Troisième jour de Chochana Boukhobza

Pour Elisheva et son élève Rachel, deux violoncellistes de talent, ces trois jours passés à Jérusalem dans  le cadre d’un concert, sont l’occasion de renouer avec leurs racines, leurs amis, leurs familles et leurs amours… Les deux femmes, si soudées au quotidien par leur passion commune pour la musique, vont durant ces quelques jours, suivre leur propre voie et se confronter à tout ce qu’elles ont fui pendant de nombreuses années.

Pour Elisheva, rescapée des camps de concentration, ce retour à Jérusalem est l’occasion d’exercer sa vengeance. Le concert lui offre la seule possibilité de retrouver celui qu’elle appelle « le bourreau » et qui a tué tant des siens pour finalement fuir vers l’Argentine et vivre dans l’impunité. Son passage dans la ville sacrée, va donner à la vieille musicienne l’occasion de faire justice elle-même.

Rachel, quant à elle, n’a qu’une idée en tête : reconquérir son grand amour, abandonné il y a cinq ans au profit de sa carrière à New York. Mais la situation de celui-ci, marié et bientôt père pose des difficultés d’ordre moral, certes, mais aussi et surtout religieux. Ce retour à Jérusalem fera prendre conscience à Rachel de son éloignement irréversible par rapport à ses racines, sa culture et ses proches.

Chochana Boukhobza nous offre un roman sublime, bouleversant, porté par une écriture tout en finesse et en musicalité. Elle nous plonge au cœur même de Jérusalem, une ville aux multiples facettes, tantôt maternelle et protectrice, fière et rayonnante, tantôt le terrain de haines et de drames nés de désaccords religieux et culturels. Chaque personnage est riche de sa propre histoire, de ses croyances et de ses tolérances et anime ce roman plein de vie et d’humanité. L’écriture est lumineuse, chantante et nous entraîne avec elle dans une danse effrénée. Difficile de lâcher ce roman une fois la lecture commencée ! Les petites histoires des uns et des autres sont passionnantes et se mêlent avec justesse à la grande Histoire, celle d’un peuple martyr, en quête de la terre promise dont il a été dépossédé. Ce roman est une magnifique découverte !

Je tiens à remercier vivement Livraddict et les éditions Folio pour m’avoir permis d’enrichir mes lectures avec ce très beau texte !

Ubik de Philip K. Dick

Ubik, que je souhaitais lire depuis un moment, est un véritable coup de cœur. Roman complexe, impossible à résumer, on y retrouve toutes les thématiques chères à Philip K. Dick, et à la SF en général, univers parallèles, pouvoirs parapsychologiques, mais aussi mysticisme, hyper-capitalisme et invasion de la vie privée par le progrès sous ses formes les plus extrêmes. Cet enchevêtrement de thématique, à l’image de l’histoire où les réalités s’imbriquent en permanence les unes dans les autres, n’entrave pas du tout la fluidité du récit, le talent de conteur de l’auteur nous rattrapant de justesse chaque fois que nous pensons perdre pied. Le récit est parsemé de touches d’un humour grinçant, satyrique : la porte d’entrée refuse de s’ouvrir si on ne la paie pas et menace de poursuivre celui qui voudrait la forcer. Les dialogues sont nombreux et intelligents, ils dynamisent en permanence la narration, qui ne s’embourbe pas, même si on ne sait jamais vraiment où on en est.

C’est tout le talent de l’auteur que de parvenir à ne pas nous perdre, à nous donner la main jusqu’à la fin, dans ce monde où le temps marche parfois à l’envers, et où on ne sait plus très bien à qui on est marié.
J’ai A-DO-RÉ ce livre extrêmement riche et subtil, que l’on ne referme jamais tout à fait, qui continue à trotter dans notre esprit, toujours à la recherche des clés qui se dérobent devant nous. Sitôt terminé, je le relis, et je redécouvre déjà des choses…

