Départs anticipés de Christopher Buckley

Résumé :
Les 77 millions de baby-boomers qui partent actuellement à la retraite puisent dans les caisses de la Sécurité sociale et entraînent les Etats-Unis vers la faillite.
Cassandra, la trentaine, conseillère en communication et bloggeuse révoltée, n’entend pas travailler pour financer les retraites de baby-boomers afin qu’ils puissent jouer au golf.
Ainsi, aidée par un sénateur assoiffé de pouvoir, elle va mettre en place un projet de loi : le « transitionnement volontaire ». Comprenez : le suicide assisté, moyennant finances et autres avantages…

Mon avis :
Sur la couverture de ce livre, on peut lire « L’un des écrivains de langue anglaise les plus drôles qui soient. » Tom Wolfe.

Je donne entièrement raison à Tom Wolfe.
Ce livre est frais et drôle, j’en ai ri aux larmes une ou 2 fois, et j’ai eu un sourire figé aux lèvres pendant la majeure partie du livre.

Christopher Buckley est le roi des métaphores, il n’a pas peur de pousser ces personnages vers les caricatures les plus extrêmes. Avec, pour trame de fond, une histoire complètement folle (mais à laquelle on finirait presque par adhérer), il met en scène des situations improbables entre des personnes qui n’ont rien en commun, et qui font tout l’humour, l’originalité et le caractère incisif du livre.. En effet, les intrigues se croisent et se décroisent entre le président des USA, un sénateur, des prostitués de luxe, un pasteur, un cardinal, un père sans aucun instinct paternel, une bloggueuse révoltée et un directeur de communication sans éthique ; chaque nouvelle rencontre et tentative de manipulation des uns et des autres donne lieu à des situations très cocasses et nous, on jubile.

Je vous recommande donc chaudement ce livre qui va vous faire passer un excellent moment, sans aucun doute.
Un grand merci aux Éditions Points et à Livraddict pour m’avoir permis de découvrir ce livre et cet auteur !

L’art de naviguer, de Antonio de Guevara

L’art de naviguer
Antonio de Guevara
Edition Vagabonde

Préface Pierre Senges
Traduit, annoté et post-facé par Catherine Vasseur.

C’est grâce à un partenariat entre Livraddict et les éditions Vagabonde que j’ai eu le plaisir de découvrir ce petit livre, publié pour la première fois en 1539. J’avais envie de  lire autre chose qu’un roman et j’y voyais une opportunité d’étoffer ma maigre culture classique espagnole ( qui se réduisait à Cervantès et Calderon…).

Me voila plongée dans cet art de naviguer,  « Arte de marear », lecture qui me réjouit par son humour, en même temps me fait réfléchir. Voilà un cocktail qui me convient parfaitement!
Le titre est curieux : en effet, marear, au siècle de Guevara, en plus du sens classique : naviguer, commence à signifier aussi : donner mal au coeur!En fait, le titre complet est : « Livre des inventeurs de l’art de naviguer et des nombreux travaux accomplis sur les galères », long titre explicite, comme beaucoup de traités écrits à l’époque classique. Il indique qu’il sera question de l’historique (les inventeurs) de la navigation : là aussi on suit le schéma en vigueur à l’époque Renaissance, c’est-à-dire puiser chez les auteurs grecs, Guevara le dit lui-même : « …On y trouvera d’excellentes antiquités… »

Antonio de Guevara  est né en 1480, mort en 1545. Il est religieux, chroniqueur de Charles Quint, conseiller, moraliste, inquisiteur. Homme de Dieu et homme de cour, son ouvrage : L’horloge des princes (Reloj de principes1529), a très vite connu un véritable succès européen à l’époque : traduit en français, anglais, on dirait un best-seller aujourd’hui

Je m’attendais à une lecture aride, un style ampoulé, vieilli ou bien des tournures compliquées. Rien de tout cela. L’écriture de Guevara est claire, sans fioriture aucune, très moderne, et quelquefois même familière, par exemple  il termine son introduction par ces mots : « Cela suffit pour cette introduction. Et puisque le temps est compté et la matière abondante, il me reste à vous prier d’être très attentif au sermon qui va suivre, et d’ouvrir grand les yeux sur ce qui vous agrée. Et si l’un d’entre vous s’endort, que son compagnon le réveille d’un coup de coude… »

Catherine Vasseur qui a traduit ce livre dit elle-même que « du point de vue lexical et grammatical, l’espagnol de Guevara est presque moderne »et beaucoup  plus accessible que, par exemple Montaigne (qui a écrit ses Essais cinquante ans plus tard)

Ce livre commence par une lettre adressée à  Francisco de los Cobos (courtisan de Charles Quint), pour qui est fait ce petit traité, destiné à l’accompagner lorsqu’il irait en mer. Guevara indique pourtant des intentions plus profondes : ce qu’il désire est surtout son salut, comme tout bon religieux. Il commence d’ailleurs par faire une analogie entre les dangers et les incertitudes  de la vie à la cour et de la vie en mer.  Y a-t-il là un indice, devons nous comprendre autre chose qu’un simple ouvrage pratique, lire cet ouvrage à un autre niveau ?

