La route de Cormac McCarthy

Résumé :
«  L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l’humanité. Survivront-ils à leur voyage ? »

Avis :
Ce roman de Cormac MacCarthy fait pour moi partie de ces récits dont la lecture ne laisse pas le lecteur indemne.

Avec en arrière fond la description d’un paysage dévasté, suite à un événement apocalyptique qui a détruit toute vie sur terre, hormis quelques survivants fouillant dans les décombres à la recherche des restes d’un monde à jamais disparu, l’auteur nous livre à la fois le côté le plus sombre de l’être humain, mais aussi le plus beau et le plus touchant.

Face à une catastrophe dont l’auteur n’explique pas la cause mais s’attache uniquement aux conséquences, des êtres ont perdu toute humanité et ont atteint le seuil de barbarie ultime en se livrant au cannibalisme. La violence et les atrocités commises par ces bandes de barbares, couplée à une description cauchemardesque d’un monde sans vie, sans couleur et sans bruit rend la lecture de ce roman extrêmement pesante.

Mais au milieu de toutes ces horreurs, un homme marche sur la route en tenant très fort dans la sienne la main d’un enfant. Il s’agit d’un père qui s’est juré de protéger son fils et ce, à n’importe quel prix. Cet amour paternel, d’une intensité bouleversante, est présent dans chaque page et donne au récit une lueur d’espoir. Le fait que les personnages ne soient pas nommés, mais uniquement décrit comme « l’homme » et « l’enfant », permet d’autant plus au lecteur de s’identifier à eux.

Le style de Cormac MacCarthy est simple, épuré et renforce la signification  de certains  mots comme le mot « papa », qui apparaît parfois au sein d’un dialogue et qui fait encore plus ressentir l’aspect tragique de la situation.

Ce livre, que je relu à deux reprises depuis,  m’a énormément touché et amène de nombreuses réflexions, dont celle-ci : comment réagirions-nous, confrontés à une telle situation ?

J’ai été agréablement surprise par l’adaptation cinématographique, réalisée avec la collaboration de l’auteur. Le film est fidèle au récit, les paysages sont identiques à ceux que j’avais imaginé en lisant le livre, et les acteurs choisis sont tout simplement époustouflants.

7 jours à River Falls, Alexis Aubenque

Résumé (4e de couverture):
Sarah Kent, issue d’une famille modeste, est une étudiante modèle et mène une vie paisible parmi l’élite de l’université de River Falls, une petite ville située dans les Rocheuses. Pourtant tout va changer un matin de printemps. Amy Paich et Lucy Barton, les deux meilleures amies de Sarah au lycée, sont retrouvées atrocement mutilées sur les bords du lac de la forêt toute proche. Deux jours avant, Sarah avait reçu une lettre étrange de ses amies dont elle n’avait plus de nouvelles. Le monde de Sarah bascule dans l’horreur. Sera-t-elle la prochaine victime du tueur ? Elle semble cacher un lourd secret. Comme si un lien obscur unissait les jeunes filles… Autant de mystères que devra résoudre Mike Logan avec l’aide de Jessica Hurley, son ex-petite amie et profileuse réputée. Ils croient très vite être sur la bonne piste. Mais leur adversaire les manipule avec une redoutable perversité.

J’ai lu ce livre après avoir lu le tome 2 (mon approche n’est pas très logique mais bon)…car j’ai adoré ce tome découvert grâce à livraddict et à la blogosphère en général. Le fait d’avoir lu les histoires dans le désordre n’est pas gênant en soi car les deux enquêtes ne sont pas liées. Toutefois, les personnages étant récurrents il est préférable si l’on envisage de lire tous les tomes de les lire dans l’ordre notamment pour voir l’évolution de la relation entre Logan et Jessica.

Chaque partie du livre, divisée elle-même en chapitres, correspond à une journée. L’action, comme annoncée dans le titre, se déroule en sept jours. L’écriture est très fluide et le livre se lit très vite (une bonne lecture de vacances).