Les hommes qui n’aimaient pas les femmes de Stieg Larsson

Résumé : Ancien rédacteur de Millénium, revue d’investigations sociales et économiques, Mickael Blomksvit est contacté par un gros industriel pour relancer une enquête abandonnée depuis 40 ans. Dans le huit clos d’une île, la petite nièce de Henrik Vanger a disparu, probablement assassinée, et quelqu’un se fait un malin plaisir de la lui rappeler à chacun de ses anniversaires. Secondé par Lisbeth Salander, jeune femme rebelle et perturbée, mais fouineuse hors pair. Mickael Blomksvit se plonge sans espoir dans les documents cent fois examinés, jusqu’au jour où une intuition lui fait reprendre un dossier. Régulièrement bousculés par des informations, suivant les méandres des haines familiales et des scandales financiers, lancés bientôt dans le monde des tueurs psychopathes, le journaliste tenace et l’écorchée vive vont découvrir ce qu’il faudrait peut-être taire…

Millénium, il a suffit que j’aperçoive ce mot sur les pages du forum de Livraddict pour avoir envie de relire ce petit chef d’œuvre. En effet, j’avais déjà plongé dans les pages de ce livre courant 2008. Cette trilogie avait d’ailleurs été à l’origine de plusieurs nuits blanches.
Comme la majorité des lecteurs, au cours de ma première lecture, j’avais eu un peu de mal avec le début du récit tourné essentiellement sur l’origine de l’affaire financière Wennestrom. Mais cette nouvelle lecture m’a emportée dès la première page et bizarrement je me suis demandé ce qui m’avais paru long la première fois.

Ce livre m’a conquit car il se scinde entre 2 affaires : d’une part celle de Wennestrom sur un scandale financier et d’autre part sur la disparition de la nièce d’une riche famille.
Les personnages qui sortent de l’univers de Stieg Larsson sont hauts en couleurs, ordinaires et extra ordinaires. Mickael Blomksvit (fameux journaliste, homme à femme, enquêteur acharné) va devoir composer avec Lisbeth Salander, une jeune femme d’apparence fragile mais explosive, attachante et difficile à cerner. Cette équipe de choc va devoir s’apprivoiser, se faire confiance et avancer délicatement pour démêler ces deux affaires.

En bref, un livre complet mêlant scandales financiers, affaires de familles glauques, nazisme, crimes divers et enquêtes haletantes.
Merci Mr Larsson pour cette trilogie venue du froid.

Maître des âmes de Peter Tremayne

Peter Tremayne
Maître des âmes
10/18 Grands détectives, 2010
Traduit par Hélène Prouteau

4e de couverture

Trompé par des naufrageurs, un navire s’échoue en terre Ui Fidgente. Sauvé par des religieuses de l’abbaye de Ard Fhearta, le seul survivant tente d’échapper à ses assaillants en se faisant passer pour un moine, mais assiste, impuissant, au meurtre de l’abbesse et à l’enlèvement de six novices. Pour les retrouver, Fidelma de Cashel et son compagnon Eadulf sont envoyés sur place, au grand dam de la population locale, peu disposée à venir en aide aux représentants officiels d’un royaume autrefois ennemi. Sans autre appui que son instinct, la plus célèbre dalaigh du pays doit parcourir sans relâche les côtes irlandaises rongées par la corruption et les guerres de clans pour retrouver la trace des ravisseurs et de leur chef, le « maître des âmes », un homme prêt à tous les sacrifices pour renverser le pouvoir en place.