Plus encore, ses premiers mots : « Mimus, Polistorus, Azuarcus et Périclès »  qu’il présente comme philosophes, et bien à part le dernier, Périclès, qui a réellement existé, les trois autres sont pure invention : Mimus représente le mime, Polistorus serait le poly-historien note Catherine Vasseur. Juste avant dans l’introduction il cite Psitaque le Grec, or psittacos  veut dire perroquet en grec…

C’est dire si on a intérêt à lire les notes de Catherine Vasseur, on apprend alors que tout l’exposé historique de Guevara est truffé d’inexactitude. Il ne s’embête pas de vérité historique : il tord les textes classiques, invente des anecdotes, déforme les noms, attribue à l’un l’invention de l’autre…

J’ai trouvé la forme très plaisante. Son livre tangue, roule, il est rythmé tout du long par cette phrase :  « la vie de galère, Dieu la donne à qui la veut » comme une incantation. Le chapitre V s’intitule : Des nombreux et grands privilèges des galères. Privilèges est pris dans un sens ironique : il énumère en fait là tous les dangers, malheurs, ennuis qui s’abattent sur la tête du pauvre passager ! Il commence à chaque fois cette litanie par ces mots : « La galère offre » … par exemple : « ..à celui qui s’y embarque le privilège de manger du pain ordinaire, de préférence tapissé de toiles d’araignée, noir… » c’est à chaque fois un  petit sketch, souvent drôle, comme quand il  évoque la promiscuité des lits : « et si, après avoir mangé des châtaignes ou dîné de radis, ton voisin se lâche un peu…tu m’as compris, mon frère : ne vas pas dire que tu l’as entendu – dis-toi seulement que tu l’as rêvé. »

J’aime beaucoup le chapitre IX qui est une « Subtile description de la mer », l’auteur nous livre ses pensées sur la mer en courtes descriptions souvent terribles.
« La mer  – il suffit de l’appeler par son nom pour la connaître, car la mer n’a rien d’autre à déclarer que son amertume… »

Puis Guevara reprend les conseils au voyageur, en faisant une liste de ce qu’il aura besoin, les phrases commencent toutes par : « Pour son salut, il est conseillé… », comme des strophes. C’est toujours aussi drôle et sarcastique. La vie de galère est une course à la survie, on ne parle pas de l’élévation de l’âme, non, on cherche seulement à survivre et garder un semblant d’humanité. Surprenant pour un religieux !

J’aurais encore beaucoup à dire sur ce petit livre, notamment dans la post-face de Catherine Vasseur où elle nous parle (entre autre) de la fonction d’écrire chez Guevara. Elle dit de la fonction d’écrivain :  : « De son œuvre, l’auteur devient à la fois le héros et le héraut. Heureux ou malheureux, selon sa bonne fortune. »

Mais je préfère au lieu de vous en parler maladroitement vous inviter à le lire sans tarder, et j’en suis sûre partager mon enthousiasme.
Merci encore à Livraddict et aux éditions Vagabonde sans qui je n’aurais jamais pu faire cette découverte.

Le Kabbaliste de Prague de Marek Halter

Ce livre a été lu dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Robert Laffont.
Un grand merci à Livraddict ainsi qu’aux éditions Robert Laffont pour m’avoir permit de lire ce livre dès sa sortie.

Présentation de l’éditeur

À la fin du XVIe siècle, dans le ghetto de Prague, le rabbin MaHaRal, le plus grand kabbaliste de tous les temps, façonne un être de boue à la force illimitée qui doit apporter la sécurité à son peuple… le Golem. Avec Le Kabbaliste de Prague Marek Halter nous plonge dans La Mémoire d’Abraham et l’univers des Juifs de l’Europe centrale de son enfance. Il nous entraîne dans le monde mystérieux de la Kabbale et celui de la Renaissance, avec ses découvertes sidérales, ses bouleversements scientifiques et ses guerres de religion. Mêlant fiction et réalité, hanté par les questions les plus contemporaines, Le Kabbaliste de Prague est un roman envoûtant, foisonnant d’érudition et d’émotion.

