Les ailes de l’ange de Jenny Wingfield

« John Moses n’aurait pu choisir plus mal son jour et sa façon de mourir, même s’il les avait prévus depuis longtemps. » Et voilà comment en une phrase je me suis laissé entraîner dans la vie d’une famille dont l’histoire est bouleversante.

C’est avant tout l’histoire d’une amitié très forte, de celles qui peuvent lier deux petits enfants qui n’en sont encore qu’au début de leur découverte de la vie. Swan, à 11 ans, est déjà une sacrée gamine : elle ment comme une arracheuse de dents, désobéit, refuse de porter des jupes, mais personne ne lui résiste, car sous ses airs de petite guerrière, c’est une fillette pleine d’esprit, elle a un sens infaillible de l’amitié et de la justice et son cœur déborde de tendresse, mais elle n’a personne à qui l’offrir. De l’autre côté de la forêt vit Blade. Un petit garçon timide, malheureux, qui n’attend plus grand-chose de la vie face à un père tyrannique. Leur rencontre va être une vraie délivrance pour chacun d’eux.
« – Personne ne pourra plus jamais nous séparer, promit Swan. Je ne sais pas encore comment je vais les en empêcher, mais ça n’arrivera pas.
Blade posa une main sur le bras de Swan et bâilla de sommeil. Tout ce que Swan disait, il y croyait dur comme fer. »

On se retrouve plongé dans un univers de personnages hauts en couleur et très attachants. Tous sont uniques en leur genre et possèdent ce petit quelque chose qui donne vraiment vie au roman. Le style particulier de l’auteure, un tantinet vieillot, ne m’a pas rebuté, au contraire. Elle rit sous cape de ses personnages et l’humour dont elle fait preuve dans certaines répliques est un vrai régal. Et pourtant, même dans les moments plus sombres, plus intenses du livre, elle excelle aussi. La vérité toute nue, sans confiture de sentiments, une justesse dans la description de l’horreur des grandes personnes et de ce qu’elles sont capables de faire à des enfants.

« C’est difficile à croire, mais il y a des gens sur cette planète qui sont assez abjects… (Il marqua un temps de pause, pour mieux appuyer ses paroles.)… assez immondes… (Nouveau temps de pause.) Des porcs qui ont un tas de boue à la place de l’âme… pour faire du mal à un enfant. »

Bref, un coup de cœur, une histoire poignante qui m’a tenue en haleine du début à la fin.

L’étrange cas du Dr Jekell et de Mr Hyde de R. L. Stevenson

Résumé

La ruelle est sombre, la silhouette furtive, l’homme pressé. Une fillette, par mégarde, le heurte. Et l’irréparable se produit : l’homme la jette à terre, la piétine et s’éloigne, sans cesser de sourire ….

Hélas, on ne compte plus à Londres les épouvantables crimes de l’étrange Mr Hyde. Etrange ? plutôt diabolique, songe le brave notaire Utterson. Et quel sinistre lien unit son ami, le pauvre Dr Jekyll, à cet individu dont la seule vue fait frémir ? Car si jamais visage a porté l’empreinte de Satan, c’est bien celui de Mr Hyde.

Avis

Ce livre a été lu dans le cadre d’une lecture commune organisée par Léo Elfique avec A S K !, Bookine, Love-of-Book, Pando’, Marionnette, Livrons-Nous, Pitivier, StupidGRIN, Czar, Jotman, Kit, Felina, Caelina  , Scarling, JuNa62, Rose et Kactuss.

Un grand merci à Léo Elfique pour l’organisation de cette lecture commune qui m’a permis de combler une lacune littéraire. Je connaissais l’histoire en général mais pas tous les détails.

J’ai apprécié la lecture de ce récit très court, qui s’apparente plus à une nouvelle. Tout commence par l’apparition d’un étrange personnage dans les rues de Londres : Mr Hyde qui s’attire immédiatement l’antipathie de tous ceux qui l’approchent et qui commet des actes véritablement odieux. Utterson, notaire de son état, s’inquiète pour son ami, le Dr Jekyll, qui a noué des liens avec Mr Hyde, et dont l’attitude est de plus en plus étrange.

Les personnages sont très bien décrits, de manière précise, tant au niveau de leur physique que de leur caractère. Le personnage de Mr Hyde est fascinant de par sa méchanceté et la violence qui l’habite.