Ce polar est efficace et classique ce qui nous permet d’entrer rapidement dans l’histoire. On y découvre un shériff, Mike Logan, très impulsif et souvent en butte à ses émotions. Ces émotions lui nuisent plusieurs fois dans le déroulement de l’enquête puisqu’il se laisse très facilement aveugler par elles. Il ne s’est pas remis de ce qu’il a vu lorsqu’il était au FBI et il espérait arriver à échapper à ses démons en venant vivre à River Falls. Jessica, la profileuse, arrive en général à le tempérer et à le faire revenir au calme. Elle peut toutefois être elle aussi redoutable (son face à face avec le révérend en témoigne) mais sa capacité d’empathie lui ouvre la plupart du temps les cœurs.

J’ai néanmoins été quelque peu déçue (déception relative néanmoins) par ce tome, par rapport au tome 2. En effet, le lecteur connaît très rapidement le coupable (dès la moitié du roman). On suit pourtant avec plaisir les méandres de l’enquête et on y découvre une petite ville pas aussi tranquille qu’elle voudrait bien le faire croire.
Je pense que les légers défauts de ce livre sont dus au fait qu’il s’agit du premier polar écrit par l’auteur. Ayant déjà lu le second tome, je l’ai trouvé bien plus captivant que celui-ci alors qu’il se déroule avec les mêmes personnages et dans le même lieu.
J’attends donc avec une grande impatience le troisième tome, Noël à River Falls, prévu pour Octobre.

N.B Pour rappel Alexis Aubenque sera présent sur Livraddict le 8 Septembre pour une discussion virtuelle avec les membres.

La Lame du boucher de James Patterson

Je remercie les éditions JC Lattès de m’avoir envoyé La lame du boucher, de James Patterson.

Présentation de l’éditeur :
Alex Cross, le flic vedette de la police de Washington, a vu sa vie basculer le jour où sa femme Maria est morte dans ses bras, abattue par un mystérieux tireur. Depuis, il a démissionné et, après un passage au FBI, rouvert son cabinet de psychologue. Il peut enfin profiter de l’amour des siens : Nana Mama, sa grand-mère, et ses enfants Damon, Jannie et Alex Jr. Mais aujourd’hui, John Sampson, son ancien équipier, a besoin de lui pour traquer un criminel hors normes, un violeur en série qui écume les quartiers chic de la capitale et dont les victimes, terrorisées, refusent de parler. Et voici les deux hommes lancés à un rythme haletant sur une piste sanglante qui leur fera croiser la mafia new-yorkaise et peut-être, enfin, l’assassin de Maria.

Mon avis :
Un bilan en demi-teinte pour ce nouvel opus des aventures d’Alex Cross, que j’ai trouvé très irrégulier. L’intrigue met du temps à démarrer. Elle s’étale sur plusieurs années, et les ellipses ne sont pas particulièrement bien réussies, on a du mal à rentrer dans l’histoire. La qualité des dialogues laisse parfois à désirer. A plusieurs reprises, on a le sentiment désagréable d’être en train de regarder un (mauvais) film d’action hollywoodien du fait notamment des répliques, qui tentent, en vain, d’être percutantes, et des enchaînements de scènes très courtes qui se succèdent sans parvenir à susciter l’attention. Par ailleurs, le style est souvent maladroit, et les phrases dans lesquels le style familier côtoie le passé simple font une drôle d’impression (problème de traduction ?). C’est dommage, car une partie de l’intérêt du roman réside dans l’alternance des points de vue adoptés pour chaque scène, alternance qui n’est, du coup, pas toujours bien rendue.
Les choses s’améliorent dans le dernier tiers du livre, lorsque le Boucher, tueur et violeur en série, auteur présumé de l’assassinat de Maria, la femme d’Alex, prend, lui aussi le chemin de la vengeance. Ce vrai méchant, froid et fou, donne à l’histoire l’ampleur qui lui manquait, et finalement, on suit ses pérégrinations avec plus de plaisir que celles du héros. Le rythme est moins cassé, les chapitres sont plus longs, et on prend enfin le temps d’aller à la rencontre des personnages et de rentrer dans leur histoire.
Le dénouement est assez réussi, mais les révélations auxquelles on a droit à la fin du livre n’en sont pas, puisqu’elles ne font que confirmer ce que le lecteur savait déjà, et le laissent sur une impression mitigée.

