Introduction
Le bilan de lecture est unanime : Les Piliers de la terre est un livre incontournable. Pourtant on reconnait souvent être passé à côté de ce roman, l’avoir dans sa PAL depuis longtemps mais avoir été rebuté par l’épaisseur du volume. Enfin les craintes portaient sur les détails techniques liés à la construction de la cathédrale et que l’on pensait rédhibitoires. Il n’en fut rien puisque les lecteurs qui ont participé à cette discussion accordent une moyenne de 8.5/10 à ce roman que l’on qualifie volontiers de haletant, visuel, bien écrit ou riche en rebondissements.
Qu’en est-il dans le détail ?
De l’avis général l’intrigue a captivée car s’appuie sur des complots, guerre de succession, rebondissements liés à la construction de la cathédrale ou au conflit qui oppose les deux familles, Hamleigh et Shiring. Les intrigues secondaires n’ont pas semblées superflues mais tout aussi bien menées que l’histoire principale. Au contraire, les lecteurs ont trouvé intéressant de bénéficier de savoirs historiques comme la vie au XII°S, les techniques et innovations liées à la construction, la vie des moines dans les prieurés ou les relations de pouvoir entre l’Eglise et l’Etat. La thématique des bâtisseurs de cathédrale a paru innovante et originale, là où d’autres romans choisissent de placer l’intrigue principale dans le milieu de la noblesse. Le fait de suivre la vie de différentes classes sociales et de pouvoir ainsi mettre en confrontation deux mondes a plu ,car permet de faire ressortir de façon plus criante l’injustice.
Parmi les points négatifs évoqués, la présentation du roman en un seul volume a gêné quelques lecteurs. Effectivement, ceux qui ont découvert le roman en deux volumes ont trouvé la lecture plus digeste. Les nombreuses machinations ont lassé quelques personnes pour qui il n’en aurait pas fallu davantage. Le roman étant très visuel, les scènes violentes ont parfois été difficile à lire, les détails sanglants ou haineux, bien qu’appropriés, ont ému et troublé. Petits regrets : on n’aborde pas dans ce récit l’art des poètes, qui aurait pu être développé à travers la figure du père de Jack, troubadour. En outre, ce dernier est le grand absent du roman. On regrette que le départ de Jack sur les traces de son père, de sa famille, n’ait pas donné lieu à de plus amples descriptions de sa vie en France, sa personnalité.
Intrigue et personnages :
Les portraits des personnages sont traités de façon très manichéenne dans ce roman. Cela a dérangé quelques lecteurs mais passionné les autres qui ont vu en cela une représentation de ce que l’on pouvait rencontrer au Moyen âge. Ainsi parmi les personnages les plus attachants, Jack arrive en tête suivi de près par Aliena. Ce couple qui prendra toute sa place dans la seconde partie du récit a littéralement envoûté les lecteurs par le charisme des deux personnages, leur courage face à l’adversité et l’ingéniosité dont ils font preuve. Les lecteurs ont particulièrement aimé la course d’Aliena à travers la France et l’Espagne pour retrouver son amour. On a vu là un beau témoignage, un dépassement de soi. Aliena, femme forte, a surpris par sa capacité à rebondir, à se renouveler et reste LA femme du roman.
Ellen est apparue étrange au départ, difficile à cerner entre femme et sorcière, image qu’elle peaufine jusqu’au bout, puis sympathique aux yeux des lecteurs,peut-être parce que dès le départ elle est affiliée à Tom, le bâtisseur que tout le monde a apprécié malgré son côté un peu laxiste. On a regretté qu’elle ne soit pas plus présente dans la seconde partie. Tom l’optimiste est représentatif d’une époque aussi se montre-t-il plus généreux envers son ainé, un peu trop oublieux du décès de sa femme, mais il reste extrêmement sympathique au point que sa mort, brutale, a surpris. Quelques lecteurs regrettent les circonstances presque banales de sa mort et auraient sans doute souhaité un destin plus approprié au grand bonhomme qu’il était. Le couple Tom/Ellen a plu par son côté hétéroclite notamment.
On a parfois rapproché Ellen et Aliena, deux femmes fortes. L’adjectif féministe est revenu à plusieurs reprises bien qu’anachronique. Du même coup les lecteurs ont apprécié de découvrir dans ce roman toutes les attitudes féminines possibles, de la femme soumise, à la femme forte et déterminée. Le comportement des hommes à leur égard a été dénoncé, ce qui explique sans doute l’engouement général pour Jack, doux et attentionné.
Le prieur Philip est sans doute le personnage pour lequel les avis sont le plus partagés : tantôt trop orgueilleux et égoïste, il peut être perçu comme généreux et fiable. Le plus surprenant dans ces lectures reste que ce personnage soit pour les uns un pilier du roman, un lien, l’homme autour duquel tourne l’intrigue et qui rassemble, pour les autres un personnage secondaire sans réel intérêt et auquel on ne s’attache pas. Peut-être cela est-il dû à sa fonction, un peu ingrate, qui le rend peu sympathique parfois. Il occupe en effet un poste difficile de négociateur entre l’Eglise, le peuple et l’Etat. On a apprécié qu’il se remette en question et fasse avancer les choses, même si ce point fait débat car les solutions semblent tomber toutes prêtes par moments. On a regretté son intransigeance et quelques lecteurs se sont demandé pourquoi un tel acharnement à vouloir que Jack intègre les ordres. Sans doute pensait-il alors à sa succession.