L’intrigue est très bien menée et le suspense monte au fur et à mesure du récit, jusqu’au dénouement final, avec  un dernier chapitre intitulé « l’exposé complet de son cas par le Dr Jekyll ». J’ai adoré ce chapitre, très intense, qui explique l’origine et les raisons de l’apparition de Mr Hyde.

Le Dr Jekyll décrit parfaitement la dualité qui l’habite, « cette guerre sempiternelle livrée entre ses éléments constitutifs ». Il nous parle de sa vie, nous décrit son mal-être. Il s’impose une vie de dur labeur et considère que son pire défaut est sa « vive propension à la joie ». Il nous décrit au final une véritable lutte entre le bien et le mal, une lutte que chaque être humain est amené à livrer.

Un mort à Starvation Lake de Bryan Gruley

Synopsis :

La glace fond et se craquelle, les remous du lac révèlent un étrange objet: une moto¬neige criblée de balles. C’est celle du coach de hockey, mort il y a dix ans sans laisser de cadavre. Dans la petite ville de Starvation Lake, les langues se délient, les rumeurs les plus folles circulent. Gus Carpenter, journaliste et enfant du pays, enquête. Ceux qu’il croyait si bien connaître cachent d’obscurs secrets…

Mon Avis :

Voilà un livre qui m’a laissé sur une impression mitigée.

En effet j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire.
Peut-être est-ce du à l’omniprésence du hockey qui est un sport méconnu en France ?
Il m’a aussi fallu lire les 150 premières pages pour m’approprier réellement les personnages.
Entre leurs noms, les surnoms qu’ils se sont donnés et les surnoms que le coach leurs donnait, il y a de quoi en perdre son Latin !

Après ces débuts difficiles, j’ai tout de même bien accroché à l’histoire, l’enquête journalistique est plutôt bien menée.

Ce roman est avant tout l’histoire d’un groupe d’enfant unis par leur passion du hockey. Et plus particulièrement d’une grande amitié entre Gus Carpenter surnommé Trap et Andel Cambell alias Soupy.
Ces surnoms, ils les ont gardés à l’âge adulte, refusent-ils de quitter l’enfance …
Gus Carpenter est de retour dans sa petite ville natale de Starvation lake après avoir travaillé pour un grand journal de détroit, il vivote désormais en écrivant des articles pour le Pilot, petit journal local.
C’est alors que son passé ressurgi, lorsque la moto neige de son ancien coach est retrouvée avec un impact de balle. Celui-ci avait disparu soi –disant dans un accident.
Son enfance revient le hanter, notamment ce match perdu en final du championnat d’Etat. Tout le monde l’avait rendu responsable de cet échec.

De nombreux flash-backs nous remémorent les évènements. Ceux-ci apportent un éclairage sur certains faits.
Notamment sur le comportement de soupy durant cette journée.
Bryan Gruley nous fait partager sa passion pour le Hockey, on se croirait dans les tribunes lors de ces flash-backs.

Un petit bémol, tout de même, je trouve que ces retours en arrière incessants plombent un peu le récit.
Peut-être qu’inconsciemment j’avais envie que l’enquête avance plus vite !

Petit à petit je me suis attaché à Trap et à Soupy.
Leur amitié perdure depuis l’enfance et Soupy va pouvoir compter sur son ami pour le soutenir.
Gus va aller de désillusion en désillusion.

Dans cette petite bourgade où tout se sait, où il pensait connaître tout le monde, il s’avère que la loi du silence et du non-dit est omniprésente.
Cela, ne va pas l’aider dans ses recherches pour comprendre la mort de son coach.

Un bon roman, une ambiance troublante où planent les non-dits.
C’est la chronique d’une petite bourgade et de ses nombreux secrets.

Finalement Gus va faire la lumière sur toute cette affaire, tout en lavant son honneur perdu.
Il ne fait pas bon déterrer les vieilles histoires, c’est ce que pensent les habitants de Starvation Lake. Mais, parfois les abcès doivent être percés !

Un grand merci au éditions points et à livraddict pour cette découverte.

Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer

Oskar a 9 ans. Un an après la mort de son père dans les attentats du 11 septembre, il trouve une clé. Persuadé qu’elle résoudra le mystère de la disparition de son père, il part à la recherche de la serrure qui lui correspond. Sa quête le mènera aux quatre coins de New York où il pénètrera les vies d’inconnus et découvrira l’histoire de sa famille.

Utiliser les yeux d’un enfant pour parler des attentats du 11 septembre, de la douleur des familles, relève du génie. Utiliser une simple clé pour aborder le thème des relations de familles, des secrets, de la quête d’identité, c’est de la pure magie.

Oskar est un personnage plus qu’attachant, original, qui oublie souvent qu’il est un enfant pour partir à la recherche de ses origines, comprendre pourquoi son père est mort. Il lutte contre la douleur, celle d’avoir perdu son père, et d’avoir entendu un message sur un répondeur, juste avant la fin, sans rien faire… Vivre si jeune avec la culpabilité et essayer de renaitre, c’est le défi auquel il doit faire face au quotidien.

Et au-delà de l’histoire, il y a la forme. Des photos, des corrections en rouge, des chiffres comme un langage codé, des lettres des grand-parents… on est directement dans la vie des personnages, comme dans un journal intime. Et puis la photo de cet homme, qui tombe d’une tour, que tout le monde a vu…

Extrêmement fort et incroyablement près est un livre que je recommande, humain, riche en sentiments. Je me suis vraiment sentie transportée, par l’émotion, mais par l’humour aussi qui s’en dégage parfois.

Jonathan Safran Foer est sans conteste un grand auteur, à suivre !

Un mot maintenant sur le nouveau format de livre : Point 2.

J’avais vraiment envie de tester cette nouvelle forme de lecture, et si l’objet est très joli, tout petit livre facile à ranger et à transporter, je n’y ai malheureusement pas trouvé la lecture très confortable. Les pages sont très fines et peu facile à tourner. Un bel objet donc, mais dont la praticité ne m’a pas convaincue.

Aristote de John Marcus

 » Vous allez adorer John Marcus ! « 

Certaines maisons d’édition de moindre envergure, à l’image de L’Autre Editions (dont l’efficacité mérite d’être saluée), prouvent chaque jour que les auteurs sont souvent mieux considérés que chez les plus grandes. Présenté comme le précurseur de « l’essai romancé économico-policier », appuyé par des encouragements qui ne tarissent pas d’éloges (« Lire John Marcus est un acte citoyen du monde« … ah oui, quand même) et armé d’un titre idéal… L’homme qui rêvait met en condition son lecteur dès la 4e de couverture, et le laisse en droit d’attendre beaucoup. Une campagne marketing intéressante, mais peut-être trop osée.

S’il est un débat à faire s’arracher les cheveux de nos Immortels, outre les mauvaises formulations orthographiques, c’est celui du mélange des genres. Qu’est-ce qu’un roman, une nouvelle, un essai, un pamphlet ? Car il n’est pas rare qu’un auteur laisse librement vaquer ses préoccupations politiques ou ses idéaux dans une oeuvre de fiction, au point d’être légitimement en droit de se demander s’il ne s’agit pas davantage d’un essai que d’un roman, par exemple. John Marcus a fait le pari qu’il était possible d’associer librement les genres, l’assume et le revendique. Mais lorsque le tragique de nos quotidiens intervient dans la fiction, que reste-t-il au lecteur pour s’évader de la réalité ? Car L’homme qui rêvait n’est pas du Zola : il ne choisit pas d’encrer des comportements et des injustices dans une existence fictive mais, au contraire, il livre des réalités économiques et sociales sans prendre la peine de les rattacher au récit.

En effet, on peut s’attendre à ce qu’un roman, même couplé à l’essai, construise son intrigue au rythme des problématiques explicitées par l’auteur. Or, ici, il n’en est rien. Aucun des personnages (Delajoie, Ricky, Kowiak…) n’a d’incidence directe sur le récit. A la manière de pantins désarticulés, ils ne servent qu’à agiter un décor vide de sens. L’auteur aborde tant de soucis économiques, de drames politiques et de mythes d’un autre âge qu’il oublie que donner une âme à ses protagonistes est la première règle de la fiction ; et ce n’est pas l’humour un peu potache, simplet, voire provincial (les surnoms, la tomme d’Aubrac, les blagues-clichés entre policiers, le public hilare à chacune des interventions du sénateur Aristote) qui permet d’insuffler la vie.