Usurpé de Laurent Terry

Résumé :

Brillant homme d’affaires de San Francisco, Thomas Eckelton ouvre les yeux ce matin-là sur un véritable cauchemar : il est au coeur d’El Paraiso, le tentaculaire bidonville de Bogotà, une des villes les plus dangereuses au monde. Il n’a ni papiers d’identité ni argent. Il est seul, dans un univers ultraviolent. Comble de l’horreur, il découvre qu’il a changé de visage ! Pourquoi l’a-t-on abandonné dans la métropole de tous les dangers ? Comment revenir dans la société lorsqu’on a perdu son identité ? Comment lutter contre ceux qui, dans l’ombre, ont tout fait pour vous détruire ?

Avis :

Voici un un thriller comme je les aime. Lu le temps d’un week-end, ce roman est un vrai page-turner.
Des chapitres courts font se succéder 2 voix: d’abord celle de Thomas, qui cherche la vérité sur ce qu’il lui est arrivé et puis celle de Frank, un agent du FBI qui enquête sur la disparition du héros.

On découvre au fil des pages des personnages finement travaillés, un héros pas si « blanche colombe » que cela et des agents du FBI ayant leur propre faiblesse : ici, pas de tout noir ou tout blanc mais un suspens plein de nuances.

J’ai vraiment apprécié ce thriller et j’ai ressenti une vraie empathie pour les différents personnages. Le pari est également relevé en ce qui concerne l’action: l’auteur part pourtant d’un pitch plutôt rocambolesque (largué en Colombie, avec un nouveau visage sans aucun souvenirs de ce qu’il s’est passé). Au fil de la lecture, on y croit et rien ne semble loufoque ou déplacé. De la perte d’identité au changement de visage, cela semble plausible!

On suit avec attention comment le héros va s’en sortir en Colombie et par la suite aux États-Unis et comment il va s’y prendre pour retrouver son identité et surtout pourquoi tout cela lui tombe dessus.

Bref, un excellent moment qui me donne envie de découvrir le premier roman de Laurent Terry, Manipulé.

Merci aux Editions Plon et à Livraddict pour ce partenariat!

Résurgences d’Ayerdhal

L’auteur

Marc Soulier, né le 26 janvier 1959 dans le quartier populaire de la Goutte d’Or à Lyon, baigne dès son plus jeune âge dans la science-fiction (son père est un des plus grands collectionneurs de Science-fiction en Europe). Autodidacte, très sportif de nature, il exerce de multiples métiers, dont celui d’animateur socioculturel pendant 5 ans, avant de se consacrer exclusivement à l’écriture à partir de 1988. Chef de file d’un renouveau de la science-fiction française avec ses cycles de La bohème et l’ivraie (4 tomes ; 1990) et Mytale (3 tomes ; 1991), il connaît le succès public et critique avec Demain une oasis (1992) et L’Histrion (1993).

Fortement influencée par Franck Herbert et Norman Spinrad, son œuvre aborde régulièrement, à travers ses projections futuristes, des problèmes d’actualité : sous-développement, écologie, injustice sociale, génie génétique, manipulation… Si son domaine de prédilection reste le Space Opera (Étoiles mourantes avec Jean-Claude Dunyach en 1999), il mêle à la science-fiction des données d’autres genres, tels que le conte philosophique avec Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé en 1997 ou le policier avec le cycle de Cybione (1992-2004). Il s’essaie aussi au thriller en 2004 avec Transparences et sa suite Résurgences en 2009.

Le roman

« Les résurgences sont des eaux d’infiltration qui remontent à la surface. Comme le fantôme d’Ann X revient dans la vie de Stephen, malgré tous les cadavres qu’il a exhumés pour mettre un terme à sa carrière macabre. Comme le grand-père qu’elle a assassiné se rappelle à la mémoire de Naïs au bout d’une lunette de fusil. Comme les trottoirs et les bancs sur lesquels Michel ne dort plus le ramènent à la rue. Les résurgences sont des eaux souvent troubles qui ne sentent jamais très bon. » (Quatrième de couverture)