Mon avis

C’est parti pour une découverte : après avoir entendu parler de Peter Tremayne dans la discussion du challenge Polars historique de samlor, j’ai eu envie d’explorer cette saga médiévale en terre celtique. Sagement, en commençant par le début. Oui, mais mon libraire n’avait pas le premier titre en stock, alors je n’ai pas pu résister à la tentation d’en attraper un au hasard. Me voici donc propriétaire du xième volume des aventures de la juge Fidelma de Cashel.
Sagement, j’avais pris la résolution d’attendre un peu pour me jeter dessus, ayant déjà une palanquée de livres en stock. Mais comme les résolutions sages et moi, ça fait deux, évidemment, il a fallu que j’en lise les premières pages, juste pour me faire une idée.
Intrigue complexe mais description vivante, suspens, contexte original d’une période charnière de l’Histoire, tous les ingrédients étaient réunis pour me faire plonger sans espoir de m’en sortir avant le point final !
L’emploi fréquent des termes juridiques et traditionnels en gaélique était un peu déroutant au début. On s’y fait assez vite, mais j’avoue que certaines notions me sont un peu passées au-dessus de la tête sans que j’en aie de regrets. La description des coutumes et des généalogies m’a donné envie de me replonger dans un ouvrage sur les mythes et légendes celtiques que j’ai commencé il y a fort longtemps et pas encore terminé…
L’intrigue semble initialement complexe, presque alambiquée, mais tous les fils de l’écheveau finissent par se démêler dans le grand style « Hercule Poirot », où le détective dévoile à l’assistance médusée la véritable identité des coupables et des cachottiers.
La relation entre Fidelma et Eadulf confère une grande humanité à la juge-avocate-enquêtrice, même si elle fait preuve de beaucoup de caractère – nul doute qu’il en fallait pour se faire respecter dans une société en pleine mutation politique, spirituelle et culturelle. J’ai beaucoup aimé le choix géographique et historique : l’Irlande évangélisée du VIIe siècle, avec ses coutumes ancestrales encore bien vivaces et ses pratiques chrétiennes en pleine évolution, bien loin du dogme contemporain. C’est un portrait original qui ne ressemble pas vraiment à l’idée « populaire » que l’on pourrait avoir du Haut Moyen-Âge et de sa réputation d’obscurantisme. On y découvre un système juridique et politique très organisé aux règles subtiles et impitoyables à la fois, une organisation religieuse en transition où l’unanimité est loin de régner, une grande richesse intellectuelle et artistique, et un monde où la femme occupe une place loin d’être secondaire.
Nul doute que d’autres volumes des aventures de sœur Fidelma vont rejoindre celui-ci sur mes étagères dans les années à venir et merci samlor pour cette belle découverte !

35146 pour le Challenge Polars historiques (3/6)

Les vieilles de Pascale Gautier

Regards sur des vies et des fins de vie, par des petites vieilles blasées : une portée sur le porto, une bigote, une tout juste retraitée, une sourde, une encore bien portée sur la chose… sans oublier un petit vieux « auréolé de gloire dans son short bleu », marathonien et séducteur de ces dames.

Quand j’ai postulé pour ce partenariat, c’est le titre et la couverture du livre qui m’ont attirés… Cette vieille dame malicieuse en photo m’en promettait de belles. Et je n’ai pas été déçue. Loin d’être un chef d’œuvre d’écriture, c’est à mon sens l’un des livres les plus originaux de la littérature française de ces dernières années. L’impertinence et l’ironie portée par Pascale Gautier sur ces petites vieilles qui peuplent une ville entière (Le Trou, on n’aurait pas trouvé mieux) sont politiquement incorrectes, et à la fois contrebalancées par le regard et les propos même des ces vieilles, attachantes vipères lassées de la vie, de leurs enfants, critiques à tous égards et attendant la fin du monde approchant à cause (ou grâce ??) d’une astéroïde s’apprêtant à frapper la Terre.
Je ne connaissais pas Pascale Gautier auparavant, mais j’ai plutôt été charmée par son style humoristique et caustique, mais pas dénuée de profondeur et d’intérêt. Ce n’est pas de la moquerie gratuite, mais un regard sur une partie de la population, les seniors, qu’on ne se risque plus trop à appeler « les vieux ».
Seuls regrets, on se perd un peu parmi tous ces noms de petites vieilles, j’ai eu parfois du mal à passer d’un chapitre à l’autre et à retrouver le bon personnage ! La fin est peut-être un peu rapide aussi. mais la lecture n’en est pas gâchée, ça vaut le coup de faire un détour par Le Trou !

Merci à Livraddict et Folio de m’avoir permis de découvrir ce livre.