Mais pour cela, Ritwik doit commencer par donner un sens à son passé, et surtout exorciser les relations dévorantes qu’il a entretenues avec sa mère, et qui lui ont laissé tant de cicatrices…
Ritwik va tenter sa chance à Oxford, puis à Londres, mais peu à peu son existence se délite dans les bas-fonds incertains de la ville, là où survivent les immigrants illégaux. Pour conjurer sa solitude, il s’évade dans l’écriture, et imagine la vie d’une Anglaise établie au Bengale, Miss Gilby, qui enseigne l’anglais, la musique et les bonnes manières occidentales à l’épouse d’un notable bengali, juste avant la partition de l’Inde. Ritwik est logé chez une vieille dame de 86 ans, Anne Cameron, fragile et blessée, qui lui offre l’hospitalité en échange de soins dont elle a besoin. Une nuit, dans les environs peu sûrs de King’s Cross, Ritwik fait la rencontre du mystérieux Zafar bin Hashm, incroyablement riche, possible marchand d’armes. Ritwik pourra-t-il enfin trouver la rédemption à laquelle il aspire tant ?
Ce roman puissant, plein de compassion, écrit avec une implacable honnêteté, explore avec talent les liens qu’entretient le héros avec le réel et l’imaginaire.

Mon avis :

J’ai été totalement emballée par ce roman, dont j’ai apprécié la justesse à bien des niveaux. Les personnages, tout d’abord, sont d’un réalisme surprenant. Ni bons ni mauvais, tout simplement humains, ils interviennent dans la construction personnelle de Ritwick comme autant d’expériences. Le roman est effectivement construit comme une quête de soi, dans laquelle les racines de Ritwick représentées par les membres de sa famille, qui figurent habilement le carcan de la société indienne, s’opposent aux rencontres anglaises, faites de plein gré par le personnage.

A la moitié du roman à peu près, apparaît Anne, cette vieille anglaise à demi sénile et à demi clairvoyante avec qui il établira une relation unique, émouvante, qui justifie à elle seule la lecture du roman.

Le texte est littéralement ciselé. Bien que n’ayant pas eu accès à la version originale, il me semble qu’il faut saluer la performance de la traductrice, qui nous offre l’accès à une œuvre foisonnante mais sobre, à une plume raisonnable qui livre sans l’alourdir le point de vue de Ritwick qui s’évertue à éviter la fatalité : « N’a-t-on pas le droit de tourner le dos au malheur ? » dit-il dans le roman.

Je suis soufflée, impressionnée par ce petit bijou de littérature contemporaine, qui donne à penser sans intellectualiser, qui touche, émeut, sans sensiblerie. Vivement recommandé !