Quatrième de couverture
Quelques mètres de tissu, lisse, fragile et souple, d’un bleu clair métallique, devinrent notre prison… Je disparus, comme d’un coup de baguette magique. Je n’étais plus Rukhsana avec un nez bien à moi, une bouche, des yeux, un front, un menton, des cheveux, mais un linceul vivant, identique à toutes les autres femmes voilées… «Tu arrives à voir ?» demandai-je à Grand-Mère. Nous nous entraînions à porter nos burquas à la maison. «Oui, mais flou…» Elle trébucha contre un coussin et tomba sur un des divans. Elle se redressa en colère : «Je refuse de me montrer en public avec cette… cette… chose !»
En 2000, à Kaboul. Le gouvernement islamique impose sa férule à la population, pratiquement tout est interdit, journaux, distractions, jeux, etc. Mais voilà qu’il annonce vouloir promouvoir le cricket, pour prouver à ses opposants que l’Afghanistan peut aussi être une nation sportive. La meilleure équipe ira se perfectionner au Pakistan – ce que certains voient tout de suite comme une possibilité de s’enfuir.
Mais il faut d’abord connaître les règles du cricket et s’entraîner. Bien sûr, c’est strictement interdit aux femmes. Or la jolie Rukhsana a joué autrefois en Inde… Au prix d’incroyables ruses, subterfuges et déguisements, elle va mettre sur pied une équipe composée de son frère et de leurs cousins, tous bien décidés à se libérer du joug des talibans. Y parviendront-ils et que risque-t-il d’arriver à Rukhsana l’intrépide, la rebelle ?
Mon avis
En 2000, les talibans, déterminés à prouver au monde que l’Afghanistan est une nation sportive, décident de faire une demande d’affiliation à l’International Cricket Council… C’est autour de cette anecdote méconnue mais véridique que Timeri N. Murari, auteur indien que je ne connaissais jusqu’alors pas, a bâti l’intrigue de son roman.
De l’Afghanistan et de ses talibans, nous avons tous entendu parler. Mais à travers l’histoire de Rukhsana, une jeune Afghane de 24 ans, c’est le quotidien d’un peuple dans un pays brisé que l’on découvre. Par la guerre contre l’URSS, par la guerre civile qui a suivi, puis par l’arrivée au pouvoir des talibans. L’Afghanistan s’est peu à peu vidé de ses rires, de ses jeux, de ses divertissements. Ne restent que ces tristes silhouettes vêtues de bleu, pâles ombres de femmes, et ces hommes désoeuvrés, impuissants, tous survivant dans la peur et la méfiance.
On pourra reprocher à l’auteur de ne pas avoir lésiné en coïncidences, d’avoir créé une héroïne somme toute assez improbable, ou encore de s’être laissé aller à une fin « facile » mais cela n’enlève rien à la force de ce roman : nous plonger dans la misère et l’oppression subie par les Afghans sous le règne de terreur imposé par les talibans.
La condition féminine est au coeur du roman, avec ces femmes dont la place est « dans la maison ou dans la tombe ». Sous la plume de Murari, la parole est donnée à ces fillettes interdites d’école pour avoir eu le malheur de naitre femmes, de ces femmes enfermées chez elles, punies pour avoir osé lever les yeux ou répondre à un homme, de ces travailleuses brutalement privées de leurs gagne-pain et indépendance… Impossible, à la lecture, de ne pas s’imaginer ce que serait notre vie si, du jour au lendemain, il nous fallait renoncer à toute liberté. Le désespoir du peuple afghan, de ceux qui sont prêts à apprendre un sport de A à Z en quelques semaines pour pouvoir espérer quitter ce pays où ils n’ont plus d’avenir, transparait à chaque page.
Le cricket, issue de secours de cette jeunesse kaboulienne, reste pour moi le grand mystère de ce roman : rien à faire, je n’y comprends toujours rien ! Néanmoins, il suffit de se laisser entraîner par l’écriture plaisante et percutante de Timeri N. Murari pour oublier le côté sportif de l’histoire…
En résumé, Le Cricket Club des Talibans est un très beau livre, dérangeant et bouleversant, qui mérite grandement d’être découvert, mais peut-être en prenant ses distances par rapport à l’histoire principale, pour n’en retenir que le témoignage de ce que furent ces années sous la férule des talibans.