 » Loin d’être […] un pamphlet manichéen « 

Paradoxalement, L’homme qui rêvait fait de l’économie son cheval de bataille et prend largement le pas sur le reste du livre. En prétendant à l’écriture d’un roman policier, l’auteur se donne surtout la difficile tâche d’expliquer le monde dans lequel nous vivons, ses ressorts et ses crises d’une manière suffisamment simple pour qu’elle soit compris par tous. Et il semble désirer ce discours si limpide et compréhensible qu’il est omniprésent, comme si le programme présidentiel du sénateur Aristote résumait l’homme ; dont l’assassinat, qui fait pourtant office d’élément perturbateur, n’est quasiment pas abordé… La moitié du livre est en effet consacrée aux réformes économiques et sociales proposées par le personnage. Or, on se contente de livrer la plupart des informations sous la forme d’une émission TV de débat en la présence d’intellectuels et d’une présentatrice dénommée Madame… Rabot. Il m’aurait pourtant semblé que les chaînes publiques proposaient suffisamment ce genre de programmes pour qu’on ait pas à les supporter jusque dans la fiction ?

Quant aux éléments de réflexion apportés par l’auteur, ils demeurent très scolaires. Le « laisser faire/laisser passer », la Main Invisible, le conflit entre néo-classique et keynésiens, l’aberration des crédits à la consommation… sont tout simplement au programme du lycée. La légende du roi Midas, la sociologie du travail, le totalitarisme rouge, les tribulations du FMI (demandez donc au peuple grec !), « 400 personnes s’approprient 50% des revenus annuels de l’humanité« … sont des faits également rabâchés durant la scolarité ou dans les médias, quotidiennement. N’aurait-il pas été plus avisé et moins « bateau » de mentionner la métaphore du « concours de beauté », l’irresponsabilité des agences de notation lors de la crise des subprimes ; ou de ne pas faire l’impasse sur un terme comme « thésaurisation » (incontournable chez Keynes, à la manière de la « loi psychologique fondamentale »), certes abordé mais jamais défini.

La beauté d’un concept, dans la fiction, tient justement à ce que le lecteur l’intègre naturellement, de lui-même, sans s’en rendre compte. Mais L’homme qui rêvait veut forcer cette assimilation car, même si la plus grande partie des informations fournies par John Marcus devraient incontestablement faire partie de la culture générale de chacun, l’auteur s’acharne à utiliser des raccourcis narratifs enclins à la facilité. Encore une fois, cette émission de TV qui occupe plus de 100 pages, entrecoupée d’éléments narratifs inconsistants, accumule des citations et des références historiques qui n’en finissent pas. Pire, Aristote seul (sorte de mi-Mélanchon/mi-Hessel) expose ses arguments alors que les autres personnages ne servent qu’à le relancer, à commettre des approximations sur lesquelles rebondir, et qui jamais ne permettent la concurrence des opinions. Dans une autre scène, le personnage de La Boule revient d’un voyage en avion (transport dont il a une peur bleue), terriblement fatigué et avec une affaire de meurtre sur les bras : il se contente alors de faire l’énième récapitulatif d’épisodes historiques relatifs à chaque nom de rue qu’il emprunte et à conclure « la violence des faits […] lui avait fait découvrir l’attachement viscéral liant la classe ouvrière aux acquis sociaux ». Rien que ça ?

Conclusion

Bien que mettant en scène des policiers, on reprochera avant tout au livre de ne pas détailler cette dimension ; pourtant susceptible d’intéresser les lecteurs réguliers de polars et autres romans noirs. En proposant un projet avec la volonté « de sortir des rangs », l’enjeu est à double-tranchant : rondement mené, il passionne (surtout lorsqu’il s’agit de faire la critique du modèle dominant) ; et à l’inverse, mal équilibré, l’oeuvre devient un fardeau pour le lecteur. Malheureusement, il me semble que L’homme qui rêvait, malgré certaines remarques fines et intelligentes, se perd dans les banalités économiques, en fait souvent trop (« Nous ne devions rien attendre de l’Histoire parce que, en réalité, l’Histoire attendait tout de nous« , par exemple) et oublie que la notion de « romancé » nécessite avant tout de fournir au lecteur un univers solide auquel il s’attachera.