Mon avis

Que ce soit d’après l’avis des internautes ou selon mon expérience personnelle, je pense que mieux vaut avoir lu le roman précédent cet opus avant de l’entamer, à savoir Transparences. Petit rappel : Stephen est criminologue à Interpol et exhume un curieux dossier, celui d’Ann X, tueuse implacable qui se révèle avoir plus de mille meurtres à son actif depuis l’âge de douze ans. Le premier tome consiste en une chasse à l’homme complexe, d’où se dévide inévitablement une fascination étrange pour Ann X/Naïs, à l’issue de laquelle des pontes ripoux des services secrets américains qui utilisaient la « griffe » d’Ann X pour maquiller des crimes politiques auront à découdre tant avec l’implacable tueuse (qui arrivera à organiser sa mort officielle de manière crédible) qu’avec le tenace profiler. Dans ce deuxième opus, après un bref résumé des épisodes précédents, sans doute un peu scolaire mais bien amené, on retrouve les personnages principaux poursuivis par les ombres du passé : Stephen est enlevé par un agent secret français qui a découvert la supercherie de la mort d’Ann X et désire capturer la tueuse à des fins personnelles, Naïs est poursuivie par un autre tueur, modèle sniper celui-ci, issue de l’académie de son grand-père…

Si le modèle classique de « on prend les mêmes et on recommence » me faisait un peu peur au début, l’habileté de l’intrigue ont vite eu raison de mes craintes. Certes l’intrigue est beaucoup plus linéaire que celle du premier tome (il faut arrêter le sniper avant les services secrets de divers bords), mais l’auteur va souvent là où on ne s’attend pas, avec une touche politique assez bien à sa place (malgré quelques franchissements de l’écueil de l’actualité ou du coup de gueule). J’ai particulièrement apprécié par exemple toute l’intrigue liée au mouvement SDF initié par Michel qui a des développements très intéressants dépassant largement le cadre initial d’un simple thriller. Certains points en revanche ont été exposé puis presque zappé alors que j’aurais bien voulu une explication ou souhaité un développement intéressant. Notamment le fait que Naïs considère après sa réeducation qu’elle et Ann X sont deux personnes distinctes : c’est très vite passé, on ne sait pas si elle retrouve une mémoire normale ou si cette bipersonnalité entraîne d’autres troubles, on ne connait pas la réaction de Stephen etc.

J’ai aussi trouvé une amélioration quand à l’écriture et les personnages. Ces derniers sont en effet toujours très bien campés, et on assiste à des développements sur la personnalité qui sont très intéressants, notamment dans le rapport de Stephen aux femmes. Il n’est plus cet étalon désinvolte ou ce criminologue moral du premier, mais devient dans un cas un homme un peu perdu, chamboulé par Naïs (la relation avec son ancienne assistante est d’ailleurs très significative) et dans l’autre un psychologue manipulateur, mais prenant le train avec un peu de retard ce qui l’humanise et le crédibilise grandement. Quand à l’écriture, je la trouve plus souple, souvent plus prompte à des envolées, les passages de description et d’action s’harmonisant mieux dans leur succession, et ce malgré un certain manque de style. Et surtout il n’y a plus ce récit à la première personne non assumée (j’entends par là bourré de commentaires personnels, comme si c’était Stephen qui racontait son histoire, sans jamais dire « je ») qui m’avait grandement gêné dans le premier : les remarques triviales et les opinions de l’écrivain nous sont soit épargnées soit correctement diluées.

Comme dans le premier tome en revanche la lecture est entachée par une scène finale que je considère comme ratée : après le passage de la manifestation finale des SDF, d’une puissance rarement vue, à la limite de l’onirique, et fort d’un message à interpréter librement, Ayerdhal nous inflige un dialogue explicatif, certes bien écrit, mais cassant toute la poésie horrifique du reportage. J’ai trouvé dommage qu’il termine son livre par une telle succession de banalités qui privent le lecteur de sa capacité de rêver et réfléchir à son aise. Je le trouve assez fort dans la construction de scènes frappantes à potentiel de réflexion pour qu’il n’ait pas à les disséquer par la suite. Au final donc, une bonne lecture, agréable, prolongeant assez bien Transparences, la surprise en moins, et qui, si elle n’élimine pas tous les défauts du premier, au moins n’en récupère pas d’autres.