Nul doute que le personnage qui apporte au roman toute sa valeur est William. Les lecteurs des Piliers de la terre l’ont détesté (le terme revient souvent) à un point tel que l’on ne trouve pas son pareil dans la littérature ! Limité intellectuellement, William n’a pas les capacités de comprendre dans le détail ce qui se trame autour de lui, notamment avec Waleran. On ne lui trouve pas d’excuse et pourtant, quelques lecteurs évoquent son passé, la pitié que l’on a pu ressentir pour lui au début alors qu’il courtisait Aliéna. Que serait-il devenu s’il l’avait épousée ? La question reste en suspens car évoquer ce personnage déclenche encore au moment de la discussion des propos révoltés…hihi. Est-il seulement capable d’amour ? Globalement la famille Hamleigh, ses manigances, cette mère acariâtre au physique effrayant, ont suscité le dégoût. Aussi la mort de William était –elle attendue et souhaitée. On s’accorde à dire quelle fut à la hauteur ! Dans tous les cas ce personnage participe au fait que l’on entre vraiment dans l’histoire et qu’on la vit.
Sans qu’il arrive à la cheville de William, Alfred a surpris par son comportement jaloux, violent et ne recueille aucun suffrage positif. La protection de Tom ne l’a pas rendu sympathique, bien au contraire. Les lecteurs ont d’ailleurs apprécié le fait que ce soit Jack qui succède à Tom .
Restent Richard et Marthe, deux personnages que l’on a du mal à cerner ou à comprendre. Martha, jeune femme effacée, aurait sans doute mérité un autre destin dans le roman. Peu présente, elle est reléguée aux tâches ménagères et représente la femme soumise, attentive ou dans l’attente par rapport à l’homme qu’elle sert sans se mettre en avant. Petit regret de lecteur donc.
L’attitude de Richard laisse perplexe mais l’on en veut presque à Aliena de s’être ainsi laissée mener par le destin de son frère, ses projets glorieux, au point de s’oublier et de rejeter l’amour pour un temps. On avait hâte qu’il se prenne en main, lui si attentiste. Cela a permis d’aborder l’aspect patriarcal de la société moyenâgeuse et, toute chose replacée dans son contexte, on reconnait que les femmes tiennent déjà une large place dans le roman.
Se pose alors la question : la cathédrale peut-elle être considérée comme un personnage à part entière de cette saga ? Pour certains lecteurs tout tourne autour de la construction de la cathédrale et sans elle pas d’intrigue, pas d’histoire. Pour d’autres il ne s’agit que d’un support propre à relater la vie au XII°S et à mettre en avant un fond historique sur lequel viennent se greffer plusieurs intrigues, plusieurs destins. Perçue comme un lien, elle est associée à Philip, à Jack, à Tom. Elle permet aussi de découvrir une confrérie, les maîtres maçons, la solidarité mais aussi la rudesse qui l’anime.
Pour ce qui est de l’histoire elle-même, les relations de pouvoir ont beaucoup intéressé les lecteurs de ce roman. Rien n’est jamais acquis, chaque parti essaie de tirer la couverture à lui et le peuple fait les frais de ces conflits, complots, guerres de succession. On s’est ému pour ces petites gens, affamés, affaiblis, à la merci d’un comte despotique ou d’intempéries, toujours sur le fil du rasoir.
Le péché d’orgueil qui avait été retenu comme déterminant dans ce roman a permis de souligner le fait que, alors que l’on croyait Philip orgueilleux, ce défaut peut finalement être attribué à d’autres personnages, notamment la famille Hamleigh.
Le style de l’auteur :
La majorité des lecteurs ne connaissait pas Ken Follett avant de lire ce roman mais souhaite vivement découvrir d’autres écrits, historiques, policiers ou SF puisqu’il apparait comme un touche à tout. Quant à lire la suite, Un Monde sans fin, il convient de laisser passer un certain temps selon l’avis de tous.
Ceux qui le connaissaient pour d’autres écrits parlent de sa plume envoutante propre à placer le lecteur au cœur de l’œuvre pour lui faire vivre l‘histoire. Ont été cités : La Marque de Winfield, Le Scandale de Modigliani, L’Arme à l’œil, Le Réseau Corneille.
Ken Follett est reconnu comme un des maîtres du suspens. Ici encore il nous surprend par des rebondissements adaptés, une intrigue prenante et des personnages attachants. Tout est justement dosé et le travail d’historien qui lui permet des descriptions techniques détaillées ne donne pas dans la lourdeur. Le lecteur est tenu en haleine et l’on avoue que les quelques mille pages qui composent ce volume sont très digestes.
L’alternance entre dialogues et récit donne du souffle au roman. Mais le point fort reste le côté très visuel de ce roman qui donne littéralement à voir ce qu’il raconte. A ce sujet, les scènes violentes, par la façon dont elles sont rapportées, participent à l’exaspération du lecteur qui peut donc aimer ou haïr les personnages.
Conclusion :
Les Piliers de la terre est un roman qui se vit et ne peut laisser indifférent. On a apprécié le travail d’historien qui fait de ce récit une fresque historique passionnante. La force de l’auteur est d’avoir pris appui sur un fond historique et de l’avoir romancé afin de s’adapter à tous. On ne peut que conseiller cette lecture.
Ecrit par : unchocolatdansmonroman