Mon avis

Ma première impression en découvrant le livre a été excellente. La couverture correspond parfaitement à ce que j’attendais du livre de par le titre.
En image de fond, des stèles juives, écrites en hébreu et par dessus, le titre écrit en relief : une invitation à aller plus loin.

Le sous-titre annonce la teneur du livre « le roman du Golem ».

Avant de parler de l’histoire, il faut savoir que le livre renferme un « trésor » pour ceux qui ne sont pas familiers de la culture juive. Il y a à la fin un glossaire simplifié permettant d’avoir les explications concernant certains mots.

Ce livre nous transporte grâce au récit de David Gans dans l’histoire des juifs du ghetto de Prague au XVIe siècle. Nous nous retrouvons plongés dans cette ambiance particulière, faite d’études, d’enseignement, de joie, mais aussi de peur vis-à-vis des chrétiens les accusant de tous les mots, de la relation avec les puissants, etc.

Dès le début, nous savons qu’il sera question du Golem, cet être fait d’argile animé grâce à l’inscription אמת (èmet : vérité). L’intérêt de ce livre est de nous entraîner sur ce qui a précédé cette création, puis le temps où elle est réalisée et pour finir l’après.
Le lecteur découvre ainsi que rien n’est fait au hasard, toute chose a une incidence sur le futur, que ce que nous croyons bon à l’instant présent peut se révéler dramatique plus tard, et ce qui nous semble mauvais, a une importance pour la suite de notre vie.

Le premier chapitre commence ainsi « Tout a commencé par une promesse. » et le dernier se termine par cette phrase « Tendez vos paumes et choisissez votre destin, mais ne comptez pas que le Saint Nom vous épargne le devoir de l’accomplir. »
Par ces deux phrases, on a le résumé du livre et surtout ce qu’il faut en retenir.

Deux phrases m’ont particulièrement marquée dans ce livre :
« Le chemin est fait de temps, et l’étincelle du Divin est le feu de la patience. Ne préjuge pas de ce qui n’est pas accompli. » (p.141)

« Avant la naissance de Golem, notre angoisse était unique : il nous fallait vivre et survivre. Désormais, la force née de notre propre volonté nous rendait maître de chaque pas de notre destin. Et c’était notre responsabilité, autant que la volonté de Dieu, que de choisir comment et où le conduire. » (p.218)

En conclusion, un livre extraordinaire qui au-delà de l’histoire qu’il raconte nous force à réfléchir sur les conséquences de nos actes, sur la portée de nos désirs. En lisant, nous nous rendons compte des erreurs des protagonistes, mais à leur place, aurions-nous eu la sagesse de faire différemment ?

Mon seul regret… que les mots hébreux ne soient pas écrits en hébreu. Pour moi, il y aurait eu plus de sens si les mots « émet » puis « met » avaient aussi été écrit אמת et מת, tout en gardant la translittération et la traduction pour facilité la lecture.

Les âmes vagabondes de Stephenie Meyer

« La terre est envahie.
Les âmes prennent possession du corps des hommes, dans l’optique d’en faire un monde plus pacifique.
Vagabonde est l’une de ces âmes, mais elle est pourtant différente. Elle a sa propre identité, identité qui va être confrontée à celle de son hôte, une humaine rebelle, prête à tout pour sauver les siens contraints de se cacher pour survivre et préserver tant leur vie que leur libre arbitre. »

Intriguée par ce livre après le succès de Twilight, je dois avouer que j’ai été agréablement surprise en le découvrant. Dés les premières pages on entre dans le vif du sujet, le ton est donné et tout s’enchaine rapidement. On est pris dans l’aventure extraordinaire de cette âme et même si par moment les premiers échanges entre l’âme et son hôte sont difficiles à imaginer, finalement l’on s’y habitue et l’histoire nous porte.

Avec « les Ames Vagabondes » Stephenie Meyer s’affranchit de ses précédents livres pour nous offrir un roman d’une toute autre dimension alliant fiction et réalisme. Tout en subtilité elle nous donne l’opportunité de nous interroger et de nous confronter à nos contradictions, nos propres défauts, nos erreurs et nos émotions.

D’abord rejetée et identifiée comme intrus ce personnage qu’est Vagabonde/Mélanie devient un élément essentiel pour ces humains qui passent alors outre leurs premières impressions et leurs craintes de l’ennemi pour finalement l’accepter et en faire l’une des leurs. Les personnages sont travaillés, touchants. On les voit évoluer, changer leur perception et leur comportement à mesure que Vagabonde de son côté apprend ce qu’est « être humain ».

Le roman se lit très bien, sans temps mort et ce malgré ses 830 pages. On retrouve un style simple mais avec une précision dans les descriptions qui apporte un plus au récit.

Ce livre a l’avantage d’apporter un renouveau au genre avant-gardiste en prenant pour toile de fond le futur d’une humanité en danger suite à l’invasion d’un peuple nouveau et en y ajoutant, au-delà des histoires d’amour et d’amitié qui se tissent entre les personnages, un message de tolérance et une note d’espoir.

Merci aux éditions Livre de Poche et à Livr@ddict pour m’avoir permis de découvrir ce livre.

La couleur du bonheur de Wei-Wei

Résumé :
Mei-Li quitte tout pour rejoindre sa fille, Bai-Lan, et ses petits-enfants. Le gendre ? Envoyé en camp de rééducation par le régime maoïste. Ensemble, les deux femmes affrontent la misère et les persécutions. Cuisinière hors pair, conteuse de talent, Mei-Li ramène la joie dans cette famille brisée. Sa méthode : infusions au gingembre, cueillette de plantes médicinales et histoires abracadabrantes !

Mon avis :
J’ai adoré ce livre, qui m’a permis de me plonger avec un bonheur infini dans l’histoire de la Chine, que je connais peu, et encore moins les conditions de vie des années 1920 à 1984. Le début m’a un peu rappelé Mulan et les scènes de préparation à voir la marieuse, dans le livre Mei-Li est préparée à se marier avec un fiancé qu’elle n’a jamais vu auparavant et qu’on a promis jeune, beau, etc., elle aura une désagréable surprise. Les personnages m’ont beaucoup plu, très vivants, plausibles (pour la belle-mère de Mei-Li, je suis passée de l’exaspération devant ses remarques vipérines à la tristesse et la pitié au fil du livre). Tourner la dernière page m’a laissée triste, sans être sur ma faim, car Wei-Wei m’a transportée en Chine en quelques pages.

Par son style, déjà. De longues descriptions des objets, des actions, comme pour planter un décor, des traditions, des dialogues aux phrases simples et courtes, je me suis rapidement retrouvée immergée dans ces temps successifs, dans cet univers bien particulier, la Chine maoïste. Comme par exemple, la tradition des pieds bandés, de son sens, de la méthode pour y parvenir, des pieds de Mei-Li et de leur influence sur son mariage, du mariage en lui-même, et surtout la signification du titre, cette couleur du bonheur.

La mention de « temps successifs » est importante car elle rejoint la structure du livre, qui m’a étonnée. Je m’attendais à une grande linéarité, passer dans l’ordre de l’enfance de Mei-Li à son mariage, puis la naissance et l’enfance de sa fille Bai-Lan, etc. J’ai été plutôt surprise, et en bien, par le choix de l’auteur. Les chapitres impairs (même s’ils ne sont pas numérotés, ou peut-être car il y a des symboles chinois en guise de titres) forment le récit à la première personne de Mei-Li, s’adressant à Fan-Fan, sa petite-fille, commençant par sa préparation au mariage, son arrivée chez ses beaux-parents, etc. Ceux pairs commencent en 1953, lorsque Mei-Li rejoint Bai-Lan pour son mariage et passent à la troisième personne, prenant Fan-Fan parfois pour narratrice, parfois Ming-Ming son frère aîné, surtout Mei-Li, d’un des chapitres de ce type à l’autre il peut se passer cinq, dix ans. Cette structure assez peu linéaire aurait pu m’ennuyer, m’énerver, me faire passer d’une page à l’autre en me focalisant trop sur l’année, l’âge des personnages, etc. Il n’en a rien été, et ce détail a participé à la magie de l’oeuvre. Quand sommes-nous maintenant ? Vais-je découvrir un pan de la vie de la petite-fille, du petit-fils ? Mei-Li, la grand-mère merveilleuse, va-t-elle me régaler d’une nouvelle description de lieu, de tradition ?

La fin a contribué à cette magie lorsque les deux temps n’en ont fait plus qu’un, donnant son sens à cette « bitemporalité », de manière adorablement poétique, un peu triste, et rejoignant également le titre, lui redonnant le sens qu’on lui connaît depuis les premières pages, bouclant la boucle, un beau symbole d’infini pour une lecture surprise, plaisir et passion.

Ma hâte à rentrer en France augmente encore davantage pour pouvoir découvrir les autres titres de Wei-Wei dont la plume m’a séduite sans doute aucun avec celui-ci !

Merci mille fois à Livraddict et aux Editions Points de m’avoir sélectionnée pour ce partenariat !